Réforme des rythmes scolaires : quand des organisations rocambolesques du temps de cours viennent (mal) masquer les vrais problèmes de l'école<!-- --> | Atlantico.fr
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Les enseignants font grève ce mardi pour s'opposer à la réforme des rythmes scolaires à l'appel de la FSU.
Les enseignants font grève ce mardi pour s'opposer à la réforme des rythmes scolaires à l'appel de la FSU.
©Reuters

Hors-sujet

Pour la cinquième fois en à peine trois semaines, plusieurs syndicats appellent à la grève ce mardi pour manifester contre la réforme des rythmes scolaires.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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30h.Puis 27h en 1969. Puis 26h en en 1995. Puis 24h + 2h d'aide en 2007. Et enfin 24h + 1h d'aide en 2013. Aujourd'hui, tout augmente, sauf les horaires hebdomadaires de l'école primaire, semble-t-il. Et paradoxalement, jamais on n'a entendu autant de plaintes au sujet des journées surchargées des enfants, des cadences infernales de l'élémentaire ou de l'épuisement des pauvres bambins de CE1. Cette plainte porte un nom : « rythmes scolaires ». Et c'est l'une des plus belles impostures scientifiques de ces dernières décennies.

Depuis qu'on se revendique à la fois des chronobiologistes et des comparaisons européennes, chacun — parent, gouvernant, maire, président d'association, et même syndicaliste —y va de son couplet sur l'organisation de la journée, de la semaine et de l'année. On dissimule ses intentions véritables derrière un pseudo aspect scientifique et l'incontournable « intérêt de l'enfant » (qu'on nous sert jusqu'à la nausée sans bien savoir en quoi il consiste, d'ailleurs).  Ainsi, il paraîtrait que la fin d'après-midi est un moment privilégié pour la transmission des connaissances (j'ai même lu que le vendredi aprèm, c'était un créneau d'enfer !), ou encore que les rythmes de nos rejetons du XXIe siècle doivent être calqués sur de pseudo-rythmes naturels, existant de tout temps depuis Néanderthal jusqu'à Kévin. Arrêtez tout, bourreaux d'enfants ! Vous épuisez nos maternelles et éreintez nos primaires. 6 heures de cours par jour en CM1, c'est trop ! On le sait, c'est prouvé, il n'y a pas à discuter, peu importe si vos (grands) parents avaient 30 heures de cours par semaine, et si vous-même en avez connu 26 ou 27. Là, 24 sur 4 jours et demi, c'est le maximum — puisqu'on vous dit que c'est scientifique — et certains pensent même qu'il faut descendre encore plus bas.

Notre ministre, au demeurant probablement bien intentionné et voulant répondre à de nombreuses demandes de divers « acteurs » du système éducatif, a probablement cru bien faire en proposant un retour à la semaine de 4 jours et demi sans alourdissement de l'horaire global. Peine perdue : les maires en profitent pour proposer des organisations rocambolesques (2h30 de pause méridienne à Lyon, 2h45 à Paris, qui dit mieux?), et les mêmes qui appelaient à la réforme font machine arrière devant leur base qu'ils avaient, semble-t-il, oublié de consulter. Or le professeur des écoles n'a pas prévu de  rester plus longtemps sur son lieu de travail et sur un plus grand nombre de jours dans l'unique but de soutenir la dernière posture idéologique à la mode. Quant aux républicains dont je fais partie, ils auraient bien aimé qu'avec la demi-journée supplémentaire revienne un peu plus de temps de cours plutôt que des activités qui pour beaucoup seront impossibles à mettre en place, à encadrer et à rendre gratuites.

On l'aura compris : tout ça, c'est du vent, et les « rythmes scolaires » sont un cache-misère pour ne pas trop avoir à faire un bilan objectif de l'état de notre École, de peur de découvrir enfin — quelle surprise — qu'elle dysfonctionne sévère. Il m'a toujours semblé que l'intérêt de l'enfant était avant tout de pouvoir mener plus tard une vie libre et heureuse en s'appuyant sur un esprit critique qu'il aura pu construire grâce à des connaissances et à une culture solides. Le problème aujourd'hui, c'est que ce sont toujours les mêmes qui réussissent, et toujours les mêmes qui rament. Et là, croyez-m'en : les réformes des rythmes scolaires n'y changent rien, surtout quand elles consistent à chaque fois à donner un peu moins d'heures de cours. Tant mieux pour ceux qui sont aidés et soutenus par un contexte familial et culturel favorable : leur avance sur les autres s'accroît sans qu'ils aient à lever le petit doigt. Quant à ceux qui n'ont pas la même chance, c'est au nom de leur bien-être qu'on réduit chaque fois davantage leurs chances d'ascension sociale.

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