Quel bilan pour Laurence Parisot à la tête du Medef ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurence Parisot a su imposer un style à part depuis son arrivée en 2002 à la tête du Medef.
Laurence Parisot a su imposer un style à part depuis son arrivée en 2002 à la tête du Medef.
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Que reste-t-il ?

La patronne des patrons, qu'elle soit réélue ou non à la tête de la première organisation patronale du pays, aura su imposer un style à part depuis son arrivée en 2002.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Atlantico : Laurence Parisot a passé deux mandats à la tête du Medef. Quel bilan peut-on tirer de son action ?

Jean-Marc Sylvestre : Elle s’est retrouvée malgré elle dans une situation compliquée car elle est arrivée à la tête du Medef avant le déclenchement de la crise. Elle a donc la pris la crise en cours de mandat sans avoir bien préparé, ni prévu les choses, comme tout le monde d’ailleurs. Elle était partie avec trois ambitions. La première était de ramener le calme au Medef en tant qu’institution qui était alors bouleversée par des affaires internes, comme l’affaire de l’IUMM et les affaires de financements occultes d’un certain nombre d’organisations syndicales. Je ne suis pas sûr qu’elle ait complètement assainie la situation.

Elle avait également pour objectif de revaloriser la position des entreprises de service dans la représentation patronale, compte-tenu du poids que ces derniers avaient pris. Elle était un peu sponsorisée par les secteurs de l’assurance et bancaire. Cet objectif a du mal à se réaliser à cause de la crise ayant mis en cause le secteur financier. La crise a également mis en lumière la nécessité de renforcer le secteur de l’industrie dont elle ne s’est pas beaucoup occupée.

Le troisième objectif était de réformer le dialogue social car le Medef sortait d’une époque quelque peu conflictuelle avec Ernest-Antoine Seillière. Elle a essayé d’introduire la logique de la négociation et du compromis. Il se trouve que politiquement elle n’a pas très bien réussi car les situations se sont crispées, compte-tenu de la situation politique.

A-t-elle réussi à assainir le fonctionnement interne du Medef ? Je pense que nous aurons bientôt davantage d’éclairages sur cette question, mais à mon avis, elle a à peine la moyenne. La valorisation du secteur du service n’était plus à l’ordre du jour en raison de la crise. Sur la question de la négociation contractuelle, elle aurait bien voulu le faire mais la situation politique l’en a empêchée. Son bilan est donc mitigé.

Qu’est-ce que le patronat attendait de Laurence Parisot ?

Je pense que le patronat attendait d’elle des positions politiques beaucoup plus fermes pour défendre le parti de l’entreprise au moment de la crise, y compris face à Nicolas Sarkozy. Ce dernier a essayé de s’appuyer sur les entreprises pour pouvoir amortir le choc social. Il aurait peut-être fallu qu’il rencontre une opposition plus forte de la part du patronat pour pouvoir s’affirmer politiquement. Laurence Parisot a voulu rendre service à Nicolas Sarkozy pendant la crise et au moment de sa réélection en ayant des positions qui ne soient pas des positions trop radicales, libérales mais très rassemblées. On lui a beaucoup reproché cela. Le parti de Nicolas Sarkozy aurait bénéficié d’un patronat beaucoup plus dur de façon à avoir une opposition plus forte vis-à-vis des syndicats.

Elle s’est retrouvée enfermée entre l’Association française des grandes entreprises privées (Afep) qui avait des positions très claires et très tranchées pour défendre le parti des entrepreneurs et des créateurs d’entreprises, la CGPME qui a été très active sur le terrain, rassemblant beaucoup de PME. Elle a également été coincée par une troisième force que sont les créateurs d’entreprises, les gens de CroissancePlus et les fondateurs de start-ups qui ne se sont pas reconnus dans le Medef. La révolte des Pigeons en est un bon exemple. Laurence Parisot n’a pas compris ce qui se passait et a pris le mouvement un peu en retard.

Elle était donc coincée entre les très grandes entreprises, les PME et les start-ups.


Quelles sont les principales réformes entreprises ?

Je ne dis pas que son bilan est négatif, elle a quand même obtenu un certain nombre d’avancées. Elle a obtenu des aménagements aux 35 heures. Je pense que le parti de l’entreprise aurait souhaité qu’elle demande la suppression totale des 35 heures plutôt qu’un aménagement qui ne satisfait personne.

Elle a également obtenu un aménagement sur la réforme des retraites mais là aussi, elle s’est arrêtée à mi-parcours. On aurait pu attendre du Medef une position beaucoup plus radicale, on ne serait aujourd’hui pas obligé de recommencer.

Elle a commencé un travail de pédagogie sur la flexibilité à l’intérieur de l’entreprise. Là, elle a obtenu de premiers résultats avec la complicité de la CFDT. Néanmoins, pour obtenir un accord à minima sur la flexibilité, elle a du faire de nombreuses concessions.

Sur les réformes fondamentales que sont la durée du travail, la flexibilité, les retraites et la fiscalité, il va lui falloir tenir des propos de fermeté. D’autant plus que l’opposition politique est faiblarde et mal organisée. Dans ce cas, c’est au parti de l’entreprise, au parti de la réalité de prendre le relais. C’est ce qu’avait fait Ernest-Antoine Seillière et il n'avait pas mal réussi.

Comment a évolué l’image du patronat sous son mandat ?

L’image du patronat sous le mandat de Laurence Parisot ne s’est pas améliorée mais ce n’est pas de sa faute. L’image du patronat s’est détériorée, à cause de la crise d’une part, et à cause du comportement personnel d’un certain nombre de patrons qui se sont comportés comme des voyous. Laurence Parisot a réagi à cela en créant un Comité d’éthique. Elle a réagi trop mollement, elle n’est pas pris le parti de l’entreprise et les entrepreneurs lui en ont voulu. 

Il s’agit d’une responsabilité collective. L’ensemble des mouvements patronaux n’a pas réussi à conjurer les peurs de l’opinion publique face à la modernité. Elle n’a sans doute pas réussi, comme d’autres, à expliquer les bienfaits de la mondialisation, les avantages d’un système de concurrence. Elle est restée dans des logiques de compromis avec l’Etat, alors qu’il aurait fallu être dans des logiques de rupture avec ce dernier. Laurence Parisot aurait également dû faire de la pédagogie sur la nécessité de l’innovation et du progrès technique. Les mouvements patronaux sont absents des débats sur les gaz de schiste alors même que c’est un facteur de compétitivité aujourd’hui.

Dans ce contexte, quelle légitimité à vouloir modifier les statuts du Medef dans le but de briguer un autre mandat ?

Laurence Parisot explique que son ambition est de rester à la tête du Medef à cause de la crise financière qui nécessite une réflexion particulière.  La situation est aujourd’hui compliquée pour elle car elle s’était trop rangée derrière Nicolas Sarkozy et elle a donc une étiquette qui va lui coller à la peau. Si demain elle se met à défendre le parti de l’entreprise, c’est-à-dire le parti de la compétitivité, de la création d’entreprise, de la mondialisation, de la concurrence, de la modernité, alors elle pourra gagner. Mais si elle défend en permanence la négociation et le compromis, elle ne pourra pas gagner.

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