Référendum aux Pays-Bas sur l'association UE-Ukraine : les électeurs néerlandais répondront-ils à la question posée ou à celle sur la catastrophe aérienne MH 17 ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les Néerlandais sont consultés par référendum sur le Traité d’Association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Les Néerlandais sont consultés par référendum sur le Traité d’Association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
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Crash du vol de la Malaysia Airlines

Ce mercredi 6 avril, les Néerlandais étaient consultés par référendum, sur le Traité d’Association entre l’Union européenne et l’Ukraine, lequel a été rapidement récupéré par deux franges électorales, que sont les eurosceptiques et les populistes. Plus que de d'appuyer sur le fonctionnement de l'Union Européenne, il porte finalement plus sur la tragédie du MH 17, fortement associée à l'Ukraine dans les esprits.

Harry Bos

Harry Bos

D’origine néerlandaise, Harry Bos vit et travaille depuis 25 ans en France en tant que programmateur et promoteur du cinéma de son pays natal. Il écrit régulièrement des articles sur le cinéma et des productions télévisuelles, en se focalisant en général sur leurs aspects politiques. 

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Après la commémoration du crash de Germanwings, il y a un an dans les Alpes de Hautes Provences, c’est une autre catastrophe aérienne, au moins aussi tragique, qui se trouve à l’ordre du jour, mais par un tout autre biais.

Ce mercredi 6 avril, les Néerlandais sont en effet consultés par référendum sur le Traité d’Association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Ce référendum, d’origine populaire, vite récupéré par les eurosceptiques et les populistes néerlandais, vise le fonctionnement dénoncé comme non-démocratique de l’UE et son élargissement comme irresponsable. Mais il se greffe surtout sur une véritable tragédie nationale, celle de du crash du vol MH17, dont il apparaît comme l’épilogue imprévu.

Le 17 juillet 2014, les habitants de l’Ukraine orientale ont littéralement vu tomber du ciel les corps – ou plutôt les morceaux de corps – des passagers de cet avion des Malaysian Airlines, parti de l’aéroport d’Amsterdam et abattu par un missile.

Parmi les 283 morts, 193 sont Néerlandais. L’émotion est immense aux Pays-Bas, où l’on n’a pas connu pareille tragédie aérienne depuis 40 ans. Le gouvernement socio-libéral Rutte promet de tout faire pour trouver les auteurs de cet attentat. Les séparatistes pro-russes sont d’ailleurs très vite pointés du doigt – au moment du crash, l’avion se trouve au-dessus du territoire contrôlé par eux et le missile est d’origine russe – mais leur responsabilité est démentie jusqu’à ce jour par Moscou.

Or, selon tous les sondages, ce pays traumatisé semble aujourd’hui prêt à voter massivement "non" au référendum ukrainien, résultat assez paradoxal, vu les responsabilités en cause. Alors, tout faire pour "oublier l’Ukraine ?"

En 2015, le réalisateur et auteur de théâtre Michiel van Erp réalise un documentaire édifiant sur l’énorme émotion qui a traversé le pays : MH 17, Le Chagrin des Néerlandais. Le film fut diffusé à la télévision néerlandaise un an après la catastrophe et présenté en mars dans une salle parisienne. A travers trois familles qui ont perdu leurs proches, le récit intime est alterné par des séquences où l’on voit l’impressionnant deuil collectif de toute une nation : l’arrivée des cortèges avec les dépouilles (ou des parties des dépouilles), applaudis par des foules au bord de la route, commémorations à tout va et érection de nombreux monuments.

On l’aura compris, le film aborde à peine la dimension politique. Candide, le réalisateur Michiel van Erp se dit lui-même incompétent dans ce domaine. En vérité, les Néerlandais n’ont associé aucun message politique à leur deuil pour (ou contre) les Ukrainiens ou les pro-russes. Dans le film, la question de la responsabilité est posée à deux reprises – une fois par une chanteuse russe d’ailleurs – mais la réponse reste absente. Dans une scène révélatrice, on entend une femme, très engagée dans la commémoration, parler de la situation en Ukraine orientale comme "un conflit qui ne nous concerne pas".

C’est ainsi que la population néerlandaise a détourné le regard de l’Ukraine orientale : Le conflit russo-ukrainien ? Ça ne nous concerne pas. Une alliance avec ce pays qui veut se tourner vers l’Union européenne ? Il faut mieux ne plus rien avoir à faire avec cette région "en guerre", ce régime "corrompu" - les termes sont des initiateurs du référendum. Restons entre nous.

Dans le même temps, l’enquête sur la catastrophe patine sur la scène glissante de la Realpolitik internationale, malgré les efforts de la diplomatie de la Haye. Et ce n‘est pas le reste de l’Europe, si discrète dans son élan de solidarité à l’égard des Néerlandais, en 2014 comme aujourd’hui, qui s’en désolera…

Deux enseignements : toutes les douleurs ne se valent clairement pas, même au sein de "notre" Europe. Et l’étalement du pathos pourrait bien être, d’un terrorisme à l’autre, le plus efficace étouffoir du questionnement politique.

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