Référendum d’initiative partagée : quand droite et gauche votent à l’unanimité un texte totalement inutile<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Sénat a adopté jeudi les modalités d'application du "référendum d'initiative partagée".
Le Sénat a adopté jeudi les modalités d'application du "référendum d'initiative partagée".
©Reuters

Editorial

Le Sénat a adopté jeudi les modalités d'application du "référendum d'initiative partagée" permettant d'organiser des référendums à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs, soit près de 4,5 millions de personnes. Une mission quasiment impossible qui fait de cette loi un texte complètement inutile.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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"C’est une excellente expérience démocratique et personnellement, je pense qu’il faut s’en inspirer". Cette déclaration lundi de Jean-Marc Ayrault à propos du référendum d’initiative populaire du week-end dernier en Suisse sur les salaires des grands patrons prête peu le flanc aux reproches devenus fréquents, y compris dans les rangs des parlementaires socialistes, d’un manque de clarté de la politique gouvernementale.

Le Premier ministre aurait pu dans cet élan se féliciter de l’adoption la semaine dernière par le Sénat des modalités d’application en France du référendum d’initiative partagée.  Exceptionnellement, c’est même à l’unanimité que les Sénateurs ont voté ce texte ! Sauf que ce vote n’a rien de glorieux pour la démocratie…

Oublions que les parlementaires de gauche viennent de voter pour un projet porté par Nicolas Sarkozy et contre lequel ils s’étaient opposés en 2008 lors de la révision de la Constitution. Oublions aussi que les sénateurs de droite (Hugues Portelli dans le Val d’Oise, Bruno Retailleau en Vendée…) se plaignent déjà de ce texte, pourtant voté par la majorité UMP de l’Assemblée nationale en janvier 2012 et qu’ils viennent d’approuver à leur tour.

Car la vraie faiblesse de cette modification de l’article 11 de notre constitution n’est pas dans les petits arrangements avec la vérité politique du moment, mais dans sa plus complète inutilité !

Les nouveaux alinéas 3 à 6 de l’article 11 indiquent en effet qu’« un référendum (…) peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». En clair, il est nécessaire de réunir au minimum 184 parlementaires et surtout de près de quatre millions et demi de personnes ! Mission impossible : jamais une pétition n’a réussi à réunir tant de signataires !

Et voilà comment, lorsque la Suisse prévoit qu’une votation doit être soutenue par 100 000 électeurs (certes, le nombre d’habitants de la Confédération helvétique n’est pas le même qu’en France, mais proportionnellement, ça fait tout de même huit fois moins de signatures nécessaires), lorsque l’Italie en prévoit 500 000 (neuf fois moins qu’en France) ou que les Etats des Etats-Unis d’Amérique qui autorisent le référendum d’initiative populaire ont, eux aussi, des exigences bien plus mesurées (En Californie par exemple, 5 % des personnes ayant participé à la dernière élection du gouverneur, ce qui représente environ 400 000 électeurs), la Chambre haute du Parlement français vient de voter un texte dont tout le monde s’accorde déjà à dire à mi- mots qu’il ne sert strictement à rien.

Alors, d’accord pour débattre de la pertinence du référendum d’initiative populaire, en  rappelant que plusieurs grandes décisions, dans le domaine social notamment, comme l’abolition de la peine de mort, la légalisation de l’IVG ou la réforme des retraites, n’auraient jamais été prises si elles avaient été soumises à l’opinion publique. D’accord également pour étudier des modalités qui permettraient de ne pas oublier que notre système est d’abord celui d’une démocratie représentative. D’accord encore à prendre garde de ne pas tomber dans un chantage au populisme. Mais cette fois-ci, loin de toutes ces considérations, les sénateurs viennent surtout de démontrer leur aptitude à violenter les diptères.

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