Retraites : 20 milliards... ou plutôt 50, de combien avons-nous vraiment besoin pour sauver le système français ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le rapport de la conseillère d’Etat, Yannick Moreau, qui aborde certaines pistes pour rétablir les comptes du système français de retraite, est officiellement présenté ce lundi.
Le rapport de la conseillère d’Etat, Yannick Moreau, qui aborde certaines pistes pour rétablir les comptes du système français de retraite, est officiellement présenté ce lundi.
©Reuters

Loin du compte

D’après le Conseil d'orientation des retraites, le système accusera un déficit de plus de 20 milliards d’euros en 2020.

Philippe  Crevel et Jacques Bichot

Philippe Crevel et Jacques Bichot

Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques, des questions relatives à l’épargne et à la retraite. Il suit particulièrement les dossiers concernant les finances publiques, l’emploi ainsi que les politiques publiques.

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010. et Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012.


 

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Atlantico : Le rapport de la conseillère d’Etat, Yannick Moreau, qui aborde certaines pistes pour rétablir les comptes du système français de retraite, est officiellement présenté ce lundi. D’après le Conseil d'orientation des retraites, le système accusera un déficit de plus de 20 milliards d’euros en 2020. Comment ce chiffre est-il calculé ? Sur quelles bases ?

Jacques Bichot : Le Conseil d’orientation des retraites (COR) réalise des projections en fonction de certaines hypothèses. Cela veut dire qu’il retient divers scénarios pour :

  • la fécondité (sans effet à l’échéance 2020) ;
  • la mortalité (plus celle-ci diminue, plus il y aura de pensions à payer) ;
  • l’immigration et l’émigration (hypothèse : chaque année 100 000 arrivées nettes de départs) ;
  • la croissance annuelle de la productivité du travail (5 hypothèses, de 1 % à 2 %) ;
  • le taux de chômage (censé baisser puis se stabiliser soit à 4,5 % soit à 7 % ; en 2020, il serait entre 7,3 % et 7,8 % selon les scénarios) ;
  • les règles relatives aux retraites (passage à 41 ans et trois trimestres pour la durée d’assurance requise, revalorisation des pensions selon l’inflation). Pour les régimes ARRCO et AGIRC, deux scénarios, l’un où le prix d’acquisition des points évolue comme leur valeur de service, et un autre où il augmente plus vite.

Une « maquette » (en somme, un logiciel) permet, pour chaque jeu d’hypothèses, de calculer le nombre d’actifs occupés, le nombre de retraités, le PIB, les recettes des régimes de retraite, leurs dépenses, et donc le déficit prévisible.

À l’horizon 2020, ces projections conduisent à des déficits compris entre 21,3 milliards dans le scénario le plus optimiste, et 24,9 milliards dans le plus pessimiste. Compte tenu de la croissance du PIB correspondant à chaque scénario, cela ferait 0,9 % à 1,1 % du PIB.

Philippe Crevel : Le Conseil d’orientation des Retraites a revu ses prévisions de déficit pour les régimes d’assurance-vieillesse à la fin de l’année dernière. Les précédentes dataient de la réforme de 2010. Pour établir ses prévisions, le COR retient plusieurs scénarii qui sont fondés sur différentes hypothèses économiques, démographiques et de législation en matière de retraite. En 2012, il a décidé de travailler non plus sur trois scénarii mais sur cinq pour tenir compte la forte volatilité de la conjoncture économique.

Le COR a ainsi retenu des hypothèses de croissance annuelle de la productivité du travail allant de 1 à 1,8 % et de taux chômage à long terme compris entre 4,5 et 7 %. Ces deux facteurs sont clefs pour évaluer la masse salariale servant de base aux cotisations sociales qui financent les régimes vieillesse. Pour les hypothèses démographiques, permettant d’évaluer le nombre de retraités à venir et le rapport entre cotisants et bénéficiaires, les aléas sont moindres même si elles ne sont pas sans incidence sur le résultat du déficit. Dans le cadre de ses dernières prévisions, le COR a retenu un taux de fécondité de 1,95 enfant par femme à partir de 2015 soit une légère baisse par rapport au taux actuel de fécondité qui se situe autour de 2. Il a aussi retenu le passage de l’espérance de vie à 60 ans de 22,2 à 28 ans de 2010 à 2060 pour les hommes et de 27,2 à 32,3 ans pour les femmes.En matière de durée de cotisation, le COR a intégré un passage de la durée de cotisation de 41 ans en 2012 à 41,75 en 2020.

Le déficit de 20 milliards d’euros affiché pour 2020 correspond au scénario central avec un taux de croissance de 1,5 % de la productivité et un taux de chômage de 4,5 % en fin de période. En fonction des hypothèses retenues, les écarts pour les déficits se matérialisent surtout après 20 ans. En effet, en 2020, le déficit varie de 19 à 22 milliards d’euros quand il varie de 10 à 47 en 2030 du fait des effets cumulatifs.

Peut-on s'y fier ? Alors que le taux de chômage atteint désormais 10,4% de la population active, qu’en période de récession ce chiffre a peu de chance de reculer, et que l'on peut douter des prévisions de croissance à si long terme, ces calculs sont-ils trop optimistes ?

Philippe Crevel : Au regard de la situation actuelle, les hypothèses du COR apparaissent très optimistes. La croissance de la productivité ne dépasse pas 0,5 % par an et nul n’imagine un retour rapide au plein emploi. Sachant qu’un point de croissance en moins réduit les recettes de la Sécurité sociale de 1,9 milliards d’euros ; pour le seul régime d’assurance vieillesse, le manque à gagner étant d’environ 700 millions d’euros. Il faut, par ailleurs, ne pas oublier qu’une moindre croissance sur plusieurs années ayant un effet cumulatif, la dérive des comptes est exponentielle.

L’exercice des prévisions sur dix ans et encore sur vingt ou trente ans est délicat. En 2010, les syndicats comme les partis de gauche ont accusé le pouvoir de l’époque de dramatiser la situation financière du régime général de la retraite afin de faire passer le recul de l’âge de la retraite à 62 ans. Avec le recul, il faut admettre que le précédent gouvernement et le COR avaient été trop optimistes.

Évidemment, en retenant les données actuelles, un  chômage de 11 % et de très faibles gains de productivité, le montant potentiel du déficit pourrait atteindre 30 milliards d’euros et voire plus à l’horizon 2020. Les dépenses de retraite augmentent sur un rythme annuel de 4 à 6 % quand les recettes stagnent.

Jacques Bichot : Ces calculs n’ont guère d’intérêt autre que pédagogique. Ils montrent que la situation financière des régimes de retraite, globalement, pourrait être durablement mauvaise, et qu’il faut donc effectuer des réformes. Mais ils n’ont aucune valeur prédictive. La situation économique est largement imprévisible. Nos gouvernants, et tous ceux qui veulent avoir une opinion éclairée concernant la prospective (la façon d’imaginer le futur pour s’y préparer), devraient lire le livre de Taleb, Le cygne noir (éditions les Belles Lettres, 2011), qui a comme sous-titre : « la puissance de l’imprévisible ». Un « cygne noir », c’est un événement qui était considéré comme quasiment impossible, et qui se réalise. Taleb en donne quantité d’exemples.

Je ne dirai donc pas que les projections du COR sont trop optimistes ou trop pessimistes : mon avis est simplement que le COR aurait dû avoir recours à des scénarios encore plus contrastés, parce que l’avenir est vraiment très ouvert. À l’horizon 2060, puisque les calculs du COR vont jusque-là, nous avons un excédent de 0,5 point de PIB dans le scénario le plus optimiste, et un déficit de 2,9 points dans le plus pessimiste ; mais ça pourrait aussi bien être le Nirvana, ou la Bérézina ! Surtout, quelle est la probabilité d’arriver en 2060 avec le même système de retraites que nous avons aujourd’hui ?

Ce qu’il faut retenir des rapports du COR, c’est que l’avenir est inconnu, et que nous devons par conséquent réformer notre système de retraites dans un sens le rendant plus gouvernable, plus facile à manœuvrer dans la tempête comme par beau temps.

Et puis, si nous utilisons les projections du COR, regardons-les complètement ! L’excédent en 2060 ne doit pas être interprété en disant : « il y a quand même un scénario où tout fini par s’arranger ». Car si on lit tout, on voit que dans ce scénario le taux de remplacement des revenus d’activité par les pensions baisse d’une façon que tout le monde trouvera plutôt saumâtre : il passerait de l’indice 100 en 2011 à l’indice 71,9 en 2060. Le COR nous apprend en fait tout simplement que nous pouvons redresser les comptes des retraites par répartition en paupérisant les retraités !

A travers sa réforme du quotient familial, le gouvernement prétendait ramener à l'équilibre la branche famille de la sécurité sociale. Sauf que celle-ci, structurellement excédentaire, renfloue de 4 milliards d'euros les majorations de retraites, pour les personnes ayant élevé plus de trois enfants autrefois payées par les retraites (voir ici). Une partie du déficit des retraites est-il camouflé par d’autres branches ?

Philippe Crevel : Avec la diminution du plafond du quotient familial, le gouvernement opère un jeu de bonneteau. En effet, cette mesure bénéficiera au budget de l’Etat et non à la branche famille qui est aujourd’hui déficitaire car elle est mise à contribution par les autres régimes. Les transferts entre les branches sont nombreux. La principale bénéficiaire de ces jeux comptables et la Caisse nationale d’assurance vieillesse qui reçoit environ 20 milliards d’euros des autres organismes sociaux. La branche famille supporte, en autre, les majorations pour famille nombreuse accordées aux pensionnés. Ces dernières s’élèvent à 3,7 milliards d’euros soit plus que son déficit qui s’élevait à 2,5 milliards d’euros en 2012.

Jacques Bichot : Oui, le camouflage du déficit des retraites est extraordinaire. Par exemple, les régimes spéciaux (SNCF, RATP, mines, etc.) sont quasiment à l’équilibre dans les comptes de la sécurité sociale, mais c’est parce qu’ils reçoivent de l’État plus de 7 milliards. Surtout, le régime des fonctionnaires de l’État serait déficitaire d’une vingtaine de milliards s’il existait une caisse de retraite pour le gérer avec des cotisations aux mêmes taux que celles des salariés du privé. Et, pour avoir une bonne comptabilité, les dépenses de l’assurance maladie en faveur des retraités devraient être financées par des cotisations et de la CSG assises sur les pensions. Sauf à réduire drastiquement le niveau de vie des retraités, les pensions devraient donc être augmentées d’une cinquantaine de milliards : tel est le montant de la subvention totalement occulte que la branche maladie apporte chaque année à la branche vieillesse.

En fait, l’État providence a instauré un système de vases communicants qui enlève toute pertinence aux comptes officiels. Aucune institution de protection sociale ne tient des comptes reflétant le coût réel du service qu’elle rend. Nos gouvernants de tous bords ont organisé le plus extraordinaire des obscurantismes comptables : si les défauts des comptes des caisses nationales de sécurité sociale se résumaient à ceux que pointe la Cour des comptes quand elle refuse de donner son quitus, ou qu’elle le donne avec des réserves, ce ne serait pas trop grave ; mais ces comptes, même s’ils étaient impeccables du point de vue formel, ne nous fourniraient pas l’image exacte de la réalité économique, ce qui est pourtant le but même de la comptabilité, cela en raison de l’organisation absurde des rapports des institutions de protection sociale entre elles et avec l’État.

Dans ces conditions, selon vous, de combien avons-nous vraiment besoin pour combler le déficit des retraites ?

Philippe Crevel  : Ces jeux d’écriture réduisent les pertes de l’assurance-vieillesse dont les pertes réelles ont dû se situer entre 15 et 18 milliards d’euros en 2012 en lieu et place des 8,9 milliards d’euros affichés (en prenant en compte le Fonds de solidarité vieillesse). A décharge, la CNAV supporte des dépenses en provenance de certains régimes spéciaux (transport, énergie) qui lui ont été adossés. Une opération de vérité comptable devrait être menée mais du fait de la multitude des transferts inter-régimes, l’exercice ne sera pas simple à conduire. C’est pourquoi l’engagement d’une véritable réforme serait souhaitable afin de mieux identifier les charges et les ressources tout en réduisant les coûts de gestion.

Jacques Bichot : Actuellement, une cinquantaine de milliards, soit 2,5 points de PIB. C’est expliqué dans le livre qu’Arnaud Robinet et moi-même sortirons aux éditions Les Belles Lettres en octobre prochain.

Les pistes préconisées par Yannick Moreau pour rétablir les comptes du système français vous semblent-elles aller dans le bon sens. Peuvent-elles vraiment générer les recettes supplémentaires nécessaires ?

Philippe Crevel : Depuis vingt ans, les gouvernements pratiquent le rafistolage en matière de retraite en déplaçant les différents curseurs du système actuel qui est jugé par tous complexe, inéquitable et coûteux. La commission Moreau propose sans surprise de modifier quelques paramètres et d’augmenter quelques prélèvements pour tenter de passer le cap et gagner du temps. Nous sommes dans la répartition de la pauvreté et non dans l’engagement d’un nouveau cycle. Les pouvoirs publics ont une vision malthusienne. Les retraités devront accepter une amputation de leurs pouvoirs d’achat avec l’augmentation de la CSG ou de l’impôt sur le revenu ainsi qu’avec la désindexation. Les actifs pourraient voir leur future pension amputée si les salaires de référence n’étaient plus ou moins bien actualisés.

L’augmentation des cotisations vieillesse, également proposée, est contradictoire avec la volonté de restaurer le taux de marge des entreprises qui est à son plus bas niveau sur quarante ans. Les cotisations ont été récemment augmentées de 0,2 point pour financer le retour partiel de l’âge de la retraite à 60 ans.

Par ailleurs, sans surprise, la Commission propose d’allonger la durée de cotisation qui est actuellement de 41,5 années. Cette mesure n’est pas en soi révolutionnaire car elle vise à poursuivre ce qui est la règle depuis 1993. La durée de cotisation s’accroit avec l’augmentation de l’espérance de vie à la retraite. Le gouvernement peut accélérer un peu la marche. Ce dispositif a un effet plus dilutif que celui du report de l’âge légal de départ à la retraite. Le passage progressif de la durée de cotisation à 43 ans rapporterait 4 milliards d’euros. En revanche, un report effectif de l’âge de départ à la retraite à 65 ans permettrait d’effacer le déficit. Le gouvernement bloqué par la promesse de François Hollande s’interdit de jouer sur l’âge légal, du moins pour le moment. Tous nos partenaires ont eu recours à cette solution en portant l’âge légal, en moyenne, à 65 ans. Plusieurs États dont l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni ont déjà décidé d’aller au-delà de 65 ans.

Face aux propositions de la Commission Moreau, je regrette qu’une fois de plus la réforme systémique soit enterrée. Certains disent que c’est impossible à réaliser du fait des contraintes techniques, d’autres que notre pays n’y est pas prêt ; mais la Suède et l’Italie ont osé, pourquoi pas nous ? Certes, cette réforme ne réglerait pas les questions de financement mais elle éviterait de remettre en route la machine à rancœurs. Nous constatons que les différents modes de calcul et d’attribution des pensions entre fonctionnaires, régimes spéciaux, indépendants et salariés du privé génèrent de la jalousie et des suspicions. La proposition de Yannick Moreau de calculer les pensions des fonctionnaires sur la base des traitements des dix meilleures années en lieu et place des six derniers mois a provoqué une levée de boucliers des syndicats. Ces derniers entendent défendre leurs droits. Or, pour les salariés du régime général, le calcul s’effectue sur la base des vingt-cinq meilleures années et cela depuis 1993. La politique des petits pas a ses limites surtout quand la moyenne des pensions dans la fonction publique est de 600 euros supérieure à celle du secteur privé.

L’unification de notre système de retraite permettrait, en outre, à terme, de réaliser de substantielles économies. En effet, les coûts de gestion de nos 35 régimes de base s’élèvent à 1,92 % selon la Commission européenne soit un coût bien supérieur à celui de nos principaux partenaires.  Au sein de l’Union européenne, la moyenne est de 1,19 %. Les coûts de gestion atteignent à titre d’exemple 0,58 % en Norvège. Nous pourrions réaliser un gain de 2,5 à 3 milliards d’euros en simplifiant notre mille-feuille de la retraite.

Jacques Bichot : À l’instant où je vous réponds, je ne connais du rapport Moreau que ce qui en a filtré avant sa publication. Donc peut-être vais-je me baser, bien involontairement, sur des informations inexactes.

Pour les fonctionnaires, Yannick Moreau préconise de prendre comme salaire de référence une moyenne sur quelques années, et non plus seulement sur les six derniers mois. Mais elle prévoit déjà en contrepartie une inclusion d’une partie des primes dans ce calcul. Les effets d’un tel mélange, dont les proportions ne sont pas encore arrêtées, sont difficiles à estimer sans disposer de données colossales et de moyens de calcul à l’avenant. Je ne peux qu’alerter sur ce qui s’est passé pour les régimes spéciaux lors de leur réforme en 2007 et pour les régimes des salariés du privé en 2003 : nos gouvernants ont le chic pour faire des économies qui coûtent cher ! De plus, je crains que ces changements ne rendent encore plus délicat la conversion du régime des fonctionnaires en régime de Monsieur Tout Le Monde, auquel il faudra bien arriver le jour où l’on mettra en place un régime universel de bonne facture. À cet égard, le précédent de 1982 n’est guère encourageant : le changement du mode de calcul de la décote qui a été décidé alors rendra bien plus difficile le passage des annuités aux points pour le régime général et le régime des fonctionnaires, conversion dont la nécessité commence à être reconnue.

L’allongement de la durée de cotisation est une tarte à la crème dont la Droite raffolait, et que la Gauche semble vouloir goûter à son tour. Sachant que le recours à la durée d’assurance est particulièrement injuste, et qu’il disparaîtra le jour où un système par points sera mis en place, c’est une proposition à laquelle je ne souscris pas. Une personne qui a travaillé 70 heures par semaines pendant 30 ans et qui prend sa retraite à l’âge légal ne devrait pas être pénalisée par rapport à celle qui a travaillé 20 heures par semaine durant 45 ans, c’est-à-dire nettement moins au total. De plus, alors que Mme Moreau veut réduire les inégalités hommes-femmes, l’allongement de la durée d’assurance requise pèse davantage sur ces dernières.

Mettre la CSG des retraités au niveau de celle des salariés est une mesure de bon sens. Profitons-en donc pour supprimer la distinction entre CSG déductible, CSG non déductible et CRDS, et pour asseoir cette CSG sur 100 % (et non 98,5 %) du revenu : les complications inutiles, ça suffit !

La suppression de l’abattement de 10 % sur le montant des pensions pour obtenir le revenu imposable me parait nettement plus discutable. Beaucoup de retraités s’investissent dans une vie associative qui entraîne des frais analogues à ceux d’une activité professionnelle. Je crois qu’il vaudrait mieux supprimer cet abattement pour tout le monde, en laissant aux employeurs le soin de compenser les frais professionnels. Ou alors ne le supprimons pour personne. C’est d’ailleurs la logique de l’égalité à laquelle on a recours pour justifier l’alignement du taux de CSG : pourquoi vaudrait-elle pour cet impôt et pas pour l’impôt sur le revenu ?

La sous-indexation temporaire des pensions est la principale mesure capable d’agir rapidement sur le stock des pensions. Si nous étions dans un système avec un seul régime, ce serait facile : on pourrait indexer sur l’inflation par exemple jusqu’à 800 € de pension mensuelle, et désindexer au-dessus. Dans l’absurde système à trois douzaines de régimes que nous gardons comme une relique, la mesure sera bête et méchante. Hélas, c’est le système qui est bête et méchant, ou plus exactement le comportement de tous nos gouvernants en matière de retraites depuis la Libération ; donc allons-y, le cœur en écharpe, pour cette désindexation bête et méchante.

L’inclusion dans le revenu imposable des majorations de pension pour famille nombreuse est en soi normale. Mais elle avait pour but de compenser l’insuffisance criante des dispositions qui lient le montant des pensions au nombre des enfants élevés. Rappelons à cet égard le théorème de Sauvy : « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants ». Reste que des majorations proportionnelles à la pension sont absurdes. Imposons donc – le couteau sous la gorge on ne peut pas faire dans la dentelle – mais avec obligation de rembourser tout ce qui aura été prélevé si, d’ici la fin du quinquennat, n’a pas été votée une loi-cadre instaurant le passage à un régime unique par points donnant un nombre de points suffisant aux parents, indépendant de leur revenu, pour chaque enfant élevé.

Faut-il sous-indexer les salaires portés en compte ? Les effets d’une telle mesure se feront sentir davantage à long terme qu’à court terme. Mais comme elle ne devrait pas spécialement compliquer le passage des annuités aux points, on peut y avoir recours même en se préparant pour une vraie réforme.

La majoration des cotisations patronales serait en revanche une sottise absolue : elle diminuerait immédiatement la compétitivité et obligerait les patrons à lutter pendant deux ans contre les demandes d’augmentations pour rattraper l’erreur gouvernementale. Le mieux serait de renoncer à toute augmentation de cotisation. À la rigueur, une augmentation des cotisations salariales : que le gouvernement l’assume si vraiment il veut augmenter la pression sur les actifs. Et surtout, vivement la fiche de paie vérité (plus de cotisations patronales, rien que des cotisations salariales).

Pour la pénibilité, c’est aux entreprises de rémunérer mieux, sous forme de dotations aux comptes d’épargne retraite, les salariés concernés. Que l’État arrête de se mêler de tout et d’engager des dépenses nouvelles !

Enfin, le pilotage annuel des régimes de retraite est une évidence. L’important est de se donner les moyens d’y parvenir : séparer les rôles du législateur et du gestionnaire. Une vraie révolution. Mais, de grâce, que ce ne soit pas au gouvernement de trancher, comme semble le recommander le rapport ! Le rôle de l’État est de définir des règles stables et de punir les mauvais gestionnaires, pas de s’installer comme gestionnaire indéboulonnable capable de modifier les règles du jeu pour un oui ou pour un non.


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