Réfugiés de l'euro : la crise pousse les Européens à émigrer vers les pays émergents<!-- --> | Atlantico.fr
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La crise économique a un impact sur l'ensemble des pays européens.
La crise économique a un impact sur l'ensemble des pays européens.
©Reuters

Sens dessus dessous

Les Polonais ne cherchent plus de travail en Grande-Bretagne. Les Marocains naturalisés espagnols rentrent au pays. Les Irlandais fuient le pays en masse tandis que les Grecs, bloqués par la langue, restent bloqués chez eux. La crise est en train de bouleverser les flux migratoires.

Thomas Liebig

Thomas Liebig

Spécialiste des migrations à l'OCDE.

 

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Atlantico : La crise économique a un impact sur l'ensemble des pays européens. Influe-t-elle également sur les flux migratoires au sein de l'Union ?

Thomas Liebig : Certains signes montrent que les habitants de certains pays, jusqu'ici très attirant pour les immigrants, commencent à émigrer vers des destinations surprenantes. Cela concerne par exemple les Espagnols, les Portugais et les Irlandais. Beaucoup se dirigent vers l'Amérique latine ou certains pays d'Afrique lusophone. En effet, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande ont bénéficié au début des années 2000 d'une immigration du travail. Parmi les émigrants, qui quittent actuellement l'Europe, on trouve aussi d'anciens immigrants qui ont été naturalisés et qui retournent finalement vers leurs pays d'origine.

La crise amplifie progressivement ce phénomène relativement nouveau. L'immigration reste malgré tout forte dans certains pays comme l'Espagne : malgré un nombre de départs important, la balance migratoire reste positive. Sauf dans le cas de l'Irlande où l'on constate plus de départs que d'entrées. Les résultats devraient être de plus en plus visibles au fil des années : si les gens hésitent à partir au début de la crise, pensant que la situation est temporaire, ils sont de plus en plus nombreux à quitter leur territoire au fur et à mesure que les difficultés perdurent.

Pour reprendre l'exemple de l'Irlande, sur 65 000 émigrants en 2009, nous trouvions 30 000 ressortissants des nouveaux membres de l'Union et 18 000 Irlandais. En 2011, sur 76 000 émigrants, seulement 15 000 venaient des nouveaux membres de l'Union alors que 40 000 étaient d'origine irlandaise.

Si l'Espagne, le Portugal et l'Irlande semblent être plus touchés que, par exemple, la Grèce, c'est parce qu'ils ont une forte tradition migratoire ou une longue histoire coloniale. Les Espagnols et les Portugais trouvent dans les pays d'Amérique latine ou lusophone une proximité linguistique favorable à leur intégration. C'était pour cette même raison que les Roumains rejoignaient l'Italie et l'Espagne plutôt que la Grande-Bretagne : la langue est plus proche de la leur. A l'inverse, les Grecs quittent peu leur pays. Leur langue est peu parlée ailleurs et ils n'ont pas de liens coloniaux avec d'autres pays. Nous constatons donc seulement une augmentation de l'émigration grecque dans certains pays comme par exemple l'Allemagne.

Les habitants des pays de l'Est de l'Union européenne cherchaient jusqu'ici du travail à l'Ouest, à priori plus riche. Est-ce toujours le cas ?

Pour certains pays de forte émigration comme la Lituanie et la Roumanie, la situation économique reste très compliquée. Malgré une faible croissance, ils sont durement touchés par la crise. Par contre, en Pologne, il y avait toujours une faible croissance, même en 2009, au cœur de la crise. Si les Polonais continuent à partir chercher du travail à l'Ouest, ils sont moins nombreux qu'avant. Les migrations liées à la libre circulation, destinées à trouver des emplois, ont largement baissé.

Des migrants continuent de rejoindre des pays comme l'Espagne. Les chiffres de l'immigration restent importants.La grande différence, c'est qu'ils ne viennent plus pour trouver du travail mais pour rejoindre leurs familles. Avec la crise, les familles tendent à se regrouper.

Le profil des migrants est donc en train de changer ?

Oui, effectivement. Nous avons par exemple remarqué une vraie féminisation de l'émigration de certains pays européens. Dans le cas du Portugal, quasiment un émigré sur deux est aujourd'hui une femme. Ces populations restent malgré tout jeunes, la moitié étant toujours âgée de moins de 30 ans.

Jusqu'ici, les personnes les plus qualifiées essayaient de rejoindre des pays comme les Etats-Unis ou le Canada. Un parcours long et difficile en raison des exigences de ces Etats. Au sein de l'Europe, les nombreux migrants qui venaient de l'Est avaient aussi un niveau de compétence élevé. Ils occupaient malgré tout des emplois souvent moins qualifiés qui n'exploitaient pas leur niveau réel de formation.

Les pays émergents représentent-ils un nouvel "Eldorado" pour les Européens ?

Le phénomène reste marginal. Même si les pays de l'Ouest étaient jusqu'à présent les plus attractifs, nous voyons de nouveaux flux apparaître. La Pologne par exemple, commence à devenir un pays d'immigration. Elle attire des travailleurs en provenance de ses plus proches voisins, en Europe de l'est.

Ailleurs, d'autres pays comme l'Angola, qui était il n'y a encore pas longtemps l'un de ceux avec le plus fort tôt de croissance au monde, attirent quelques Européens. Même chose pour le Brésil qui commence à attirer des migrants européens. Peu nombreux pour l'instant -et souvent sous forme de migration de retour-, ils pourraient se multiplier avec l'approche des Jeux olympiques et de la Coupe du monde. 

D'autres pays émergents comme la Chine, notamment, pourraient attirer un certain public. Ce pays souffre d'un vrai problème démographique tout en ayant une vraie puissance politique et économique. La Chine peut devenir une destination de choix pour les migrants dans un futur proche. C'est moins le cas pour l'Inde qui est toujours sujette à une démographie galopante et qui connaît un niveau de développement moindre.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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