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Réduction des dépenses publiques : ces éléments qui manquent aux raisonnements de la Cour des comptes
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Budget de l'Etat

La Cour des comptes reproche à Emmanuel Macron de ne pas assez réduire les dépenses publiques. Elle devrait aussi suggérer au chef de l'Etat de conduire une restructuration générale de la dépense s'il veut apaiser la société française.

François-Xavier Oliveau

François-Xavier Oliveau

François-Xavier Oliveau accompagne les entreprises dans leur transition écologique, à la fois en capital et sur le plan opérationnel. Il vient de publier La crise de l'abondance aux Editions de l'Observatoire. Il y interroge l'invraisemblable paradoxe d'une société plus riche que jamais mais traversée de crises majeures. Après avoir décrit le mécanisme d'innovation et de baisse permanente des prix qui nous donne accès à l'abondance, il propose des solutions concrètes pour maîtriser cette abondance. Son premier essai, Microcapitalisme (PUF, 2017, collection Génération Libre) a obtenu le prix du jury du comité Turgot. Il a enfin publié en avril 2019 une étude avec l'Institut Sapiens sur les impacts entre technologie, prix et monnaie, Pour la Création d'un dividende monétaire.

François-Xavier Oliveau accompagne les entreprises dans leur transition écologique, à la fois en capital et sur le plan opérationnel. Il vient de publier La crise de l'abondance aux Editions de l'Observatoire. Il y interroge l'invraisemblable paradoxe d'une société plus riche que jamais mais traversée de crises majeures. Après avoir décrit le mécanisme d'innovation et de baisse permanente des prix qui nous donne accès à l'abondance, il propose des solutions concrètes pour maîtriser cette abondance. Son premier essai, Microcapitalisme (PUF, 2017, collection Génération Libre) a obtenu le prix du jury du comité Turgot. Il a enfin publié en avril 2019 une étude avec l'Institut Sapiens sur les impacts entre technologie, prix et monnaie, Pour la Création d'un dividende monétaire.

Les opinions exprimées dans ses articles n'engagent que lui.

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Atlantico : Il y a quelques jours, la Cour des comptes a identifié un dérapage de plusieurs milliards d'euros dans les dépenses de l'État et reproche au gouvernement Macron de ne pas respecter sa contrainte budgétaire en matière de dépenses publiques. En cette période hautement inflammable socialement et qui nécessite donc des dépenses de la part de l'État, comment concilier les exigences budgétaires et sociales ?

François-Xavier Oliveau : La réponse tient en un mot, suggéré d’ailleurs par la Cour des Comptes : la productivité ! Il faut absolument sortir du faux débat que vous rapportez implicitement, et qui assimile un meilleur service à plus de dépenses. L’enjeu est au contraire de rendre un meilleur service public avec moins de ressources. Cela peut sembler contradictoire, et c’est pourtant le quotidien de toutes les entreprises, qui y parviennent très bien : chaque nouvelle génération de produit ou de service est meilleure que la précédente et très souvent, à terme, moins chère grâce notamment aux progrès technologiques. Une entreprise qui ne saurait pas le faire disparaîtrait naturellement. Mais le monopole naturel de l’Etat le dispense de cette contrainte, et donc de se remettre en question. L’exigence sociale dont vous parlez, celle exprimée par les gilets jaunes, est avant tout issue d’un ras-le-bol fiscal. Revoir la dépense publique est donc exactement la bonne réponse à donner au mouvement, la seule viable à long terme. C’est un impératif pour l’Etat, d’autant que nous sommes maintenant le pays le plus déficitaire de toute la zone euro. Le besoin de pouvoir d’achat nécessite que chaque denier public soit dépensé avec pertinence et efficacité. Objectivement, on en est encore loin.

Sur quels facteurs (la croissance etc.) et acteurs économiques (la BCE et sa politique accommodante) l'État peut-il compter pour réduire ses dépenses publiques ?

Je ne compterais pas trop sur une improbable accélération de la croissance. En revanche le niveau des taux crée un environnement extrêmement favorable pour faire un travail de fond. Une vraie réforme de l’Etat se traduirait par des coûts de restructuration, et donc un accroissement temporaire de l’endettement. Les taux nuls permettant de réaliser ces efforts sans surcoût. Didier Migaud soulève aussi le risque pour la charge de la dette d’une hausse brutale des taux. Ce risque me semble en réalité limité. D’une part parce que les taux sont durablement bas pour des raisons structurelles, notamment liés à la technologie, comme je l’explique dans mon étude pour l’Institut Sapiens. De l’autre, parce que même en cas de hausse des taux, la charge de la dette continuerait à baisser par effet de stock. Sa maturité moyenne étant de huit ans, on remplace aujourd’hui typiquement des emprunts souscrits vers 2011 à des taux de 3 ou 4%. Chaque renouvellement baisse donc mécaniquement la charge de la dette, qui va continuer à diminuer encore pendant plusieurs années même si les taux remontent d’un ou deux points. Je pense donc inutile voire contre-productif de promouvoir une baisse de la dépense publique « défensive », en réponse à un risque qui a peu de chances de se matérialiser. Au contraire, la réforme de l’Etat doit être un acte positif, visant à mieux servir l’usager-contribuable à un coût optimal, notamment en s’appuyant sur les nouvelles technologies.

Le contexte est-il favorable à une refondation à long-terme de la politique budgétaire ? Comment mieux répartir la dépense dans la situation actuelle ?

Bien sûr ! Les taux sont bas et le calendrier politique est raisonnablement dégagé, sans élection nationale avant 2022. Le contexte est idéal pour une réforme de fond, et non un n-ième coup de rabot qui épuise les agents publics sans régler aucun problème. La première étape est de bien définir ce qui relève du champ public. Pour cela, il faut nbien identifier les missions et faire l’effort de comprendre leur coût. Il serait ensuite utile d’associer les Français à la réflexion, en leur posant la question sur des services non-régaliens. Un exemple concret : la redevance télévision coûte 11,50 € par mois. Pourquoi ne pas simplement poser la question aux Français : souhaitez-vous continuer à payer cet « abonnement » pour un service public de l’audiovisuel, ou préférez-vous que l’audiovisuel public soit privatisé et financé par la publicité ? Ce serait une façon de rendre très concret le droit constitutionnel du consentement à l’impôt, et de se mettre d’accord ensemble sur les vraies missions de l’Etat. Ensuite, il faut autant que possible s’inspirer des démarches d’entreprises pour repenser le service public autour de l’usager : comment lui rendre un service simple, rapide, efficace ? Les nouvelles technologies ouvrent tout un champ de possibilités nouvelles à un coût bien moindre. Des évolutions d’effectifs deviennent alors des conséquences d’une refonte en profondeur du service à l’usager, et en aucun cas un point de départ comptable. Enfin, les agents publics doivent être accompagnés dans la transition, à la fois collectivement et individuellement. Ces démarches sont utilisées couramment dans beaucoup d’organisations, privées ou publiques. Bien menées, elles sont extrêmement efficaces et permettant largement d’améliorer les offres. A l’Etat maintenant de s’en emparer et de faire sa propre refonte.

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