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Retour d’Al-Baghdadi : le calife sans califat… mais pas sans troupes, ni sans projet de terreur
©AFP

Etat islamque

Abou Bakr Al-Baghdadi le "calife" du proto-État Islamique qui n’était apparu publiquement qu’en 2014 pour proclamer la création de son "califat" depuis Mossoul, a émis le 27 avril une vidéo suivie d'un enregistrement audio de respectivement de treize puis six minutes. Cela a été enregistré en avril par le principal site de propagande de Daech nommé al-Furqan.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Tout avait été minutieusement préparé, le discours comme la mise en scène qui présente une ressemblance avec les apparitions d'Oussama Ben Laden et de Moussab al-Zarqawi. Les messages à passer sont nombreux et sont surtout destinés à ses fidèles qui pouvaient s'étonner de son silence en ce moment difficile pour Daech.

Il  reconnaît que "la bataille de Baghouz est terminée" et que "beaucoup d’autres choses vont arriver après cette bataille". Sans paraphraser, il lance un "nous avons perdu une bataille mais pas la guerre" sans savoir qui en est à l'origine. Fait très important, il affirme mener une "guerre d’usure" ce qui implique qu'il imagine qu'elle va s'étendre dans le temps, même peut-être sur plusieurs générations.

Il se félicite de l’opération "revanche pour le Cham" lancée au début avril qui aurait, selon lui, déjà connue 92 actions dans huit pays dont celle du 9 avril à Fuqaha en Libye … C'est pour cette raison que la vidéo est estimée avoir été tournée entre le 9 avril (sans doute après le 10) et le 21 avril, jour des attaques au Sri-Lanka dont il ne parle que dans la partie audio qui suit sa vidéo. 

Il cite de nombreux "martyrs" ayant combattu à Raqqa et à Mossoul ainsi que les frères Clain pour la branche médiatique. Par là, il veut démontrer qu'il se tient bien au courant de ce qui se passe sur le terrain.

Il dit avoir accepté l’allégeance de militants du Burkina Faso, du Mali et d’Afghanistan. Des dossiers lui sont présentés concernant les wilayat de Somalie et de Turquie ce qui montre son goût de l'organisation - il est connu pour être très procédurier -. Plus inquiétant, ces pays, Mali, Burkina Faso, Afghanistan, Somalie, Turquie ne sont pas ainsi mis en avant pour rien puisque le film a été soigneusement préparé. Sont-ils de futurs objectifs où il veut que l'effort de Daech porte? Les wilayat d'Extrême-Orient, du Sinaï, du Caucase sont déjà bien actives et n'ont pas besoin d'encouragements particuliers. Il faut dire que les émirs locaux bénéficient d'une grande autonomie de décision étant les plus à même de décider ce qu'il convient de faire sur leur théâtre de guerre.

Il évoque la chute des présidents soudanais et algérien affirmant que le Djihad est la seule solution pour (NdA, abattre) les "tyrans". En cela, il marque sa différence stratégique avec Al-Qaida "canal historique" qui a "félicité" les peuples qui se sont révoltés pacifiquement contre leurs dirigeants. Il n'en reste pas moins que l'idéologie des deux mouvements est la même, le salafisme-djihadisme

Ce n’est qu’une fois la vidéo terminée qu’un enregistrement audio - vraisemblablement rajouté par la suite en tant que "mise à jour"- lui fait évoquer l’attaque du Sri Lanka du dimanche (de Pâques) 21 avril qui aurait été menée pour venger la prise de la ville syrienne de Baghouz (et pas les assassinats de masse dans deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande qui ont fait 50 victimes comme cela a été faussement avancé précédemment). Il cite aussi une tentative d’attaque du siège des services de sécurité de Zulfi en Arabie saoudite qui a échoué également le 21 avril (les quatre terroristes ont été tués). Il y avait une similitude des films montrant l'allégeance des activistes sri-lankais et des Saoudiens ce qui signifie que les savoir-faire circulent entre les différentes cellules, même très éloignées.

À noter que par le passé, Bagdhadi avait déjà émis des messages audio, le dernier datant d’août 2018. Il avait tenté à l’époque d’effacer les pertes territoriales infligées à son mouvement. La rareté de ses interventions font qu'elles sont plus écoutées que celles de al-Zawahiri.  Bien qu’ayant été annoncé mort (en 2017 par les Russes) ou gravement blessé à plusieurs reprises, il paraît en bonne santé avec une barbe teinte à la mode des Abbassides et comme Ben Laden, un fusil d’assaut Aks74u à ses côtés. A sa différence, la cartouchière qui est située sous le fusil d'assaut, en plus de chargeurs, semble comporter une bâton allumeur (voir la goupille). Le message est clair, il ne se laissera jamais faire prisonnier préférant le "martyre". Là non plus, ce message subliminal n'est pas destiné à ses adversaires mais à ses fidèles: "faites comme moi, allez jusqu'au sacrifice suprême".

Il parle à trois individus aux visages floutés qui l'écoutent religieusement, manière de montrer qu'il est loin d'être seul.  

Al-Baghdadi de son vrai nom Ibrahim Awwad Ibrahim al-Badri est né en 1971 à Samara en Irak. Diplômé en études religieuses de l’Université coranique Saddam Hussein, il est devenu l’émir de la branche irakienne d’Al-Qaida "canal historique" (l’État Islamique d’Irak, EII) en 2010 avant de porter le fer en Syrie voisine en 2012 via l’État Islamique d’Irak et du Levant (EIIL). Il a rompu en 2014 avec al-Zawahiri lorsqu’il a créé son "califat", ce à quoi ce dernier était totalement opposé. A la différence de Zawahiri qui reconnaît l'autorité religieuse du chef des taliban afghans (comme le faisait Oussama Ben Laden), lui cumule les responsabilités de chef religieux, militaire et politique de Daech. Une prime de 25 millions de dollars pèse sur sa tête. Mais pour l'instant, nul ne sait où il se trouve et il est à craindre qu'il exerce une influence psychologique importante chez des sympathisants vivant en Occident. Les Américains viennent d'arrêter un ancien militaire converti à l'Islam qui voulait passer à l'action. Heureusement, le complice qui lui a fourni les explosifs était un agent infiltré du FBI... 

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