Résidence alternée pour les enfants de couples séparés : pourquoi il est irréaliste de vouloir en généraliser la pratique<!-- --> | Atlantico.fr
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Au moins trois amendements doivent être examinés à l'Assemblée nationale pour rendre prioritaire la résidence alternée égalitaire en cas de séparation parentale.
Au moins trois amendements doivent être examinés à l'Assemblée nationale pour rendre prioritaire la résidence alternée égalitaire en cas de séparation parentale.
©Reuters

A gauche, à droite

Si dans 80% des cas les parents s'entendent sur le mode de garde, la mère ne se sépare de son enfant que dans 8% des cas et la garde alternée ne représente encore que 20% des situations. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale examine des amendements pour faire de ce système le mode de garde prioritaire.

Catherine Perelmutter

Catherine Perelmutter

Catherine Perelmutter est avocate au barreau de Paris et est spécialisée en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine.

Son site personnel : avocat-perelmutter.com

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Atlantico : Au moins trois amendements doivent être examinés à l'Assemblée nationale pour rendre prioritaire la résidence alternée égalitaire en cas de séparation parentale, dans le cadre de la loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce mode de garde suppose que les enfants fréquentent une seule et même école, les parents devant donc résider à proximité l'un de l'autre. En quoi il semble irréaliste de généraliser cette pratique ?

Catherine Perelmutter : Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en compte différents critères fixés par la loi et la pratique.

L’article 373-2-11 du Code civil a fixé différents critères, mais leur utilisation prête à confusion :
1) La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords, qu’ils avaient pu antérieurement conclure. L’analyse du juge est tronquée par son idéalisation des relations humaines, et la pratique antérieure est parfois imposée par un parent dominant sur le parent dominé. En réalité, le juge manque de temps pour apprécier le libre consentement des époux à ces prétendus accords.

2) Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil. 
- L'audition est encadrée, et effectuée parfois par le psychologue nommé par le juge.
- L’enfant n'est pas une partie, et ne décide pas.

3) L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre.
- La preuve de l’inaptitude de l’autre parent n’est pas audible par le juge, qui prône à tout prix une attitude positive. La disqualification d’un père, à ce jour n’est pas possible.

4) Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant.
- C'est aléatoire selon la formation de l’expert, qui est choisi par le juge en fonction de sa propre croyance.

5) Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 du code civil.

6) Depuis la loi du 9 juillet 2010 un nouveau critère a été ajouté, les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autreC'est un critère facultatif comme les autres critères et  l’idée selon laquelle un homme violent à l’encontre de sa femme est un mauvais père commence seulement à faire son chemin.

D’autres critères spécifiques de la résidence alternée ont été apportées par la pratique, mais tombent en désuétude au profit d’une idéologie à tout prix égalitaire.
- La prise en considération de l’âge de l’enfant : il n'y a pas de critère d’âge dans la loi, et les décisions varient selon la philosophie du juge.
- La nécessaire proximité des domiciles des parents : ses décisions aberrantes peuvent être rendues.
- La disponibilité des parents n'est pas toujours vérifiée.
- La nécessité d’une entente entre les parents n'est pas requise par la loi et par la jurisprudence qui se contentent d’une entente minimum,  et qui se sert de la médiation et de la résidence alternée pour résoudre une situation de violence, ce qui est préjudiciable aux victimes.

Au surplus, la résidence alternée a un coût financier non négligeable, puisqu'elle nécessite pour les parents d'avoir tout en double : le lit, les affaires de sport...

En réalité , ce n'est pas sur la résidence alternée proprement dite, que les parents n'arrivent pas à s'entendre. Quand les parents se disputent, ils se disputent sur tout, et la résidence alternée, à ce moment là, devient une occasion supplémentaire de disputes au plus grand préjudice de l'enfant, et devient irréalisable par la multiplication des conflits.

Le comportement parental est-il la seule raison qui rend difficile la mise en œuvre de la résidence alternée ?

De nombreuses études scientifiques françaises et américaines ont prouvé la nocivité de la résidence alternée chez les petits enfants, qui ont besoin de stabilité et de repères, et qui sont complètement perdus à force d'être ballottés sans cesse entre deux maisons. La pédopsychiatre Eugénie Izard  a notamment démontré les effets néfastes d'une résidence alternée même non-conflictuelle.

Des exemples de mal-être de l'enfant sont donnés par un autre pédopsychiatre, Maurice Berger,  qui invoque pour les enfants petits : "un sentiment d'insécurité avec angoisses d'abandon,  sentiment dépressif, troubles du sommeil, de l'eczéma , de l'asthme, de l'agressivité en particulier à l'égard de la mère considérée comme responsable de l'éloignement, une parte de confiance dans les adultes en particulier dans le père dont la vison déclenche une réaction de refus".

La pratique de la résidence alternée ne présente-t-elle pourtant pas la meilleure alternative pour que les enfants passent du temps avec leurs deux parents ? La répartition équitable ne rend-elle pas à l'homme son rôle de père et à la mère son rôle de femme ?

Aujourd'hui, les pères qui peuvent pratiquer  la résidence alternée sont une minorité. Ce qui permet à chacun d'assumer son rôle de père ou de mère, ça n'est pas seulement le temps passé avec l'enfant, mais  la qualité de la relation créée avec l'enfant. Le rôle de tiers séparateur du père est fondamental, mais ne peut être réduit  à la quantité de temps passée avec l'enfant. Ce qui important, c'est que le père soit présent dans l'esprit de la mère pour éviter une relation fusionnelle avec l'enfant.

A défaut de réussite de la mise en place de ce mode de résidence, quelle serait la meilleure solution pour préserver les enfants, souvent grands oubliés des séparations de corps et des divorces ?

Il y a lieu de privilégier une résidence principale chez le parent qui est la figure d'attachement pour le jeune enfant. Pour les adolescents, il convient de les entendre, ce qui est fait en justice, même si la décision ne leur appartient pas, puisque c'est le juge qui décide.

Propos recueillis par Marianne Murat

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