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Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle de 2022, s'exprime après avoir remporté le Congrès des Républicains, le 4 décembre 2021.
Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle de 2022, s'exprime après avoir remporté le Congrès des Républicains, le 4 décembre 2021.
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Mieux vaut prévenir que guérir

Après avoir connu l’espoir Fillon, à quelles autres désillusions pourraient -ou pas !- être confrontés les électeurs de droite ?

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : La force de Valérie Pécresse repose beaucoup sur sa promesse de jouer collectif et de faire vivre ensemble les différentes sensibilités de la droite, pourrait-elle échouer en la matière ? Dispose-t-elle du charisme et de la vision nécessaire pour le faire ? Comment éviter l’ornière ?

Arnaud Benedetti : Le capital de Valerie Pécresse est triple : sa longue expérience (parlementaire, ministre, présidente de région); la conduite d’une réforme complexe des universités sous Nicolas Sarkozy; être la première femme désignée par la droite de gouvernement pour mener la bataille présidentielle. Tous les observateurs ont retenu ces propriétés; mais sa ressource principale est celle d’abord d’être là au bon moment, c’est-à-dire qu’elle surgit contre un sortant qui a beaucoup clivé durant tout son mandat, joué souvent au bonneteau de toutes les promesses, multiplié les postures au point d’apparaître comme illisible pour de larges segments de l’opinion. Elle offre surtout une alternative crédible au sein des catégories les plus socialement mobilisées dans les luttes pour la conquête et la détention du pouvoir, cet ensemble des classes élitaires, qui sont moins un bloc qu’un ensemble avec ses nuances et ses divergences, si ce n’est de fond, mais d’approches, de sensibilités et de psychologie collective. Face à un Président-puzzle, elle restaure une image de méthode, de classicisme susceptible de répondre à la faiblesse charismatique que d’aucuns lui trouveraient. Son parcours chiraquo-sarkozien l’autorise en outre à s’ériger en point de convergence de nombre des nuances de la droite de gouvernance. Mais tout l’enjeu pour elle consiste à aller au-delà de cette assiette en élargissant son socle sociologique.

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Aujourd’hui sur une ligne libérale et relativement ferme sur les valeurs, Valérie Pécresse a pourtant déjà tenu des positions parfois éloignées de son positionnement actuel. Elle cosignait en 2010 une tribune pour Appel "pour une République multiculturelle et postraciale". Ses allers et retours idéologiques peuvent-ils la rattraper ? Comment dépasser cela ?

C’est bien l’un de ses défis que de dissoudre le soupçon d’insincérité qui plane au demeurant sur toutes les personnalités de la droite républicaine. La question doit être cependant poser autrement peut-être: est-ce que l’hypertrophie anti-macroniste ne sera pas plus forte en fin de compte que ce reproche d’opportunisme? Si tel est le cas, le profil de Valerie Pecresse peut s’avérer efficace car il combine une forme de rigueur classique aux acquis d’une trajectoire qui renoue avec une certaine conception de la socialisation politique. Elle peut répondre à un besoin de "vieux monde" , tout au moins pour une partie des élites, après les emballements parfois "hysterisants" 3.O du "nouveau monde”. Pour autant, si elle entend créer une dynamique, elle ne peut faire l’économie de la leçon de François Mitterrand selon laquelle au premier tour il convient de rassembler son camp. Or son camp est à droite, dans un pays où la droite l’a emporté en raison du déni de réel auquel se sont adonnés nombre de représentants des élites. Il lui faudra assumer cet aggiornamento, sortir en quelque sorte de sa sociologie pour aller... au peuple et dénoncer les ambivalences macroniennes sur les enjeux régaliens et identitaires.

Tant le camp d’Emmanuel Macron que celui d’Eric Zemmour essaient de montrer que Valérie Pécresse est Macron compatible et que son chiraquisme revendiqué produirait les mêmes effets que l’original. Est-ce le reproche qui va lui être fait tout au long de la campagne ? Comment se démarquer efficacement ?

Encore une fois, changer n’est pas forcément un handicap lorsqu’on entend agir politiquement, sous réserve qu’on ne le nie pas, qu’on l’assume, qu’on reconnaisse le changement. Le politique doit intérioriser les circonstances; ce précepte de Machiavel est de bonne politique, sous réserve qu’il soit sincère. Boris Johnson en Angleterre a modifié en profondeur son logiciel ainsi que le logiciel du conservatisme britannique. Valerie Pécresse peut impulser une révolution dans son propre camp si elle privilégie ce travail des idées et du réel sur une vision seulement tactique et technocratique. Il lui faut fendre cette armure intellectuelle pour aller vers son destin. En sera-t-elle capable ? Elle est entrée dans son moment de vérité.

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