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Arnaud Montebourg a présenté sa feuille de route du "redressement économique de la France".
Arnaud Montebourg a présenté sa feuille de route du "redressement économique de la France".
©Reuters

Petits conseils entre amis

Si Arnaud Montebourg n'a pas forcément brillé par les quelques mesures exposées à l'occasion de son grand discours de politique générale de ce jeudi 10 juillet, il n'a pas manqué de lucidité dans son diagnostic de la crise que traverse la France.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le jeudi 10 juillet, Arnaud Montebourg, Ministre de l’économie, présentait sa feuille de route du "redressement économique de la France". Si quelques mesures ont pu être présentées, l’intérêt de l’intervention réside bien plus dans le diagnostic opéré par le Ministre. Et ce diagnostic est accablant :

"La politique de réduction des comptes publics partout en Europe et en France nous prive donc de croissance parce qu'elle pèse sur elle. C'est le paradoxe de cette idée moralement juste mais économiquement fausse. Il est moralement juste que celui qui fait des dettes les rembourse. Mais c'est économiquement stupide de le faire si précisément le fait de le faire vous empêche d'y parvenir et vous conduit à l'exact contraire. Car la politique de réduction des déficits, malgré tous les efforts qu'il faut assumer, malgré tous les obstacles qu'il faut vaincre, ne permet pas la réduction des déficits, car en privant l'économie de croissance, elle empêche précisément le rétablissement des comptes publics. L'Union européenne confond donc morale et économie. De manière générale, je crois que nul ne devrait laisser l'économie à des comptables moralistes, surtout lorsqu'ils ont des idées rigides."

Pour en finir avec cette vision moraliste de la politique économique européenne, Arnaud Montebourg propose:

"Dans un contexte où l’inflation est historiquement faible (0,5 % juin), il est donc inévitable que la BCE aille encore plus loin dans les politiques monétaires non conventionnelles en procédant enfin à l'achat de titres de dette publique si l’euro ne baisse toujours pas et si la croissance ne repart pas dans la zone Euro. C'est ce que font de façon décomplexée toutes les banques centrales du monde, comme par exemple la banque d'Angleterre (+2 % de croissance), la banque du Japon (+2 % de croissance) et la Réserve Fédérale des Etats Unis (+3 % de croissance)".

Il est difficile de donner tort à Arnaud Montebourg. L’analyse est lucide, et l’exemple donné de trois pays considérés comme les plus libéraux de la planète est à souligner. Car si les Etats-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni ont tous trois retrouvé le chemin de la croissance et de l’emploi, c’est bien grâce à l’intervention de leurs banques centrales respectives. Le peu de cohérence d’un discours prétendument libéral en Europe, forgé sur l’idée de cette vision moralisatrice de l’économie, n’a en effet que peu en commun avec un libéralisme moderne, prenant en compte la réalité du pouvoir monétaire sur l’économie.

Le problème d’Arnaud Montebourg est ailleurs. Alors que François Hollande se voyait en pourfendeur de l’Europe de l’austérité, son chemin a été jalonné de ses propres échecs. De la signature du pacte de stabilité en échange d’un plat de lentilles en 2012, jusqu’à son absence totale de résultats au dernier conseil européen du 26 juin, rien. Aucune action de l’exécutif français n’aura permis le début d’une inflexion de la politique européenne.

Le Ministre de l’économie se retrouve dans la position délicate de celui qui ne peut assumer les conséquences du constat qu’il dresse. Car si la vision économique européenne est "stupide", si la BCE n’intervient pas, c’est bien que le processus européen mérite d’être profondément remanié.

Et le premier acte ne consiste pas à tenter d’influencer une banque centrale indépendante, comme le Ministre semble vouloir le faire. Car cette indépendance permet à la BCE de rejeter toute forme de menace extérieure. L’acte fondateur d’une nouvelle doctrine européenne ne pourra consister qu’à mettre sur la table une volonté de remanier les statuts de la BCE.

L’acte second consiste à ne plus parler de politique de change, formule éculée des années 70, et du niveau de l’euro, mais de parler de politique monétaire. Car si l’euro est fort c’est en raison d’une politique monétaire restrictive. Rien ne sert d’attaquer la conséquence si l’on n’attaque pas la cause.

Puis, pour installer un tel débat au cœur de la discussion européenne, il sera nécessaire de prendre exemple sur la très vivante recherche économique américaine. Depuis 2009, la question de la responsabilité des banques centrales à travers la crise y est posée. Et depuis 2012, la responsabilité des banques centrales est actée, notamment à travers le discours de Michael Woodford, économiste monétaire le plus écouté du pays, et dévoilé au mois de septembre 2012.

Depuis cette date, la vision monétaire a changé et les doctrines de lutte exclusive contre l’inflation sont devenues obsolètes. Depuis cette date, et sur cette base, les Etats-Unis, le Japon, et le Royaume-Uni se sont adaptés, avec succès. L’Europe est restée sourde. Et ce que dit Michael Woodford est simple. La crise que le monde connaît depuis 2008 est de nature monétaire. Non pas budgétaire, non pas financière, mais bien monétaire.

Il ne s’agit donc pas de venir les mains vides pour tenter d’obtenir un assouplissement des conditions actuelles au niveau européen. Il ne s’agit que de s’appuyer sur les résultats de la recherche des économistes les plus  influents au niveau mondial. Ces mêmes économistes qui ont pu faire plier la vision du FMI, la vision de L’OCDE, et la vision des trois "autres" grandes banques centrales. Il suffit de déballer l’évidente et cruelle réalité : La doctrine de la BCE est la cause du marasme européen, et seule une révision de ses statuts peut permettre de sortir de cette crise.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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