Rapport annuel de la Cour des comptes : 0 pointé pour l’Etat dans l’exécution de la cuvée 2014 <!-- --> | Atlantico.fr
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Un zéro pointé pour l'Etat qui n'a pas suivi les recommandations de la Cour des comptes en 2014.
Un zéro pointé pour l'Etat qui n'a pas suivi les recommandations de la Cour des comptes en 2014.
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Et au fait ?

La vénérable institution n'aura pas lésiné dans ses recommandations à destination de l’exécutif en 2014. Pérennité économique de la SNCF, dotations de l’État aux collectivités territoriales, complémentaires santé, renouvellement du matériel militaire et carrière des préfets... Des diagnostics qui n'ont pas toujours trouvé écho auprès des principaux intéressés.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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La Cour des comptes est, par nature et par tradition attachée au droit. L'expérience récente de la production de certains de ses rapports montre toutefois que l'urgence budgétaire, la contrainte financière qu'elle retrace ou débusque, la conduisent à émettre de vives recommandations qui écartent parfois la notion de droits acquis.

Rapport sur les comptes de la Sécurité sociale

Le rapport sur les comptes de la Sécurité sociale pour 2013 est net : l'objectif national de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) n'a pas été assez volontariste. Fixé à +2,7% (contre +2,5% en 2012), il n'a pas empêché l'apparition d'un supplément de dépenses de 4,8 milliards. La Cour pointe du doigt la gestion hospitalière et le caractère inflationniste de la médecine de ville : deux remarques sempiternelles qui abondent le raisonnement explicatif du déficit de la Sécurité sociale.

>> Et pour voir les rapports de la Cour des comptes suivis par le gouvernement en 2013 Et ils rapportaient, rapportaient : le top 10 des recommandations faites dans le vide

Dotations de l'Etat aux collectivités territoriales

La question de la pertinence – voire du caractère économiquement réaliste – de la gestion des collectivités territoriales est en passe de devenir un marronnier au sein de plusieurs rapports émis par la Cour. Concrètement, le rapport sur les comptes publics locaux est éloquent :"Nous avons constaté qu'en 2013 et 2014, la baisse des dotations de l'Etat n'a pas suffi à infléchir l'augmentation des dépenses, ni des investissements." (Didier Migaud). Ainsi, les préconisations précédentes des magistrats de la rue Cambon sont restées lettre morte et la France a toujours à son agenda la question de la maîtrise de la dépense locale publique. Oubliée l'idée de la Cour de faire voter une loi de programmation des finances locales. A l'inverse, le Parlement vote régulièrement l'élargissement des bases fiscales issues de l'évolution de la démographie et de l'urbanisation. Face à ce constat, on peut donc valablement estimer que les 11 milliards de dotations de l'Etat (sur la période 2015-2017 dont 3,7 dès 2015) qui ont été supprimées par le vote du PLF 2015 ne seront pas intégralement respectées.....une fois passées le cap des élections locales du début et de la fin de l'année 2015 car des hausses de fiscalité locale viendront "compenser" les manques de la manne étatique.

Les retraites complémentaires du régime des salariés : vers le big bang ?

"Tous les leviers doivent être étudiés, si délicats soient-ils" a déclaré à la mi-décembre le premier Président Didier Migaud. Autrement dit, l'avenir des régimes complémentaires est véritablement sombre et tous les chemins seront explorés : taux des cotisations, conditions d'âge, durée de cotisation mais aussi montant des pensions servies ce qui constitue une solution de rupture et d'un lourd prix symbolique. Des négociations AGIRCARRCO sont annoncées : nous verrons si l'ampleur des réformes préconisées par la Cour se trouve suivie d'effets.

La question du matériel militaire et de sa disponibilité

Fin septembre dernier, la Cour a rendu public un important rapport sur le MCO :"maintien en condition opérationnelle du matériel" et préconisé que soient repensés des schémas logistiques et enclenchés une pratique de concentration des sites de maintenance. Plus de 45000 personnes sont concernées par le MCO qui est un poste budgétaire qui s'élève à un peu plus de 6 milliards d'euros.

A ce stade, les services du ministère n'ont pas abouti à un nouveau schéma directeur de la MCO et sont hélas confrontés au vieillissement des matériels et à leur taux d'indisponibilité qui sont ici ou là un handicap pour nos OPEX.

La marge du TGV s'érode à grande vitesse

Fin octobre dernier, la Cour a sévèrement épinglé la rentabilité du TGV en indiquant "qu'entre 2008 et 2013, le taux de marge est passé de 29 à 12% du chiffre d'affaires". A ce stade, l'analyse de la Cour est strictement comptable et n'a pas vocation à nuancer son constat en intégrant le concept d'externalités positives des économistes ou les effets bénéfiques pour l'aménagement du territoire. Il n'est pas certain que ceci ne soit pas au détriment de la fine granulométrie des rapports habituels de la Cour.

La carrière des préfets dans le collimateur de la Cour :

La Cour estime inappropriée la durée moyenne de fonctions des préfets dans leur poste territorial : 24,3 mois en 2013 (contre deux ans et six mois en 2006). De manière finement détectée par la Cour, "cette instabilité nuit à la continuité des politiques publiques et donc à leur efficacité, complexifie le partenariat entre État et collectivités territoriales, effrite la légitimité des préfets auprès de leurs équipes et des élus locaux. En outre, elle va à l'encontre d'une évaluation sereine et objective des résultats obtenus par les intéressés". Tout est dit sauf qu'un préfet enkysté ne serait-il pas soumis à des pressions personnelles répréhensibles ? L'ancien ministre de l'Intérieur Pierre Joxe a apporté, dans une interview télévisée, une réponse nette. D'autant plus instructive qu'il fût préalablement à sa formulation ancien premier président de la Cour des comptes.

La Cour indique : "Les affectations territoriales n'épuisent pas les fonctions dévolues à des membres du corps préfectoral : en 2013, sur un effectif de 250 préfets gérés par le ministère, 127 étaient affectés à un poste territorial, soit la moitié, alors que 37 étaient détachés, 12 en disponibilité, 1 en dehors des cadres, et 75 dans la situation dite "hors cadre".

"Depuis 1982, le décret statutaire autorise la nomination de préfets en mission de service public (PMSP). Entre 2005 et 2010, ces préfets ont été affectés, dans 33 % des cas, à la Présidence de la République, presque autant (30 %) au ministère de l'intérieur, plus rarement auprès du Premier ministre (9 %), les agents en attente d'affectation et les autres ministères se partageant les 28 % restants. Le statut de PMSP est aussi utilisé pour offrir à des sous-préfets méritants en fin de carrière, quelques mois avant leur départ en retraite, le titre de préfet et l'indice y afférent - ce qui améliore la pension servie ; ils se voient alors confier des missions d'attente."

Au plan opérationnel, la Cour préconise avec insistance la suppression des PMSP.

Après la réponse, sur l'ensemble des observations de la Cour, par le Premier ministre Valls, le corps préfectoral sait désormais que sa définition présente est promise à réforme : il est un corps en pointillé dont l'avenir n'est pas tracé ni encore clairement explicité.

Les facilités de circulation de la SNCF

Le rapport annuel 2014 a stigmatisé les cas de gratuité et autres cartes de circulation émises par la SNCF à destination de ses personnels (en activité ou retraités). Là encore, question récurrente. Là encore, guère de poussée de réformisme...

La Présidence de la République : un léger mieux ?

Le député René Dosière est un spécialiste reconnu de la surveillance des comptes de l'Elysée. Du fait du principe du quinquennat, le Président concentre davantage de pouvoirs et consomme donc davantage de moyens. Pour la sixième année consécutive (2014), la Cour des comptes a exercé son rôle de contrôle des comptes de la Présidence de la République.

En 2013, "la dotation disponible a été ramenée de 103,5 à 101,2 millions d'euros (-2,2%) et le résultat net s'est établi à 3,6 M euros."Toutefois le cadre budgétaire ne parait pas assez strict à la Cour ainsi que le contrôle interne. Dans cette lettre du Président Migaud au Président Hollande, une section (n°5) est spécifiquement dédiée"aux dépenses liées à Madame Valérie Trierweiler" : on y apprend que 39 6900 euros ont été dépensés pour les rémunérations de cinq personnes (officiers de sécurité, etc)  et que 85000 euros de frais de déplacement ont été pris en compte par la Présidence. Sauf erreur ou omission pour retenir une formule consacrée.

Au terme de ces neuf éclairages, on ne peut qu'inviter le lecteur à se rapprocher d'un texte important de 428 pages intitulé :"La rapport public annuel 2014, Tome II :  Les suites". A dire vrai, c'est un peu démoralisant pour le contribuable. Mais cela peut contribuer au décryptage de certaines situations : par exemple, les pages 247 à 269 où"La Cour insiste (ndlr : c'est le verbe utilisé) sur les progrès à amplifier dans la lutte contre la fraude aux allocations chômage".

112 milliards : qui dit mieux ?

Les taxes affectées relèvent d'une pratique fiscale assez ancienne et dérogatoire : elles servent à assurer le fonctionnement matériel du foisonnement d'agences et organismes publics (économies d'énergies et Ademe, le CNC : Centre national du cinéma, les Voies navigables de France, etc). Le poids de ces taxes affectées étaient de 112 milliards d'euros en 2011 et est estimé à un peu plus de 120 milliards pour l'année 2014.

Autrement dit, obtenir des bénéficiaires de ces taxes un effort de 10% de leurs budgets respectifs permettrait de réduire la voilure de la dépense publique de près de 12 milliards....

Ce qui est regrettable, c'est le montant des dérives de la fiscalité affectée. Elle représente près de 13% du total des prélèvements obligatoires et plus de 5 % du PIB. Or, un rapport du CPO (Conseil des prélèvements obligatoires présidé par le premier Président de la Cour des comptes) publié le 4 Juillet 2013 rapportait que tout cet ensemble de taxes a cru de 27,6% entre 2007 et 2011. La lecture attentive de ce document est édifiante (voir ici)  dans la mesure où l'on découvre qu'un effort total de 600 millions d'euros (rapportés à 112 milliards) sera demandé aux bénéficiaires de ces taxes : une fraction infinitésimale, donc.

En fait, c'est un moyen pour débudgétiser les dépenses en créant des taxes qui irriguent un flot de dépenses aux évolutions contestables. Ainsi le total des 309 (trois cent neuf) taxes affectées à plus de 453 entités ont suivi une hausse de 4,5% par an à comparer au 1,2% par an du budget général de l'Etat stricto sensu. De plus, la Cour a relevé que si la masse salariale entre 2008 et 2011 a décru de 2% pour l'Etat, elle a augmenté de 17% pour les agences financées par taxe affectée et de 10% pour celles qui sont financées par des dotations budgétaires. Voilà un point éloigné de l'opinion publique sur lequel le PLF 2015 a été aussi discret que peu volontariste au regard d'une nécessaire rebudgétisation.

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