Réforme de l'université : s'inspirer du modèle américain<!-- --> | Atlantico.fr
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La licence va être cette année l'un des chantiers prioritaires du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
La licence va être cette année l'un des chantiers prioritaires du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Licence to kill

Valérie Pécresse est ce jeudi 3 mars à Metz pour une table ronde autour de son plan "réussir en licence". La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche souhaite en faire "un diplôme de référence pour les étudiants comme pour les employeurs". Et si le vrai problème de l'Université se posait dès la première année ?

Julien Winock

Julien Winock

Après avoir travaillé dans l'édition et dans l'internet culturel, Julien Winock a fait partie de plusieurs cabinets ministériels.

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La droite a-t-elle réellement réformé l'université ? A première vue, l'œuvre entamée n'est pas négligeable. Votée dès l'été 2007, la loi sur l'autonomie doit donner aux établissements d'enseignement supérieur cette liberté qui leur manquait tant pour recruter les professeurs de leur choix que pour créer des passerelles avec le monde de l'entreprise et les laboratoires de recherche. Autre changement notable : la création d'une dizaine de pôles d'excellence qui doit donner à la France les moyens d'attirer les meilleurs étudiants des quatre coins du monde. Malgré ces efforts, il est pourtant à craindre que les faiblesses chroniques de l'université française perdurent si son maillon le plus faible, le premier cycle, autrement dit la licence, n'est pas transformé en profondeur.

La première année d’université en question

Le problème endémique de notre université est bien connu. En accueillant tous les bacheliers sans distinction de niveau, les premiers cycles universitaires fabriquent des naufragés en masse. Faute des bases que le lycée ne leur apporte plus, les jeunes bacheliers peinent pour la plupart à faire face aux exigences de l'enseignement supérieur. Construction d'un raisonnement rigoureux, mobilisation des connaissances acquises tout au long de la scolarité, travail personnel de lecture et de prise de note : voilà autant de tâches difficiles, voire impossibles, pour quiconque n'a pas la maîtrise des fondamentaux. D’où le taux d'échec faramineux enregistré au cours de la première année universitaire, où 40 % des inscrits abandonnent avant la fin de l'année.

La faible motivation des jeunes étudiants tient également aux fréquentes erreurs d'orientation. Beaucoup ne sont pas conscients de la charge de travail qui les attend dans les filières les plus exigeantes, comme le droit, lorsque d'autres sont inscrits dans une discipline éloignée de leurs goûts et de leurs aspirations, à défaut d'avoir le niveau requis pour entrer dans les filières sélectives.

Inutile d'envisager une forme de sélection à l'entrée de l'université. Depuis le rejet de la réforme Devaquet en 1986, c'est le tabou absolu qu'aucun ministre de l'Enseignement supérieur ne se risquerait à enfreindre.

S’inspirer de l’exemple américain

Dans ces conditions, la vraie solution serait de permettre une véritable remise à niveau des étudiants de premier cycle et de casser la logique d'une spécialisation trop précoce. Durant leurs deux premières années d'université, les étudiants doivent rattraper leur retard dans les disciplines fondamentales, à commencer par le français. Il semble vain en effet d'envisager la poursuite d'études supérieures si l'on ne sait pas d'abord exprimer sa pensée dans un français structuré et intelligible.

Ce nouveau premier cycle universitaire s'inspirerait de la propédeutique qui existait dans les facultés avant 1968 mais qui n'est pas très différente au fond de ce qu'est aujourd'hui le "college" dans les universités américaines. Durant leurs premières années d'enseignement supérieur, les étudiants américains suivent en effet des cours dans de nombreuses disciplines, notamment avec un tronc commun réunissant des cours de langues, de sciences, de lettres et d'histoire. Dans ces matières clés, l'accent est mis à la fois sur l'étude des grands auteurs et sur les bases méthodologiques : comment faire une dissertation, une fiche de lecture, un exposé, etc. Pour cela, les étudiants ne sont pas jetés seul dans la nature : des professeurs les accompagnent, les conseillent, suivent l'évolution de leur parcours. Et ce n'est qu'au terme des quatre premières années que les étudiants se spécialisent dans une filière, une fois acquise cette solide base pluridisciplinaire. Plusieurs universités françaises ont opéré ce revirement, avec par exemple une licence “humanités” à Nanterre. Mais il reste à généraliser de telles initiatives.

La licence va être cette année l'un des chantiers prioritaires du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Il faut espérer que Valérie Pecrésse ait une motivation sans faille et les conseils les plus avisés en la matière. C'est la condition sine qua non si nous voulons en finir avec cet échec de la massification qui mine notre université depuis quarante ans.

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