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Comment réconcilier la France et "l'homo economicus" ?
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Ecophobie

L'enseignement de l'économie au lycée se veut "social" plutôt que "commercial" et peut donner parfois une fausse image du monde de l'entreprise. Et si on initiait professeurs et élèves à l’investissement en Bourse ?

Frédéric Lemaître

Frédéric Lemaître

Frédéric Lemaître est Président de Fair Disclosure Management SAS, société de gestion de base de données sensibles. 

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Examinons les faits. D’un côté : un enseignement supérieur privé d’une qualité pédagogique exceptionnelle avec HEC (Hautes Etudes Commerciales), l’ESSEC (Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales) ou encore l’ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris) pour ne citer que les plus célèbres grandes écoles de commerce françaises. Vous remarquerez que les termes "économique" et "commercial" cohabitent ici sans honte au service d’une formation de grande qualité reconnue non seulement en France mais aussi partout dans le monde.

De l’autre côté : un enseignement secondaire avec des sections "ES" (économiques et sociales). Là, le mot "commerce" est tellement honteux à prononcer pour une grande partie de notre corps enseignant qu'il a été gommé. En toute logique, il aurait pourtant dû coexister avec le terme "économique". Pour se racheter de ce sacrifice sur l'autel d’une modernité subie et non voulue, on a préféré y coller avec délectation la mention magique "sociale". Nous voilà donc flanqués de classes "économiques et sociales" plutôt que de classes "économiques et commerciales".

Pour quel résultat ? La filière "ES", destinée à former notre élite marketing et commerciale, est la seule où l'on apprend la macroéconomie. Le plus souvent sous le prisme marxiste. On y apprend comment fonctionne un syndicat plutôt qu'une entreprise, pourtant seule créatrice de richesse, d'emploi et surtout d'avenir pour nos enfants.

Bourse et entreprise : des gros mots

Conséquence désastreuse de tout cela : tout ce qui touche à l’entreprise est oublié ou critiqué mais jamais sublimé. Les actionnaires qui vont risquer leur épargne pour créer et développer une entreprise sont des capitalistes sans morale. Les dirigeants sont des exploiteurs sans scrupules et la Bourse le temple de la spéculation.

On se demande comment il peut y avoir encore des postulants pour entrer dans les classes préparatoires aux grandes écoles de commerce. Il est même étonnant qu’il n’y ait pas eu de pétitions pour renommer nos classes préparatoires et nos grandes écoles en y ajoutant le mot sacro-saint "social". Heureusement, ici, le politiquement correct n’a pas encore frappé.

Pendant ce temps, que font nos politiques ? Les manuels d’économie des classes "ES" montrent une méconnaissance rare ainsi qu'un esprit critique et caricatural de la réalité du monde de l’entreprise. Nous sommes en droit de nous demander comment sont formés nos professeurs d’économie "à la sauce sociale".

Et pourtant, combien d’idées simples pour remédier à ce constat consternant ? Il en existe de nombreuses : stages suffisamment longs en entreprises les élèves comme pour les professeurs,  en France et à l’étranger. Interventions de cadres et dirigeants dans les lycées et collèges, formation à la création d’entreprises, visites d’usines, de sièges sociaux, d’ateliers, de tribunaux de commerce, études de cas simples, pour n’en citer que quelques-unes.

J’en vois une autre, particulièrement formatrice : initier nos professeurs et leurs élèves à l’investissement en Bourse. La Bourse est l’un des moyens les plus efficaces pour financer le développement des entreprises qui ont une vision à long terme de leur avenir et pour comprendre la microéconomie. On peut déjà imaginer la grimace se former sur les visages de certains professeurs qui y verront une provocation inutile et un assujettissement insupportable au grand capital. Mais la Bourse n’est ni de droite ni de gauche. Elle est seulement un instrument de financement au service des entreprises qui ne veulent pas subir les affres des restrictions de crédits bancaires, voir le "credit crunch" tant redouté ces derniers temps.

La Bourse est la vie

Qui n’a pas assisté à la première assemblée générale des actionnaires de France Telecom, par exemple, lors de son introduction en Bourse, ne peut pas imaginer la découverte que cela fut pour ces centaines de milliers d’actionnaires novices confrontés à la réalité d’une entreprise devant affronter la compétition internationale. Ce fut la grande révélation. Plusieurs milliers de ces nouveaux actionnaires qui n’avaient jamais "touché" à une action étaient présents pour comprendre ce qu’ils n’avaient jamais appris à l’école, au lycée ou à l’université.

Pour comprendre aussi pourquoi et comment une entreprise devait se développer, se réformer pour être plus performante et compétitive afin de préparer au mieux son avenir. Les questions fusaient. Elles étaient pertinentes, intelligentes,  même si parfois un peu naïves. Les dirigeants de l’époque tentaient de répondre dans un langage simple et rassurant. Ils parlaient stratégie, développement international, parts de marché, prévisions de bénéfices. Tout cela se passait dans un calme parfait et chacun dans son rôle, actionnaires et dirigeants, partageaient cette "grand’messe" dans un vrai respect mutuel.

Ah ! Si seulement quelques-uns de nos brillants hommes politiques, de droite comme de gauche, y avaient assisté. Ils auraient alors compris l’intérêt de "pousser" l’actionnariat individuel direct à toutes les classes de la population, source de curiosité économique pour l’individu et de comportement responsable pour le citoyen.

Quelle meilleure formation à l’économie que le statut d’actionnaire individuel direct ? C’est l’accès direct à la microéconomie qui permet petit à petit de mieux comprendre la macroéconomie, les enjeux et les défis qui se présentent dramatiquement à nous aujourd’hui et pour les années qui viennent.

Pour les entreprises, quel meilleur "bouclier" contre les comportements irrationnels des marchés que d’avoir un actionnariat individuel important plus sensible à l’"affectio societatis" qu’à l’évolution des résultats trimestriels ?

Quelle meilleure réponse à apporter à ce sujet par nos politiques que d’avoir une politique fiscale appropriée pour favoriser l’investissement en actions ? Ainsi naîtra "l’homo actionarius" français, cousin très proche de "l’homo economicus".

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