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Réforme du RSI : libérez les entrepreneurs !
©Flickr

Du progrès

Ce jeudi, les réflexions gouvernementales à propos de l'organisation bicéphale du régime partagée entre le RSI et les Ursaaf ont commencé. De nouvelles propositions devraient être formulées en juin.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Dans les vrais débats de notre époque (ceux qui passent inaperçus mais qui comptent structurellement), l'avenir du RSI est une pépite particulière que le grand public ignore injustement. Les projets du gouvernement profond concernant ce régime de sécurité sociale conçu pour les indépendants (et contre les indépendants) illustre bien, en effet, la pulsion d'étatisation permanente qui domine nos responsables de droite comme de gauche, en dépit du bon sens.

Le RSI et la pulsion d'étatisation jusqu'à l'absurde

Quelques rappels historiques d'abord.

1941: Vichy jette les bases de la sécurité sociale telle que nous la connaissons en créant la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse.

1945: De Gaulle et son gouvernement provisoire étendent par ordonnance le système de sécurité sociale inventé par Vichy.

1947: les indépendants (comme les Cheminots, ou les cadres...) refusent d'être absorbés par la sécurité sociale.

2005: Philippe Bas et Renaud Dutreil, ministres du gouvernement Raffarin, créent le RSI, préparation à l'intégration des indépendants dans le régime de sécurité sociale, conformément au plan de 1945.

2010: le RSI affirme avoir perdu la trace d'un milliard d'euros de cotisations.

2015: face aux ratés du RSI (appels de cotisations indus, erreurs dans les remboursements, rigidités de la gestion), le gouvernement diligente des rapports parlementaires prônant un glissement en pente douce vers la fusion du RSI avec le régime général comme ce fut imaginé en 1945.

2016: le gouvernement prépare l'absorption du RSI par l'ACOSS, l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale, avec un rapport rendu le 26 avril favorable à une fusion des régimes.

Bref, l'énarchie de 2016 est en passe de réussir ce qui échoua soixante-dix ans auparavant du fait de la mobilisation des indépendants. Historiquement, il existe donc, à travers les régimes, les gouvernements, les clivages politiques, une pulsion d'étatisation qui parcourt le champ social.

Le RSI et l'ethnocide des indépendants

En 1970, la France comptait environ 4,5 millions d'indépendants. En 2015, ils n'étaient plus que 2,5 millions. Durant la même période, le nombre de salariés a augmenté de 7 millions. Autrement dit, le demi-siècle qui vient de s'écouler en France est d'abord l'histoire d'un ethnocide du travail indépendant. Peu à peu, année après année, l'esprit d'entreprise recule au profit d'une logique salariale qui permet de "normaliser " (mode Jaruzelski dans la Pologne de 1980) l'organisation économique et sociale française.

Les sous-jacents de cette politique sont bien connus: parce que le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires des prestations de sécurité sociale ne cesse de se dégrader, le "système" a besoin d'une augmentation permanente du nombre de salariés qui cotisent à la sécurité sociale. Les indépendants sont donc les victimes expiatoires d'une logique de mutualisation publique en expansion constante du risque social.

Le RSI et ses inconvénients participent d'une politique globale d'ethnocide du travail indépendant pour renflouer la protection sociale des salariés.

Les inconvénients de l'ethnocide social français

Malgré la diminution permanente du nombre d'indépendants, et l'augmentation constante (chômage ou pas) du nombre de salariés, les comptes de la sécurité sociale ne cessent de se dégrader. Depuis 1975, les années où la sécurité sociale n'a pas connu de déficit se comptent sur les doigts d'une main après un attentat à la bombe remplie d'écrous (avec moins de cinq doigts, donc).

Parallèlement, le recul de l'esprit d'entreprise est patent, et la croissance française est globalement inférieure à celle des grands pays européens.  L'une des explications de ce phénomène tient bien entendu à la chape de béton que la sécurité sociale française fait peser sur les entrepreneurs. Le coût de leurs cotisations et de leur régime social spécifique constitue l'un des empêchements majeurs au choix de devenir indépendant.

Il existe en France un encouragement institutionnel à devenir salarié, et un inconvénient institutionnel à devenir entrepreneur.

Comment libérer les entrepreneurs?

Face aux inconvénients graves, majeurs, du RSI, système ubuesque créé artificiellement par les énarques du gouvernement Raffarin, le gouvernement pourrait faire un choix de bon sens consistant à revenir en arrière et laisser les entrepreneurs choisir librement leur régime de sécurité sociale. Avec malice, le gouvernement Valls fait le choix inverse. Il instrumentalise les difficultés du RSI pour justifier son absorption (conçue en 1945) par le régime général.

Les inconvénients de ce choix sont bien connus. Le régime général gérera mal et absurdement la protection sociale de travailleurs indépendants dont les ressources fluctuent beaucoup plus (par principe) que celles des salariés. Cette absorption sera en revanche irréversible ou presque.

Il serait infiniment plus rationnel de rétablir les libertés accordées aux travailleurs indépendants avant la funeste expérience Raffarin. L'obligation d'affiliation à la sécurité sociale devrait disparaître au profit de la liberté d'assurance pour les entrepreneurs.

Le RSI ou le triomphe posthume de la technocratie

Si l'intérêt général préconise de laisser les entrepreneurs s'affilier librement à l'organisme de leur choix, il est manifeste que la technostructure française a fait une affaire personnelle de la remise au pas des travailleurs indépendants. Dans une France où le tissu des petites et moyennes entreprises absorbe chaque année des chocs réglementaires systémiques qui causent une forte attrition dans les rangs des entrepreneurs, l'objectif de la technostructure française est de mettre le pays en coupe réglée, de le transformer en jardin à la française où la concurrence laisse la place à un système de cartel déguisé entre quelques "gros" qui tiennent le haut du pavé.

Il est bien dommage que les indépendants n'aient plus la force de s'unir pour mettre ce projet en échec. Rassemblés, ils y parviendraient.

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