Retraites : la capitalisation cette mal-aimée des Français, malgré sa longue histoire dans le pays <!-- --> | Atlantico.fr
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La retraite par capitalisation est l'une des pistes de réformes pour l'avenir des retraites.
La retraite par capitalisation est l'une des pistes de réformes pour l'avenir des retraites.
©AFP

Réforme

Comment expliquer le refus de capitalisation en France, alors que ce système est appliqué dans de nombreux pays à l'étranger ?

Eric Weil

Eric Weil

Eric Weil est un ancien conseiller retraites qui tente d’informer sur le sujet.

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Quelle place occupe la retraite par capitalisation en France (aujourd’hui et historiquement) ? Quelle place occupe-t-elle à l’étranger ? Faut-il privilégier ce système ?

Commençons par une rapide plongée dans l’histoire de notre système de retraite en s’appuyant sur les travaux d’une récente réunion du COR.

Le premier régime de retraite obligatoire mis en place en France est un système “par capitalisation”.

Il fut institué par la loi sur les retraites ouvrières et paysannes (ROP) de 1910, portée par le socialiste René Viviani. Il instaura une retraite obligatoire pour tous les salariés dont la rémunération annuelle était inférieure à 3000 francs.

Les fonds collectés par ce régime en capitalisation furent gérés par la Caisse des dépôts

Pour l’anecdote, les cotisations étaient alors retracées dans des carnets dans lesquels étaient collés des timbres certifiant leur versement.

Pourquoi la capitalisation fut alors privilégiée à la répartition ? 

Car on estimait qu’elle avait l’avantage de pérenniser ce nouveau droit à la retraite, là où la répartition nécessitait un vote annuel, très incertain, du Parlement autorisant l’utilisation des cotisations.

Autre argument : la capitalisation est supposément moins sujette aux à-coups des crises économiques.

Jaurès lui-même voyait dans la capitalisation un moyen pour les ouvriers de prendre en main leur destin économique, à la condition qu’ils puissent eux-mêmes gérer les caisses.

Cette loi fut de fait vidée de sa substance en 1911 puis en 1912 par la Cour de Cassation qui annula le caractère obligatoire de la cotisation.

Deux décennies plus tard, les lois sur les assurances sociales (1928 et 1930) marquèrent la 2ème tentative de l’Etat de mettre en place un système de retraite obligatoire. Une nouvelle fois, le modèle choisi fut la capitalisation.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le système de retraite est en échec : les pensions servies restent très faibles car ce nouveau régime n’est pas encore monté en charge ; et, surtout, l’hyperinflation des années 30 a laminé la valeur réelle des montants capitalisés.

En 1941, pour parer à la pauvreté persistante des personnes âgées, le régime de Vichy met en place le 1er système par répartition. Il puise dans les cotisations versées dans le cadre des assurances sociales pour allouer une « allocation aux vieux travailleurs salariés ».

La mise en place de la Sécurité Sociale en 1945 pérennise ce système. L’enjeu étant alors de servir de suite des pensions, la répartition finit de s’imposer.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Si la répartition reste au fondement du système, certaines exceptions demeurent parmi la quarantaine de régimes obligatoires de retraite.

3 régimes professionnels obligatoires fonctionnent aujourd’hui par capitalisation : 

- le régime des salariés de la Banque de France (dont la suppression est prévue par l’actuelle réforme des retraites), fondé par Napoléon ;

- le régime de retraite complémentaire des pharmaciens, géré par la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) ;

- et le régime additionnel de la fonction publique (RAFP) qui permet aux fonctionnaires d’Etat de cotiser sur une partie au moins de leurs primes.

Ce dernier est obligatoire : il couvre donc l’ensemble des 2,5 millions de fonctionnaires d’Etat. Les versements dans ce cadre s’élèvent à environ 5% de la pension totale (DREES).

Mis en place en 2005, ce régime est administré de façon paritaire par les organisations patronales et… syndicales, qui jouent donc de fait le jeu de la capitalisation.

Au-delà de ces régimes obligatoires, chaque actif peut souscrire individuellement ou dans le cadre de son entreprise à un plan d’épargne retraite (PER).

On observe depuis le durcissement des règles du régime général par répartition (à partir de 1993) et la mise en place du PER (loi Pacte), une montée en puissance de la capitalisation

Reste que, selon la DREES, les sommes versées dans le cadre de ces plans d’épargne ne représentent que 2,25% de l’ensemble des prestations retraite. Mais les actifs actuels ayant plus capitalisé que leurs aînés, cette part grimpera de quelques points dans les décennies à venir.

Qu’en est-il à l’étranger ? 

Comme l’explique François Ecalle dans un de ses récents billets, les systèmes publics de retraite des pays de l’OCDE comportent généralement deux étages.

- Un premier étage par répartition, où les pensions peuvent être forfaitaires et versées à tous les citoyens (Royaume-Uni, Pays-Bas, Canada, Japon) ou liées aux cotisations ; 

- Un second reposant sur les cotisations, “souvent par capitalisation”.

Parmi les pays de l’OCDE, la France se distingue plutôt par la part très marginale des mécanismes de capitalisation dans le financement de son système.

Notons par exemple qu’en Suède, pays dont le niveau de protection social est parmi les plus élevés, il existe un étage obligatoire financé en capitalisation qui couvre la totalité de la population active depuis une réforme de 1998.

Enfin, faut-il en déduire qu’il serait pertinent d’ajouter une dose de capitalisation obligatoire à notre système de retraite français ?

En conclusion, disons simplement que, sans en faire la panacée, il serait bon, de démystifier la capitalisation, aujourd’hui largement associée dans l’imaginaire collectif aux dérèglements du capitalisme débridé.

La capitalisation existe largement chez nos voisins (y compris les plus généreux socialement) ; elle a été mise en place en France par la gauche au début du 20eme siècle ; elle est aujourd’hui au cœur d’un des régimes (RAFP) administrés entre autres par les syndicats.

Pour retrouver le Thread d'Eric Weil : cliquez ICI

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