Ravage de l’idéologie : quand le gouvernement revient sur la protection qu’offrait le statut d’intérimaire aux salariés vacataires de la fonction publique <!-- --> | Atlantico.fr
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Marylise Lebranchu.
Marylise Lebranchu.
©Reuters

Fin de l’intérim

Alors que le recours aux intérimaires dans la fonction publique était permis depuis 2009, Marylise Lebranchu a mis ce statut sur la table des négociations syndicales. Une décision purement dogmatique et qui précarise ces salariés.

Laure Montalon

Laure Montalon

Laure Montalon est directrice d'une des 7 000 agences d'emploi en France. Elle s'exprime ici sous pseudonyme.

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Atlantico : Quelles sont les lois en vigueur en matière de recours à l’intérim dans la fonction publique ? 

Laure Montalon : Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy deux textes essentiels ont porté sur la fonction publique. La loi du 3 août 2009 sur la mobilité dans la fonction publique qui a ouvert la possibilité de recourir à l’intérim dans les trois fonctions publiques. Il s’agissait d’une décision historique car s’il y avait bien des recours à l’intérim dans des cas d’urgence et donc sans encadrement législatif spécifique, pour le reste c’était strictement interdit. La loi du 12 mars 2012 a pour sa part permis à des personnes qui enchainaient des CDD sur de longues périodes, soit d'avoir un CDI, soit d'être titularisées. Si cette seconde loi n’est pas en rapport direct avec notre sujet, elle est complémentaire pour assurer une flexibilité responsable dans le fonction publique.

Quels sont les changements en cours de discussion à ce sujet ? 

Depuis l’élection présidentielle de 2012, la  ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, évoque régulièrement dans les discussions avec les syndicats, l’abandon du recours à l’intérim dans la fonction publique territoriale et d’Etat sans néanmoins le remettre en cause dans la fonction publique hospitalière et pour cause, sans l’intérim le système hospitalier français s’effondrerait. 

Le 16 mars dernier lors d’une négociation avec les syndicats, la ministre a déclaré que le recours à l’intérim dans la fonction publique territoriale et d’Etat serait effectivement supprimé. Ceci afin de donner des gages aux syndicats et pour des raisons idéologiques, n’oublions pas que la suppression pure et simple de l’intérim figurait dans les 110 propositions du candidat Mitterrand. Espérons que le pragmatisme l’emportera encore une fois sur les postures politiciennes !

La dernière offensive datait de 2013 et avait donné lieu au rapport Pêcheur (du nom du conseiller d’Etat qui l’a rédigé) qui concluait en substance qu’il était trop tôt pour tirer des conclusions et qu’il était souhaitable de maintenir le dispositif qui était somme toute marginal. 

Quels sont les avantages du recours à l’intérim ? 

L’ouverture du  recours à l’intérim dans la fonction publique aurait dû créer un choc social salutaire en substituant à tous les vacataires, qui ne bénéficient de rien, des intérimaires avec de vrais droits.

Pour les salariés, en matière de rémunération d’abord, c’est le principe de l’égalité de traitement qui s’impose, pour être claire, le collaborateur intérimaire est payé sur la base de la rémunération perçue par un agent non titulaire nouvellement recruté sur un poste équivalent, y compris primes et accessoires, le cas échéant. Il perçoit en plus une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 10% du salaire brut et enfin une indemnité de fin de mission, plus communément appelée prime de précarité, elle aussi équivalente à 10% du salaire brut. Il faut préciser que ce dernier élément de rémunération n’est pas perçu à l’issue d’un CDD de droit public alors qu’il est obligatoire dans les entreprises.

Nous avons ensuite des dispositifs pour la formation et la sécurisation des parcours professionnels,  la prévoyance et la santé au travail. Nos budgets formation sont extrêmement importants pour assurer le maintien de l’employabilité de nos salariés intérimaires. Ils doivent être immédiatement opérationnels, c’est le principe même de notre métier, c’est pourquoi nous les accompagnons tout au long de leur parcours professionnel. L’objectif et l’intérêt de toute entreprise de travail temporaire est donc de fidéliser ses collaborateurs cependant chaque intérimaire jouit de droits individuels et collectifs renforcés, dont la portabilité est assurée au sein de la branche. Enfin, il faut rappeler que nous détachons nos collaborateurs dans le public mais aussi et surtout dans le privé, ce qui augmente largement les possibilités de reclassement en fin de mission.

L’action sociale est une de nos préoccupations constantes, elle permet par exemple d’accompagner nos collaborateurs dans la recherche d’un logement grâce à des garanties de loyer, un besoin de véhicule en facilitant l’accès à des solutions de crédits.

S'ils redevenaient vacataires, ils disparaîtraient à nouveau dans les oubliettes de l'administration. 

Pour l’administration utilisatrice enfin, elle s’exonère de la charge administrative liée au remplacement, elle bénéficie de collaborateurs immédiatement opérationnels et surtout les charges relatives à l’assurance chômage sont intégrées dans la rémunération.

Concrètement, un Conseil régional, qui gère les personnels de service dans ses lycées (ménage, cuisine, etc.) pour lesquels la pénibilité du travail génère de l’absentéisme, recourait à des vacataires pour assurer le remplacement de ses agents. Désormais les agences d’intérim  peuvent gérer ces remplacements et assurer un statut à ces anciens vacataires, c'est beaucoup moins lourd pour l’administration qui peut se concentrer sur son coeur de métier et c’est socialement plus avantageux pour les personnels de remplacement. Tout le monde y gagne.

Quels sont généralement les cas de recours à l’Intérim ? 

On ne peut pas recourir à l'intérim n’importe comment. C'est extrêmement encadré tant dans les cas de recours que dans la durée des contrats.

Les cas de recours dans le public sont le remplacement momentané d'un agent, et encore pas dans tous les cas de figure, un intérimaire ne peut pas remplacer un agent de la fonction publique en congés annuels, la vacance temporaire d'emploi ne pouvant être immédiatement pourvu par le recrutement d’un agent public, en attendant la prise de poste effective d’un fonctionnaire on recrute un intérimaire pour assurer la continuité du service public, l’accroissement temporaire de l’activité ou les besoins occasionnels ou saisonniers.

Vous voyez que les cas de recours sont extrêmement restreints et que le statut de fonction publique n’est pas en péril.

Pourquoi dans ce cas les syndicats réclament-ils la suppression du recours à l’intérim ? 

Pour des raisons de principe, les syndicats de la fonction publique sont arcboutés sur le statut et ne veulent pas en démordre. S’ils le pouvaient, ils supprimeraient même le recours aux CDD et aux vacataires pour ne conserver que les recrutements par voie statutaire. Ils feraient pourtant bien de s’inspirer de leurs camarades de la CGT qui avaient en 1969 négocié avec le leader mondial américain du travail temporaire un accord historique qui servit de fondement à la loi qui institutionnalisa l’intérim en France.

Il n’est plus possible aujourd’hui de continuer à recruter des fonctionnaires pour répondre à des besoins temporaires, la situation des finances publiques au niveau de l’Etat comme des collectivités locales, dont les dotations de fonctionnement baissent drastiquement depuis 2012, ne le permettent plus. Plutôt que de vouloir éradiquer toute forme de flexibilité dans la fonction publique, les syndicats et leur ministre de tutelle feraient bien mieux de s’atteler à lutter contre les causes de l’absentéisme, raison principale de la nécessité de recourir à l’intérim. Encore une fois et c’est paradoxal, on défend ceux qui bénéficient d’un statut protecteur au détriment des invisibles.

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