Qui de Trump ou de ses opposants fragilise le plus la démocratie aujourd’hui aux États-Unis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le procès de Donald Trump s'est déroulé à quelques mois du vote dans le cadre de l'élection présidentielle.
Le procès de Donald Trump s'est déroulé à quelques mois du vote dans le cadre de l'élection présidentielle.
©JOHN LAMPARSKI, MANDEL NGAN / AFP

Campagne électorale

S’il ne fait pas de doute que l’ancien président américain porte une lourde responsabilité en la matière, il est impossible de comprendre la situation électorale américaine sans regarder celles d’autres que lui.

Nicole Bacharan

Nicole Bacharan

Nicole Bacharan est historienne et politologue, spécialiste de la société américaine et des relations transatlantiques.
Elle a co-écrit avec Dominique Simonet  "11 septembre le jour du chaos" (Perrin, à paraître le 18 août 2011).

Son prochain livre est Le guide des élections américaines de 2012, co-écrit avec Dominique Simmonet,  à paraître aux éditions Perrin.

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Olivier Piton

Olivier Piton

Olivier Piton est avocat spécialisé en droit public français, européen et américain. Il a collaboré auprès de trois ambassadeurs de France aux Etats-Unis sur les questions liées aux affaires publiques et aux relations gouvernementales. Il a créé et dirigé la cellule de stratégie d’influence de l’ambassade de France à Washington DC de 2005 à 2010. Il est le président de la Commission des Lois à l’Assemblée des Français de l’Etranger. Il est l'auteur de La nouvelle révolution américaine : la présidentielle américaine à la lumière de l'histoire (Plon, mai 2016).

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Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Donald Trump a été reconnu coupable à son procès pénal à New York, une première pour un ex-président américain. En quoi cet épisode judiciaire pourrait-il susciter la colère d’une partie de l’électorat de Trump ? Est-ce susceptible de générer une nouvelle vague populiste ?

Nicole Bacharan : Les électeurs de Donald Trump, ceux qui sont décidés à voter pour lui, sont outrés par ce jugement. Donald Trump les a persuadé qu’il était un homme innocent, persécuté et victime d'un complot politique. Dans les heures qui ont suivi le verdict, le site de campagne de Donald Trump s’est bloqué plusieurs fois tellement les connexions étaient nombreuses et tellement les dons ont afflué rapidement. Il est certain que du côté de l'électorat fermement engagé pour Trump, ce verdict est extrêmement mal perçu.

Gérald Olivier : Le mécontentement d’une partie de l’électorat est lié à des raisons économiques, sociales et culturelles qui plongent plus profondément dans les racines de la société américaine que ce procès. Ce procès et son verdict illustrent plutôt la réaction des élites au pouvoir à cette vague populiste, dont le chantre est Donald Trump. Incapables de répondre sur le fond, ces élites répliquent par des tentatives répétées de délégitimer le candidat et le camp adverses, entre autres par une politisation et une instrumentalisation de la justice.

C’est la stratégie de campagne qu’a adoptée Joe Biden. Incapable de faire campagne sur son bilan, que ce soit en économie ou en politique étrangère, il se contente de diaboliser son adversaire, de qualifier ses partisans « d’extrémistes » et de « menaces contre la démocratie » et profite de la complicité des tribunaux qui font, en apparente légalité, le sale boulot d’empêtrer Trump dans des poursuites judiciaires sans fin, de l’empêcher de faire campagne et au besoin peut-être de le mettre carrément en prison.

Le procès qui vient d’avoir lieu a été une parodie de justice de bout en bout. Trump était accusé d’avoir falsifié ses comptes de campagne en 2016. Ce n’est pas un crime. Tout au plus un délit et il était prescrit depuis 2018. Pour le ressusciter le procureur de Manhattan, Alvin Bragg, lui a accolé un crime plus vaste de conspiration pour détourner l’élection présidentielle en cachant aux électeurs américains le fait que ces comptes avaient été falsifiés pour masquer un paiement à une actrice porno. Paiement qui en soit était parfaitement légal.

Pour se faire élire procureur, Alvin Bragg avait promis de « se faire Trump ». Il avait sa cible, et il a fabriqué le crime pour le faire tomber.

Le juge désigné pour le procès est un partisan démocrate qui a soutenu financièrement la campagne présidentielle de Joe Biden en 2020 et dont la fille travaille pour des élus démocrates. Il aurait dû se récuser et être remplacé. Les instructions qu’il a données aux jurés avant la délibération, étaient inconstitutionnelles, notamment sur le contournement de la règle de l’unanimité.

Donald Trump a été informé du « crime » à l’ouverture du procès, lors de la lecture du réquisitoire. Cette supposée « conspiration » n’avait jamais été évoquée jusqu’alors. Il a été « baillonné », c’est-à-dire interdit de parole durant le procès. Le jury était composé de résidents newyorkais qui avaient voté à 87% pour Biden en 2020. Ce sont trois violations de ses droits constitutionnels.

Bref l’issue de ce procès était anticipée car tout était fait non pas pour servir une quelconque justice mais pour faire condamner Donald Trump. L’instrumentalisation de la justice à un tel niveau du débat politique est absolument sans précédent dans l'histoire américaine

Ce qui est rassurant est que les électeurs américains ne semblent pas dupes de cette mise en scène. Au cours des 24 h qui ont suivi le verdict, un afflux considérable de donations a été enregistré pour la campagne de Donald Trump. Sa campagne et le parti républicain a récolté 35 millions de dollars en 24 heures. Des très gros donateurs se sont également engagés à soutenir la campagne de Donald Trump, alors qu’ils étaient encore hésitants il y a quelques semaines. Cela change la donne.

La raison en est que ce procès a été suivi de très près aux États-Unis. Les citoyens ont pu observer tout au long du procès que l'acte d'accusation était confus, que les témoins étaient peu crédibles, qu'énormément de faits mentionnés n'avaient rien à voir avec le chef d'accusation, que l’existence d’une « conspiration » n’a jamais été démontrée…  Les Américains ont assisté en direct pendant cinq semaines à un procès politique. Ils ne pensaient pas que ce type de procédure était possible aux Etats-Unis. Pour eux c’était l’apanage de régimes totalitaires, soviétique, staliniste, chinois… Ils découvrent que désormais, dans l’Amérique de Joe Biden, ces procédures existent et cela les révolte.

Comme l'a précisé Donald Trump, le véritable verdict viendra le 5 novembre.

N’y a-t-il pas un problème dans la construction juridique du procureur de New York dans le cadre du procès de Donald Trump ? Les délits dont il s'est rendu coupable dans l'affaire Stormy Daniels ne relèvent pas a priori d'un procès pénal. Est-ce que le procureur n'a pas considéré que la personnalité de Trump et le contexte de la campagne électorale amenaient à requalifier les délits ? N'y a-t-il pas un biais politique derrière ce procès ?

Olivier Piton : Le péché originel est la politisation de la justice américaine. Les juges et les procureurs fédéraux sont nommés par le pouvoir, par le ministre de la Justice, de l'administration en place. Dans un cas de figure comme celui de Donald Trump, un procès qui concerne l'ancien président des États-Unis, le biais politique pose question et alimente la machine à fantasmes. Le procès de Donald Trump comporte une vraie anomalie. Il n’est pas possible de juger sereinement des crimes supposés d'une personnalité politique par des juges et des procureurs qui ont un lien politique, surtout quand il est opposé à celui de la personne jugée. Un autre critère concerne le fait de savoir si ce procès relevait de l’échelon de l’Etat de New York ou de l’Etat fédéral. La défense va interjeter appel. Elle va nier le droit à l'Etat de New York d'avoir rendu justice, sachant que normalement, selon la défense, elle aurait dû être à l'échelon fédéral. 

Les critiques émises par la frange la plus conservatrice des électeurs de Donald Trump sur le fait qu'ils accusent le procureur de New York d'être démocrate et les soupçons de chasse aux sorcières derrière cette procédure n'abîment-ils pas l'image de la démocratie américaine ?

Nicole Bacharan : Cela soulève une question à double face. Image d’une démocratie en perdition, ou au contraire d’une démocratie qui fonctionne? Cette procédure contre Donald Trump est-elle la preuve que, la justice américaine s’applique à tous, que vous "soyez puissant ou misérable"? Ou est-ce que l'opinion politique du procureur, voire du juge, ont été déterminantes dans cette affaire ? Quand le procureur Alvin Bragg est arrivé à son poste, il avait annoncé qu'il souhaitait véritablement une justice égale pour tous. Il est persuadé qu'il fallait mener ces poursuites et ce procès contre Donald Trump. Le juge, lui, m'a semblé aussi impartial qu'il était possible de l'être dans ces circonstances. Il a joué son rôle avec fermeté mais sans exagérer. Quand Donald Trump attaquait les différentes parties prenantes du procès sur ses réseaux sociaux ou devant les caméras, le juge a indiqué qu’il avait prononcé quelques amendes mais que visiblement cela ne suffisait pas. Il a précisé que la prochaine étape était la prison. Mais il avait parfaitement conscience qu’il s’adressait à l'ancien président des États-Unis engagé dans la course à la présidentielle. Le juge a précisé que c’était une décision qu’il ne souhaitait pas avoir à prendre.

Olivier Piton : Le procureur a été élu à New York depuis deux ans. Il est estampillé démocrate et a clairement expliqué qu'il voulait « accrocher Donald Trump à son tableau de chasse ». Une justice sereine ne peut pas être rendue à partir du moment où des acteurs sont dans une voie de politisation extrême et surtout quand il s'agit de juger un homme politique. Jusqu'au bout de la procédure, cette problématique restera. Ceux qui douteront du bien-fondé du verdict se référeront à ce biais de départ, à ce péché originel qui est la politisation de la justice américaine qui forcément dénature tout.

Quelles pourraient être les conséquences de ce procès sur la frange radicale des électeurs de Donald Trump. Y aura-t-il un sursaut populiste au cours de cette campagne électorale face à la pression judiciaire exercée contre Donald Trump ?

Nicole Bacharan : Le sursaut populiste est déjà présent et va se manifester tout au long de l’année électorale. On n’en a pas fini avec le feuilleton judiciaire. Une peine va être prononcée dans la procédure actuelle et Donald Trump va faire appel. Cet appel peut prendre environ un an. La Cour suprême va aussi se prononcer sur la question de l'immunité du président à la fin du mois de juin. Cela ne sera qu'une étape. Donald Trump a expliqué que, pour tout ce qu'il a pu faire en tant que président, il bénéficiait d’une immunité totale. La Cour risque de ne pas partager cet avis. Il y a forcément des limites à l'immunité présidentielle pour des crimes ou d’autres faits extrêmement graves. Il sera en revanche difficile de dessiner les limites de cette immunité. La Cour peut estimer que l'immunité présidentielle n'est pas absolue et confier ensuite à une Cour inférieure la charge de  définir exactement les conditions de cette immunité, ouvrant ainsi, ou non, la possibilité d’un procès contre Donald Trump pour l’attaque du Capitole. Donald Trump fera appel de la décision sur l'immunité s’il était mis en difficulté. Les procès les plus graves (rétention de documents classifiés, trucage des élections en Géorgie, attaque du Capitole) n'auront jamais lieu avant l'élection. Si Donald Trump est élu, ils n’auront jamais lieu. Mais en tout cas, le sursaut populiste n'a pas attendu les décisions du procureur Bragg pour se manifester.

Le cas présent, la procédure concernant l'argent versé à la star du porno Stormy Daniels, est un cas juridiquement assez faible, il est bien possible qu’une Cour d’appel, composée de magistrats, revienne sur le verdict prononcé.

Mais il est frappant de voir qu’en toutes circonstances, Donald Trump piétine l'Etat de droit et particulièrement la justice. Son projet de gracier les émeutiers du Capitole est extrêmement choquant. Il a également promis de gracier un dealer de haut vol, qui est en prison pour 30 ans. Parmi nombre de personnages qui ont défilé au tribunal pour le soutenir par leur présence, beaucoup avaient eu maille à partir avec la justice, souvent pour des affaires financières. Donald Trump est en colère contre l'application de la justice quand cela heurte son esprit partisan.

Beaucoup de citoyens américains ont été choqués par l’attitude des Trumpistes lors de l’assaut du Capitole en 2021, y compris dans les rangs du parti républicain. Pourtant, ils soutiennent Donald Trump aujourd’hui. Comment l’expliquer ? Perçoivent-ils une forme de deux poids deux mesures et de sectarisme d’une partie de l’establishment démocrate ?

Nicole Bacharan : Joe Biden est un démocrate, au sens du respect de la Constitution, du respect des lois, du respect des institutions. Il n’est pas possible de suivre le raisonnement de Donald Trump qui affirme que le procureur serait à la botte de Joe Biden. Il y a un mur entre la Maison Blanche et les procédures judiciaires pour des raisons absolument évidentes, ne serait-ce que pour l’intérêt politique du président. L'attaque du Capitole ait été fomentée par Donald Trump, beaucoup des émeutiers sont en prison, certains pour de longues peines, et pourtant Trump peut se présenter aux élections. C’est là que la démocratie américaine dysfonctionne le plus. Car attaquer un Parlement est l’un des actes les plus graves que l’on puisse commettre dans une démocratie.

En revanche, à la gauche du parti démocrate, la mouvance woke est un autre extrémisme. Ce mouvement pèse lourdement dans la vie académique, les universités, les écoles,  l'édition, la presse, dans tous les milieux intellectuels. Au-delà de la nécessité légitime de lutter contre les discriminations, il  véhicule un radicalisme  post-marxiste, avec cette division simpliste du monde entre « oppresseurs » et « opprimés » en fonction de l’origine ethnique ou de l’orientation sexuelle. Cela participe à une forme d'extrémisme et nourrit la crainte de perdre des droits, notamment celui de s'exprimer librement.

Gérald Olivier : Les événements du 6 janvier 2021 ont servi de prétexte pour décrédibiliser et pour délégitimer Donald Trump et le mouvement MAGA (Make American Great Again). Cette manifestation a été magnifiée pour interdire à Trump de se présenter à nouveau et lui nuire auprès de l’électorat républicain modéré. Cela a fonctionné lors des élections intermédiaires de 2022. La vague rouge (républicaine) annoncée ne s’est pas matérialisée. Mais les Républicains ont néanmoins repris le contrôle de la Chambre des représentants. Ce changement de majorité leur a donné le contrôle des commissions du Congrès et leur a permis de revenir sur les événements du 6 janvier pour en tirer un récit plus complet et plus équilibré. Il est alors apparu que cet assaut n’était pas une « insurrection » mais simplement une manifestation qui avait dégénérée et qui avait été poussée à dégénérer par l’absence de forces de police et la présence d’informateurs du FBI agissant comme des provocateurs au sein des manifestants. Il y a eu une deuxième lecture des incidents mettant en avant le rôle de ce que Donald Trump appelle « l'État profond ». Il est apparu encore une fois que le pouvoir démocrate (en 2020 les Démocrates avaient la majorité à la Chambre) avait utilisé certaines agences gouvernementales contre les citoyens américains. C’est à partir de ce moment que la cote de Donald Trump est remontée.

En parallèle, les Américains ont souffert des conséquences désastreuses de la politique de l’administration Biden. L'inflation est réapparue, pour la première fois en quarante ans. Le prix de l'énergie, en particulier l’essence à la pompe, a crevé le plafond. Les revenus sont en recul par rapport au rythme de l'inflation. La frontière sud est devenue une passoire et des millions d’immigrants clandestins sont entrés sur le territoire sans que le gouvernement ne fasse le moindre effort pour les décourager de venir, au contraire. Les Etats-Unis ont connu un départ d’Afghanistan chaotique, ils n’ont pas pu empêcher l’invasion de l’Ukraine par la Russie et leur principal allié au Proche Orient, Israël a été victime d’une attaque atroce le 7 octobre 2023. Les Américains ont de multiples raisons de n’être pas satisfaits de la présidence Biden. Et l’affaiblissement incontestable des facultés cognitives de Joe Biden en rajoute encore.

Les procès de Donald Trump ne sont pas le sujet central de la campagne. Les électeurs sont plus préoccupés pour leur propre avenir et l'avenir du pays.

Elon Musk n'a-t-il pas résumé le sentiment d'une partie des citoyens ? Il a confié qu'un certain nombre d'Américains se sentent menacés dans leurs droits par le comportement des progressistes aux États-Unis. En quoi les démocrates participent aussi à la fragilisation de la démocratie américaine ?

Gérald Olivier : Cet enjeu constitue le combat personnel d'Elon Musk. C'est la raison pour laquelle il a racheté Twitter. A cause des événements de la campagne de 2020, il s'est rendu compte que la liberté d’expression et la liberté d’information avaient été bafouées par des entreprises privées sur les injonctions des autorités de Washington. Les relations malsaines, incestueuses et inacceptables en démocratie entre Twitter, Facebook, le FBI, la CIA, et d’autres ont été mises à jour dans ce qui a été appelé les « Twitter Files » révélant que les autorités censées défendre et protéger les institutions étaient celles qui les détournaient dans le but de prolonger la mainmise du parti démocrate sur le pouvoir.

C’est toute l’ironie de ce à quoi on assiste aux Etats-Unis depuis quelques années. Ceux-là même qui dénoncent Trump et ses supporters comme une menace contre la Démocratie, sont ceux qui détournent la démocratie et sapent ses principes les plus élémentaires. Musk a racheté Twitter pour rétablir un équilibre dans la liberté d'expression.  Ne plus être l’otage de la pensée unique qui ne reconnait comme parole politique que la parole progressiste.

Cette pénétration de l’idéologie progressiste aux Etats-Unis ne se limite pas aux réseaux sociaux, elle touche les médias, bien sûr, l’éducation et la justice. Comme on vient de le voir avec le procès de New York. Ce procès n’aurait jamais pu avoir lieu au Texas ou dans l’Alabama. L'État de New York est le plus progressiste qui soit, avec des juges très marqués politiquement à gauche et qui conçoivent leur fonction comme une forme d’activisme.

Lorsque l’on observe de plus près le déroulé des deux procès de New York contre Donald Trump, celui qui vient de se dérouler, et le précédent mené à l’automne contre son entreprise, on constate que certains de ses droits fondamentaux ont été bafoués. Sujet qui sera surement soulevé en appel.

Il existe aux Etats-Unis une annexe à la Constitution appelée la Charte des Droits. Elle rassemble les dix premiers amendements qui définissent et protègent les libertés individuelles. Les droits de Donald Trump en vertu des amendements quatre (protection contre des fouilles illégales) six (droit à un procès équitable), sept (droits de se défendre) et huit (protection contre les amendes, cautions et punitions excessives) ont vraisemblablement été violés.

Et il n’est pas nécessaire d’être juriste pour s’interroger. Les Américains connaissent cette charte et leurs droits. Ils se rendent compte que quelque chose ne va pas. Que leur justice n’est plus neutre. Qu’elle est aux ordres. Il est probable, et souhaitable, que ces abus de justice finissent se retourner contre les démocrates. Le verdict sera rendu par les citoyens le 5 novembre.

Est-ce que ce contexte judiciaire, en pleine campagne politique, ne jette-t-il pas le trouble sur la justice et la vie politique américaine ? Quelles pourraient être les conséquences de cette judiciarisation extrême de la campagne ?

Olivier Piton : Le verdict a été rendu par des jurés qui sont des citoyens ordinaires qui eux, en revanche, ne sont pas politisés et ne sont pas encartés. Ils ont jugé les faits en leur âme et conscience. Même si la justice est politisée, même si le procureur est politisé, les jurés, eux, ne peuvent pas être blâmés pour cela. La date de ce procès tient surtout compte du fait que Donald Trump a usé de l'ensemble des garanties offertes à la défense pour obtenir un certain nombre de reports. Il n'a pas pu aller au-delà de l'élection du mois de novembre. La situation est donc paradoxale car la justice peut sembler politisée mais en même temps l'Etat de droit a été clairement assumé et les droits de la défense ont été respectés.

Ce procès tombe pile avant l'élection présidentielle du 5 novembre et va forcément avoir un impact. Cela produit un mélange détonnant de politisation et de respect des droits de la défense. Paradoxalement, Donald Trump a de la chance. Ce procès était le plus compliqué pour l'accusation. Le procès était technique. Il ne s'agissait pas d'une histoire concernant directement sa relation intime avec Stormy Daniels mais d'un problème obscur de fraudes, de factures comptables. Cela était extrêmement ardu et pourtant Donald Trump se fait condamner à l'unanimité des jurés en l'espace de 12 heures. Donald Trump va interjeter appel. Officiellement, Donald Trump sera toujours présumé innocent même s’il restera la tache indélébile d'une condamnation en première instance.

Donald Trump peut continuer à faire campagne, de se présenter et d'être élu président des Etats-Unis en novembre.

La première condamnation pour crime d'un ancien président américain ne concernant pas les guerres en Irak ou en Afghanistan, ou les coups d'état illégaux de la CIA, ou les problèmes liés à l'espionnage des Américains, est-ce que le fait que Donald Trump soit condamné pour cet accord de non-divulgation ne cache-t-il pas une faille du système judiciaire américain ?

Olivier Piton : De nombreux observateurs ont fait le parallèle entre le cas de Donald Trump et la condamnation d'Al Capone qui a été condamné pour fraude fiscale et non pas pour les crimes qu'il avait commis.

La justice américaine va trouver, dans des détails et des considérations secondaires, les moyens de pouvoir faire condamner quelqu'un. 

Concernant l'Irak ou l'Afghanistan, il y a assez peu de chance qu'un ancien président américain puisse être condamné pour une action menée dans le cadre de la politique étrangère des Etats-Unis.

Quel pourrait être l'impact de ce procès et de cette action en justice sur une opinion publique déjà chauffée à blanc, notamment dans le camp des républicains et surtout des trumpistes ?

Olivier Piton : Il y a une catégorie de la population américaine qu’il va falloir scruter énormément au microscope pour le vote final de novembre. Il s’agit des « double haters », ces électeurs qui haïssent ou qui détestent autant Joe Biden que Donald Trump et qui ne se reconnaissent dans aucun des deux candidats. Il est très difficile de savoir quel sera le choix de cette catégorie de population qui est peu motivée pour aller voter.

Il est possible que la condamnation en première instance de Donald Trump pousse une partie de cette catégorie de citoyens à ne pas se déplacer à cause de ce verdict. 

Le camp le moins mobilisé et le plus divisé au bout du compte finit par perdre en politique.

D’ici deux ou trois semaines, l'opinion publique aura digéré la décision des jurés.

Il sera intéressant de voir quelle est l'évolution de l'opinion publique américaine et des intentions de vote. Pour l'heure, Donald Trump est en tête dans cinq des six Etats décisifs à l'échelon national. Il dispose de 0,5 à 1 point d'avance sur Joe Biden. Ces chiffres sont assez constants depuis près d’un an.

Il est possible que d'autres événements, comme la guerre à Gaza, en Ukraine, Taïwan ou une crise majeure au cœur des États-Unis, fassent passer rapidement au second plan le procès. L'impact serait forcément moins important si ce procès était moins cité dans les médias. 

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