Rentrée scolaire : y a-t-il un ou des pays dont s’inspirer pour éviter le naufrage de l’école française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal.
Le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal.
©ALAIN JOCARD AFP

Aux grands maux...

Le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a dévoilé de nombreuses mesures pour cette rentrée 2023-2024. Mais elles risquent fort d'être insuffisante pour éviter le déclassement de l'école française, qui dégringole dans les classements internationaux.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est délégué Education de Debout la France. Professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français, il est également l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012). 

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Baptiste Larseneur

Baptiste Larseneur

Baptiste Larseneur est expert résident à l'Institut Montaigne sur les questions d'éducation et responsable de projets liés au développement du capital humain et au développement économique des territoires.

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Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Atlantico : Alors que le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a dévoilé de nombreuses mesures pour cette rentrée 2023-2024, quels sont les pays dont la France pourrait s’inspirer pour éviter le naufrage de l’école française ? Y a-t-il des exemples concrets de mesures, de pédagogies, de méthodes d’enseignement en provenance de nos voisins européens ou d’autres pays et qui nécessiteraient d'être appliquées chez nous ?

Baptiste Larseneur : Nous devrions nous inspirer des pays les plus performants (Finlande, Corée du Sud,  Canada) et des systèmes éducatifs qui ont connu des évolutions positives ces dernières années, le Portugal, l’Estonie, la Pologne, l’Allemagne (on avait parlé de choc Pisa pour l’Allemagne au début des années 2000). 

Nous pouvons constater que les pays les plus performants sont également les moins inégalitaires. Alors que notre pays est l’un des plus inégalitaires, la poursuite d’une politique ambitieuse en faveur de la réduction des inégalités scolaires participera de l’amélioration de la performance globale du système.

Ensuite, la qualité du travail de l’enseignant est le premier déterminant de la réussite des élèves. Ainsi, les enjeux autour de la construction d’une formation initiale plus pratique et moins théorique et d’une formation continue renforcée répondant davantage aux besoins des enseignants, sont importants. Le chantier est ouvert. 

En effet, beaucoup d’enseignants usent de pratiques pédagogiques diverses, dont on sait qu’elles ne donnent pas de résultats satisfaisants sur les apprentissages des élèves, notamment pour l’enseignement des fondamentaux. Il faut s’interroger sur les limites de la liberté pédagogique et certainement parler de responsabilité pédagogique. La liberté pédagogique peut laisser penser à certains que le professeur pourrait ignorer ouvertement les pratiques dont l'efficacité a été éprouvée par l'expérience et la science. 

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Les enseignants ont également besoin de soutien technique et psychologique. L’État doit principalement travailler sur l’aide que nous pouvons fournir aux enseignants et aux chefs d’établissement, c’est la clé de l’amélioration du système.

Jean-Paul Brighelli : Reprenons les classements PISA et PIRLS. Ce sont les pays asiatiques qui caracolent en tête — la Chine a plus de 100 points d’avance sur la France. Blanquer voulait faire la promotion de la « méthode de Singapour » pour l’enseignement des mathématiques. La tolérance zéro est la règle dans ces pays — qui ne se posent guère de problèmes d’abayas ou de fatras religieux. Au niveau européen, les Allemands ont tenté de redistribuer les cartes au début des années 2000. L’exemple scandinave, longtemps cité en exemple, a fait long feu : la tolérance, la libre parole laissée aux élèves, ont fait la preuve de leur inefficacité. Pire : de leur nocivité. Abolissons la loi Jospin, source de bien des maux d’aujourd’hui.

Eric Deschavanne : Mon propos liminaire va vous décevoir. En matière de politique éducative, comparaison internationale n’est pas raison. C’est un domaine où s’épanouit la confusion entre causalité et corrélation. 

Cela tient au fait qu’on ne sait pas si on compare des systèmes éducatifs ou des sociétés. Imaginons, par analogie, qu’il faille comparer par les résultats le « système éducatif » du lycée Louis-Le-Grand et celui d’un lycée du 93 : que pourrions-nous déduire d’une telle comparaison ? Devrions-nous faire l’éloge de l’organisation et des méthodes d’enseignement du lycée Louis-Le-Grand, au motif que ses performances sont meilleures que celles des lycées de Seine-Saint-Denis ? Une telle comparaison serait absurde, car chacun sait bien que la population n’est pas la même en Seine-Saint-Denis et dans le cinquième arrondissement de Paris. Quand les « experts » vantent l’égalité du système éducatif finlandais comparativement à l’inégalité scolaire dont le système éducatif français serait responsable, leur diagnostic n’est guère moins absurde. Le dynamisme du système finlandais a pour origine la décentralisation drastique opérée au tournant des années 1970-80, décentralisation qui s’est traduit par l’abandon des programmes, emplois du temps et examens nationaux, ainsi que par la mise en place d’un recrutement municipal des professeurs. Une telle réforme est-elle transposable en France et quelles en seraient les effets ? On obtiendrait probablement un enseignement mieux adapté à chacune des îles de l’archipel français mais certainement pas une réduction de l’inégalité scolaire sur le plan national. 

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Le niveau socio-culturel des parents, l’émulation et la sécurité qui règnent dans les établissements fréquentés par leurs enfants sont à l’évidence des facteurs plus déterminants que l’organisation scolaire et les méthodes d’enseignement. Cela vaut sur le plan international comme sur le plan national. Le progrès économique, qui permet d’investir dans l’éducation et d’élever l’ambition éducative, la « métropolisation » de l’économie, le renchérissement du coût de l’immobilier dans les grandes villes, le poids et la nature de l’immigration conditionnent la santé éducative d’un pays et la structure de l’inégalité scolaire. En France, il est par exemple évident que l’immigration, dont le flux est important et le niveau socio-culturel faible, renforce la difficulté scolaire dans les quartiers dits défavorisés. Davantage d’immigration, c’est davantage d’élèves allophones à prendre en charge, davantage aussi de « quartiers sensibles » et d’établissements scolaires où règnent l’indiscipline, la loi du plus fort, l’intimidation des plus faibles, la haine de la culture scolaire et le mépris des bons élèves. Ce handicap n’est sans doute pas insurmontable pour un système éducatif, mais il plombe assurément la « performance » dans les comparaisons internationales. 

Si on cherche quelques certitudes en matière de critères de réussite d’un système éducatif, il faut se tourner vers les sciences de l’éducation, après avoir trié le bon grain de l’ivraie en éliminant les biais idéologiques qui caractérisent certaines études. Compte tenu de la difficulté à isoler les variables, les résultats prêtent cependant toujours à discussion et à controverses. Ils sont toujours limités. Impossible de mettre en évidence des méthodes pédagogiques, fussent-elles calamiteuses (comme la « méthode globale » dans l’apprentissage de la lecture), dont on puisse affirmer qu’elles seraient à l’origine du « naufrage » d’un système éducatif. Pas davantage peut-on démontrer que quelques méthodes miraculeuses suffiraient à éviter un tel naufrage ou à garantir une résurrection.

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En guise de réponses à vos questions, je ne peux donc que formuler humblement les quelques convictions tirées de mes lectures et de mon expérience. Il faudrait pouvoir évoquer les trois principaux points noirs du système éducatif français, l’indiscipline, la dévalorisation de l’enseignement professionnel et l’échec de l’école à transmettre à tous les enseignements fondamentaux. Je laisse de côté la question de la réforme de l’enseignement professionnel, puisque le gouvernement s’y attelle et qu’il faut laisser une chance aux mesures proposées, et celle de l’indiscipline, problème essentiel mais auquel il ne me semble pas qu’on puisse répondre par des méthodes qui seraient employées ailleurs en Europe et que le système français ignorerait. 

Le seul facteur sur lequel la politique éducative puisse véritablement avoir une prise pour améliorer les performances d’un système éducatif est la précocité de l’intervention éducative. Il faut miser sur la prévention. C’est la leçon que l’on peut tirer d’une célèbre étude américaine, le Perry Preschool Programm, une expérience qui s’est déroulée de 1962 à 1967. 128 enfants de 3 à 4 ans de milieux défavorisés et au QI faible avaient été sélectionnés. La moitié d’entre eux ont servi de groupe témoin, l’autre moitié bénéficiant du programme d’intervention, un encadrement scolaire renforcé doublé d’une implication des parents. L’intervention éducative était limitée à deux ans. L’intérêt de l’étude tenait au suivi « longitudinal » : on a pu montrer que les enfants qui avaient suivi le programme avaient ensuite connu une meilleure réussite scolaire et sociale : davantage de diplômés du supérieur que dans le groupe témoin, de meilleurs salaires, moins de délinquants et de grossesses précoces. 

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Quand on considère l’ensemble des classements internationaux, on s’aperçoit que les différences de performances entre les systèmes éducatifs constatées par PISA à la fin de la scolarité obligatoire reflètent approximativement les différences observées en fin d’école primaire. Dans les études PIRLS et TIMSS qui mesurent les compétences des élèves de CM1, en compréhension de l’écrit pour l’une, en mathématiques et en sciences pour l’autre, la France se situe tout au fond du classement. On voit mal dans ces conditions quelles mesures prises au niveau du collège ou du lycée pourraient changer la position du système éducatif dans PISA. Les écarts de niveau de performance en mathématiques des petits Chinois et des petits Américains s’observent dès 3 ou 5 ans. Si des mesures de politique éducative sont susceptibles de changer le destin scolaire d’un enfant, de rendre efficace la lutte contre l’échec scolaire et de tirer un système éducatif vers le haut, elles doivent être relatives à la petite enfance et à l’enseignement primaire. 

De quelles mesures peut-il s’agir ? Sans surprise, on constate la nécessité de donner la priorité aux enseignements fondamentaux. L’enquête PIRLS 2021 relative à la compétence des élèves de CM1 en compréhension de l’écrit témoigne d’une baisse drastique de la moyenne européenne (de 11 points !) par rapport à l’enquête 2016, tandis que la France progresse légèrement (tout en demeurant en-dessous de la moyenne européenne). Difficile, donc, de penser que nos voisins ont trouvé la martingale ! Certaines réussites ont cependant été observées, qu’il faudrait considérer de plus près. L’Irlande a par exemple pu améliorer sa position dans PISA en décidant de consacrer davantage de temps scolaires aux enseignements fondamentaux, alphabétisation, lecture, écriture, calcul. Tout le monde connaît désormais la fameuse « méthode de Singapour », qui permet à la cité-État de caracoler en tête des classements relatifs aux compétences des élèves en mathématiques, méthode dont l’une des vertus est d’initier les enfants de manière précoce aux quatre opérations. Il existe une multitude de spécialistes qui fournissent les données qui devraient constituer la matière de mesures pédagogiques visant à renforcer l’apprentissage précoce. Les linguistes et les sciences cognitives ont notamment mis en évidence l’importance, pour l’apprentissage de la lecture et la réussite scolaire, de la richesse du vocabulaire acquis par l’enfant avant même son entrée au CP. 

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L’autre grande orientation possible est « l’école des parents », l’implication des parents dans le projet éducatif. Ce qui constitue une évidence pour les parents d’un bon niveau socio-culturel (le niveau de diplôme des parents étant le principal facteur prédictif de la réussite ou de l’échec scolaire de l’enfant) ne l’est pas dans tous les milieux sociaux. Or, des études ont montré qu’une meilleure implication des parents permettait d’améliorer les résultats scolaires et de réduire l’indiscipline des enfants. 

Selon les classements PISA et d’après des études internationales, les professeurs en France sont ceux qui sont obligés le plus de faire la police au sein de leurs classes et les enseignants de l’Hexagone sont aussi les plus malheureux dans les classements internationaux. Quels sont les pays qui ont été en mesure de restaurer et de faire respecter l’autorité au sein du milieu scolaire ? Quelle est la recette de leur succès ? Comment serait-il possible d’inverser cette tendance en France ?

Baptiste Larseneur : Aujourd’hui, nous avons une part importante d’élèves qui ne maîtrisent pas suffisamment la compréhension écrite en entrant au collège. Dans ces conditions, il devient difficile de les intéresser aux disciplines telles que l’Histoire, l’éducation civique etc. La première priorité, c’est la maîtrise des fondamentaux avant l’entrée au collège. 

Nous avons ensuite un collège qui est très homogène (même enseignement pour tout le monde, même nombre d’heures d’enseignement). Depuis la fin du redoublement, plus des ¾ des élèves ont exactement le même parcours au collège. De plus, les enseignants doivent gérer une grande hétérogénéité de niveaux scolaire au sein de chaque classe avec un programme unique qui, de facto, n’est pas adapté aux élèves les plus fragiles et ne stimule pas suffisamment les élèves les plus avancés. Nous devons sans doute réfléchir à un collège qui réponde davantage aux besoins différenciés des élèves et travailler à un collège plus diversifié en termes de parcours.

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Pour répondre à ce besoin, il faudrait que nos enseignants soient davantage formés aux techniques de gestion de classe et soutenus par leur hiérarchie. Aujourd’hui, les enseignants sont esseulés. Nous devons donc agir pour restaurer l’autorité de l’école et du professeur. Il y a des enjeux conjoncturels et des réponses structurelles.

Jean-Paul Brighelli : Allez au Japon. Les élèves, qui portent tous un uniforme, sont encadrés par des enseignants eux-mêmes très stricts, sur leur tenue et sur la discipline. Et le plus beau, c’est que les collégiens japonais n’ont pas l’air malheureux du tout de ne pouvoir se servir de leurs portables qu’à l’extérieur de leurs établissements, ou de participer à de grandes cérémonies commémoratives, que nous qualifierions de nationalistes — par exemple à Hiroshima. C’est par l’attitude que l'ordre revient dans les rangs — et il est significatif que ce soit le même mot, « discipline », qui désigne à la fois la rigueur dans l’attitude et les savoirs enseignés : on n’absorbe un enseignement rigoureux qu’en se tenant droit. L’instituteur, étymologiquement, est le tuteur. Le laisser-aller n’a pas sa place dans un système éducatif.

Il faut donc reformuler les programmes à la hausse, tout en laissant les établissements libres de les adapter au niveau de leurs élèves — étant entendu qu’il faut d’abord en finir avec le collège unique, et enseigner à nouveau en classes de niveau.

Insuffler de nouvelles mesures, inspirées par des exemples de pays étrangers ou de pédagogies qui ont fait leur preuve dans d’autres régions du monde, pourrait-il permettre de combler la crise des vocations chez les enseignants et de sauver l’école française du naufrage ?

Baptiste Larseneur : Nous avons un enjeu autour de l’attractivité du métier d’enseignant, qui n’est pas singulier à la France. Tous les pays connaissent des difficultés de recrutement. La question de l’attractivité ne peut pas être réduite à la seule question des rémunérations, même si cette dimension est essentielle. Par exemple, l’Allemagne offre à ses enseignants des rémunérations plus importantes que celles offertes aux enseignants français, le Portugal offre à ses enseignants des rémunérations plus importantes que ce qu’ils pourraient obtenir ailleurs sur le marché du travail à diplôme équivalent. Pour autant, ces deux pays connaissent des difficultés de recrutement.

Nous devons être ambitieux pour travailler à l’attractivité du métier d’enseignant. C’est une priorité pour l’avenir de notre pays. Nous devons non seulement avoir un enseignant devant chaque classe, mais cet enseignant doit disposer d’un bon niveau académique et être formé à l’exercice de la classe. 

Seuls 7 % des enseignants français considèrent que leur profession est suffisamment reconnue. La prospérité de notre pays et notre cohésion nationale dépendent de la capacité de notre école à s’adapter aux défis futurs. Les enseignants sont en première ligne.

Sur les modèles d’inspiration, le système éducatif finlandais qui figure parmi les plus performants doit nous inspirer, même si tout modèle a ses limites. 

Par exemple, on entend souvent en France qu’il faudrait retarder l’âge d’apprentissage de la lecture pour réduire les inégalités, comme le fait la Finlande. Mais, il ne faudrait pas oublier que l’apprentissage du finnois est plus aisé que l’apprentissage du français car il est d’une part, composé de beaucoup moins de son et d’autre part, le système graphique du finnois est quasiment à 100 % la représentation des réalisations phoniques. Ainsi, il  est  beaucoup plus facile et plus rapide d’apprendre à lire le finnois, cela explique que la Finlande enseigne plus tard la compréhension écrite.

L’un des points forts de la Finlande est que ce pays prépare très bien ses élèves à avoir un parcours scolaire réussi.

-grâce à des taux d’encadrement bien meilleurs (13,1 élèves par enseignant contre 18,3 pour la France à l’école primaire). La Finlande met donc en œuvre pour l’ensemble de ses élèves, en termes de taille de classe, une politique comparable à celle que nous venons d’initier en Rep et Rep+ grâce à la politique de dédoublement.

-Et surtout, les méthodes pédagogiques utilisées par les enseignants sont fondées sur les acquis de la recherche, l’enseignement y est particulièrement structuré et le recours à l’enseignement en petits groupes de niveau y est largement développé pour s’adapter aux besoins des élèves.

-Enfin le travail collaboratif y est développé chez les enseignants. 

La Suède qui est également un pays performant peut nous éclairer. Une chose est particulièrement intéressante sur le système éducatif suédois : au milieu des années 1990, l’autonomie laissée aux établissements suédois (gestion des ressources, autonomie pédagogique etc.), qui avaient pour seules contraintes de respecter les grandes lignes du programme éducatif national, s’est traduite par une baisse importante des résultats internationaux, une forte augmentation des disparités entre établissements et une diminution des exigences scolaires.

La Suède a su corriger cela. L’un des enseignements que nous devons tirer de la Suède est celui de l’autonomie : nous devons trouver une voie française, entre un centralisme excessif aujourd’hui à bout de souffle et une autonomie mal maîtrisée, qui n’a pas convaincu. 

Jean-Paul Brighelli : Il faut bien réaliser que tout est lié : au laisser-aller scolaire a correspondu un laisser-aller économique. Au début des années 1990, Toyota s’est installé à Valenciennes parce que l’ouvrier français, formé dans les années 1970, avait un niveau très supérieur à ses homologues européens — et que le niveau d’études est important même pour visser un boulon. Quelle entreprise s’y risquerait aujourd’hui ? Il faut remettre au goût du jour la valeur Travail, en cessant de perdre des heures en débats creux et inutiles, en supprimant des enseignements très secondaires — le permis de conduire, l’alimentation, l’écologie et l’éveil à la sexualité (une matière pour laquelle nos ancêtres se sont assez bien débrouillés sans formation pédagogique, sinon nous ne serions pas là). Du Français, des Maths, et de l’Histoire - enseignée de façon à ce que chaque enfant sache d’où il vient, à quelle nation il appartient. Les Chinois accumulent les hautes performances grâce à ce souci permanent de lier savoirs et conscience nationale.

C’ets à ce prix, et à ce prix seulement, que nous sauverons l’Ecole et la France de la décadence d’abord dans laquelle elles sont enlisées, du naufrage ensuite.

Eric Deschavanne : Les données que j’ai évoquées ne sont bien entendu pas ignorées par le ministère de l’Éducation nationale, qui les diffuse quand il ne les produit pas lui-même. L’un des problèmes de l’enseignement primaire en France est le faible niveau en mathématiques des professeurs des écoles, lesquels sont majoritairement des littéraires. La formation des maîtres, le ministère en a conscience, est un enjeu essentiel. Mais la faible attractivité du métier constitue un obstacle. La grande force du système finlandais tant vanté est le statut des professeurs, qui sont bien rémunérés, bien formés et libres de leur pédagogie. L’attractivité du métier génère un cercle vertueux qui favorise l’efficacité de l’enseignement. Ce ne sont pas les nouvelles mesures qui rendront le métier de professeur plus attractif, c’est l’attractivité du métier qui devrait rendre possible les nouvelles mesures. La conception et la mise en œuvre des méthodes pédagogiques, en effet,  relèvent (devraient relever) de la compétence des professeurs. Le rôle du ministère est d’assurer le recrutement d’un corps d’élite. S’il n’y parvient pas ou plus, il est inéluctable que le système éducatif périclite. 

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