Relance massive de la BCE, c’est parti : Mario Draghi jette la bouée qui pourrait sauver l’économie française mais personne ne se soucie de la saisir<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Europe a revu ses prévisions de croissance à la hausse.
L'Europe a revu ses prévisions de croissance à la hausse.
©Reuters

Un coup pour rien

Suite à la mise en place du plan de relance européen, les prévisions de croissance de la zone euro viennent d’être révisées de 1 à 1.5% pour l'année 2015. Une opportunité donnée à l'exécutif français de rendre les réformes plus vigoureuses, et d'accentuer l'effet positif du plan d'assouplissement monétaire.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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  • La BCE révise fortement ses prévisions de croissance à la hausse pour 2015, 2016 et 2017.

  • Les effets du plan d’assouplissement quantitatif commencent déjà à se faire ressentir sur l’activité économique de la zone euro

  • La politique monétaire agit rapidement par les biais des anticipations de croissance

  • Mario Draghi réclame un soutien des gouvernements afin de donner sa pleine efficacité au programme mis en place. 

Le 22 janvier dernier, Mario Draghi annonçait la mise en place d’un grand plan de relance monétaire, dénommé assouplissement quantitatif, et destiné à soutenir l’activité économique de la zone euro. Ce sont plus de 1000 milliards d’euros qui seront créés afin de procéder à l’achat d’actifs financiers, et en l’occurrence, de la dette d’Etat en priorité.

Révision à la hausse des prévisions de croissance de la zone euro

Plus d’un mois après cette annonce, qui était en réalité attendue depuis la fin 2014, les premiers effets se font déjà ressentir. C’est ainsi que la Banque centrale européenne vient de réviser fortement à la hausse ses prévisions de croissance par rapport à celles en vigueur au mois de décembre 2014, passant de 1% à 1.5% pour 2015, de 1.5% à 1.9% pour 2016, pour finir par une anticipation de croissance de 2.1% pour l’année 2017.

Une révision optimiste que l’institution monétaire ne s’attribue qu’en partie, relevant ainsi un contexte favorable :

"En comparaison aux projections macroéconomiques des équipes de l’Eurosystème de décembre 2014, les projections de croissance réelle pour les années 2015 et 2016 ont été révisé à la hausse, reflétant ainsi l’impact favorable de la baisse des prix du pétrole, d’une baisse effective du taux de change de l’euro, et de l’impact des récentes décisions monétaires de la Banque centrale européenne."

Plus spécifiquement, les équipes de la BCE indiquent :

"Les récentes décisions du Conseil des gouverneurs permettent également de soutenir l’activité économique de façon significative à court et moyen terme. La demande intérieure, et, plus spécifiquement, l’investissement, bénéficieront des mesures d’assouplissement monétaire, et en particulier du programme d’assouplissement quantitatif." 

Une plus forte croissance déjà visible dans les faits

Si ces prévisions ne suffisent pas toujours à rassurer les acteurs économiques, les premiers résultats tangibles sont pourtant déjà en train de se matérialiser. C’est ainsi que les indices PMI, (sentiment des directeurs d’achats) publiés par Markit, et dont la fiabilité est avérée, ont pu s’inscrire en hausse dès le mois de février 2015 :

"La croissance de la zone euro atteint un plus haut de 7 mois et l’emploi enregistre sa plus forte expansion depuis 2011"

Afin de justifier ce phénomène, Chris Williamson, Chef Economiste à Markit indique :

"La mise en place prochaine du "bazooka monétaire" de la BCE entraîne par ailleurs un fort regain d’optimisme chez les entreprises, le taux de confiance atteignant son plus haut niveau depuis trois ans et demi."

Une amélioration des perspectives qui profite également à la France :

"L’évolution la plus remarquable cependant concerne la France qui sort de la stagnation en février et enregistre la plus forte croissance de l’activité globale et des nouvelles commandes depuis août 2011."

De la même façon, Eurostat publiait le 4 mars dernier son indicateur des ventes au détail au sein de la zone euro. Et l’accélération de la tendance actuelle est visible à l’œil nu :

Indice de vente au détail. Europe à 28 (noir) et Zone Euro (rose)

Cliquez pour agrandir

Si ces derniers points statistiques ne sont encore que balbutiants, les raisons objectives d’espérer une amélioration de la conjoncture se font de plus en plus nombreuses. La reprise devient crédible.

Quel impact du plan d'assouplissement monétaire (QE) ?

Pourtant, et comme l’a indiqué Mario Draghi le 5 février, la mise en place du plan d’assouplissement quantitatif ne débutera officiellement que le 9 mars 2015. Mais s’il n’a pas commencé, comment ce plan a-t-il déjà pu produire de tels effets ?

Parce que justement, un tel plan de relance monétaire a pour principale conséquence de provoquer une modification des anticipations de la part des agents économiques. En effet, lorsqu’à la fin 2014, les premières déclarations des membres de la BCE laissaient entendre que l’autorité monétaire européenne allait mettre en place un tel programme de rachat d’actifs, les entreprises et les marchés n’ont pas tardé à réagir. Une réaction qui a d’abord pu s’exprimer par la baisse de la devise européenne face à ses "concurrentes", le dollar en premier lieu.

Puis, en affirmant sa volonté de soutenir l’activité économique au sein de la zone euro, la BCE va impacter profondément les prévisions de croissance des agents économiques. Puisque la Banque centrale européenne dispose du pouvoir de contrôler le niveau de dépenses totales au sein de l’économie de la zone euro, sa volonté de soutien est parfaitement crédible.

Ainsi, la BCE fait une promesse : le niveau de dépenses au sein de la zone euro sera soutenu massivement pour les 18 prochains mois. Une telle "promesse" a un impact réel sur les projets des entreprises. Dès lors que la croissance est anticipée à un niveau supérieur, il devient logique de se préparer sur plusieurs fronts. Investir, embaucher, consommer, pour se mettre dans les meilleures dispositions afin de profiter du soutien qui va être apporté par la BCE.

Pour schématiser, la BCE va "injecter" 1000 milliards d’euros dans l’économie, et les agents économiques vont naturellement se mettre en ordre de marche pour pouvoir être en mesure d’en bénéficier. Le vent arrive, on sort la voilure. Et cette modification des comportements des entreprises va marquer le début du plan de relance lui-même. En se préparant, les entreprises déverrouillent l’ensemble.

Mario Draghi en appelle au soutien des dirigeants européens, et notamment à la France

Désormais, pour Mario Draghi, la balle est dans le camp des gouvernements. Les dirigeants de la zone euro doivent profiter de cette opportunité pour réformer leur pays afin de bénéficier au mieux de ce plan de relance. Le Président de la Banque centrale européenne déclare ainsi: "Si les conditions structurelles ne sont pas en place, l’efficacité de nos mesures en sera amoindrie"

Il appartient alors au pouvoir exécutif français de s’emparer de cette fenêtre de tir pour proposer de réelles avancées pour l’économie française, et ce, pour deux raisons.

La première est économique; grâce à un tel soutien de la demande intérieure européenne, les conditions offertes à François Hollande pour la mise en place de reformes structurelles sont bien plus favorables que celles connues par d’autres. Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Irlande. Par exemple.

La seconde est politique. Le sentiment anti-européen prend de l’ampleur outre Rhin et la récente action de la BCE s’apparente à un casus belli pour le conservatisme économique allemand. Si le soutien apporté par la BCE permet à la France de persévérer dans son immobilisme, la position d’Angela Merkel ne pourra que s’en radicaliser.

Ainsi, pour soutenir Mario Draghi, pour que celui-ci puisse aller encore plus loin dans son action, il va être nécessaire d’apporter des gages de bonne foi. Mais pour le moment, l’exécutif français se contente d’un profond silence face aux appels du Président de la Banque centrale européenne.

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