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République numérique : un projet de loi fourre-tout qui sera étouffé entre la loi Macron 2 et ce que concocte l’Europe
©Artsper - Miguel Chevalier

Morte-née ?

Le projet de loi sur la République numérique, auquel les citoyens ont pu apporter leur contribution, est présenté en Conseil des ministres mercredi 9 décembre. Un projet qui risque d'être enterré bien vite.

 Avocat à la Cour d'appel de Paris

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Avocat à la Cour d'appel de Paris, spécialiste des constructeurs Informatiques, Télécoms et Electronique (ITE).

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Atlantico : Le projet de loi sur la République numérique, auquel les citoyens ont pu apporter leur contribution, est présenté en Conseil des ministres aujourd'hui. Que reste-t-il du projet de loi initial ?

Avocat à la cour d'appel de Paris : Cette loi aborde des sujets tout à fait intéressants et des sujets de fond.

Elle donne accès aux données publiques, par exemple. C'est intéressant pour le citoyen d'accéder directement, librement et gratuitement à des informations produites par des établissements publics, des collectivités locales et territoriales. C'est aussi très intéressant pour les entreprises, pour qui le développement de certain secteur économique est intimement lié à la disponibilité et à la gratuité des données publiques. Rien que ce volet-là est déjà extrêmement riche.

Dans une mesure un peu moins fondamentale parce que traitée ailleurs, mais tout ce qui peut toucher au droit du consommateur et à la neutralité de l'Internet par exemple est aussi très important. La réaffirmation de la neutralité d'Internet s'inscrit dans un débat qui est ouvert depuis un certain nombre d'années et qui consiste à faire coexister des intérêts complètement contradictoires, qui confrontent d'un côté les opérateurs des réseaux de télécommunication qui doivent investir, être capables de faire transiter par tuyaux des contenus de plus en plus nombreux et de plus en plus gourmands en bande passante et en taille, avec les intérêts d'éditeurs de contenu, qui eux ne payent rien pour que leurs contenus soit diffusés et qui au contraire font tout pour que leurs contenus soit de plus en plus attrayants, donc de plus en plus gourmands en bande passante, et avec en plus derrière les intérêts du consommateur, qui lui aussi veut avoir un accès Internet le moins cher possible, mais en ayant malgré tout accès à l'universalité des contenus qui sont disponibles sur le Web. On voit bien qu'il y a une multitude d'intérêts qu'il est extrêmement difficile de faire coexister, et ce projet de loi donne quelques pistes pour essayer de le faire.

Il y a aussi les 2000 personnes qui ont répondu à cette consultation publique, c'est-à-dire à la fois des individus, qui ont répondu à titre personnel, mais aussi des associations et des fédérations des professionnels. Il y a un certain nombre de choses qui ont été retenues : par exemple, doter la CNIL d'une mission de promotion des outils de chiffrement. Sur le droit à l'oubli aussi par exemple, concernant les mineurs.

Quels sont selon vous les points du projet de loi à améliorer ?

Il y a beaucoup de choses qui n'ont pas forcément été mises en avant par les contributeurs, car ce sont des sujets très techniques, très juridiques, notamment sur l'accès aux données publiques ou les licences de logiciel. Il y aurait certainement eu beaucoup de travail de fond à faire sur ces sujets là, espérons que les décrets d'application préciseront un peu près les règles du jeu.

Cette loi pêche beaucoup par légèreté sur tous ces aspects techniques, qui sont pourtant des aspects fondamentaux et qui n'ont pas été retraduits dans le projet qui est en cours de discussion. Le travail n'est pas nécessairement très abouti sur un certain nombre de sujets, comme par exemple l'accès aux données publiques et la manière dont cet accès va s'organiser sur le plan juridique.

Quelle va être la portée de cette loi ? Va-t-elle être pérenne ?

Il y a de très nombreuses zones de frottement entre ce texte et des textes qui sont soient déjà adoptés, soit en cours d'adoption. La neutralité d'Internet en est un exemple. Il se trouve que quasiment au même moment, ce sujet a été traité par un règlement européen fin novembre et par la loi Macron au mois d'août, donc ça ne va pas.

De plus, il y a depuis un certain nombre d'années en discussion un projet de texte européen qui va profondément réformer le droit de la protection des données personnelles. C'est un texte qui est en cours d'adoption et qui va profondément modifier les règles du jeu, et là encore, le projet de la République numérique n'anticipe pas ce qu'il va déjà y avoir dans ce règlement. Ce texte peut être promulgué l'année prochaine et on en connait le contenu depuis longtemps, sans le prendre en compte. Et comme le règlement européen aura une valeur juridique supérieure à ce projet de République numérique, c'est un peu idiot. Même si elle soulève des sujets dont il fallait parler un jour ou l'autre, ce n'était pas le bon timing pour ce projet de loi.

Cette loi est par ailleurs trop fourre-tout, avec plein de dispositions qui n'ont souvent rien à voir avec les unes avec les autres, ça contribue a rendre encore moins lisible des règlementations qui, pour les télécoms par exemple, sont déjà très compliquéesIdem pour la protection des données personnelles, qui doit être très travaillée pour être vraiment efficace. 

Enfin, le dernier problème de ce projet de loi, c'est qu'il est porté par Axelle Lemaire, qui n'est que secrétaire d'Etat et qui est placée sous un Emmanuel Macron qui a lui aussi envie de poser sa patte sur la loi en question. On parle d'ailleurs déjà d'une loi "Macron deux ou trois" qui viendrait en quelque sorte récupérer les aspects économiques qui sont présents dans le projet de loi de la République numérique.

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