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Une vue du ministère de l'Economie et des Finances.
Une vue du ministère de l'Economie et des Finances.
©LOIC VENANCE / AFP

Rôle de l'Etat

L'impact de la pandémie de Covid-19 et les difficultés économiques suscitent beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations pour l'avenir. Pour faire face aujourd'hui à l’ampleur des risques à réassurer, disposer de puissants acteurs paraît être primordial.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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L’impact de la pandémie a surpris le monde entier par son ampleur et sa virulence. En France, l’épidémie liée à la diffusion du Covid 19 a conduit le gouvernement à prendre des décisions fortes et rapides au service de la protection de la vie humaine. Ces mesures ont aussi contribué à la résilience de l’assurance de personnes et de sa réassurance.

Mais bien avant que cet événement ne secoue l’univers assurantiel, des vents contraires commençaient déjà à se faire sentir dans ce secteur, dont l’importance économique et sociale est certaine. Alors que les risques extrêmes (inondations, séismes, accidents industriels, terrorisme, pandémies…) surviennent de plus en plus fréquemment, les préoccupations sont encore nombreuses : développement incertain des réserves « catastrophes naturelles », accroissement du coût des sinistres, évolution défavorable du cadre législatif, judiciaire et social…

Même si ce contexte apparemment catastrophique voire funeste a insufflé aux entreprises de réassurance une énergie nouvelle et fait naître une volonté de réussite salutaire et efficace qui a su contrebalancer les effets désastreux de cette pandémie, celles-ci vont devoir dorénavant évoluer dans un environnement inhabituel. Une inconnue domine cette renaissance : quels impacts auront la tempête sanitaire et les difficultés économiques sur les réassureurs ?

La réassurance s’est développée autour de quelques grands groupes. Portée par la vague libérale des années 1980, elle a fonctionné, au cours des dernières décennies, dans un cadre idéal, sans véritable concurrence, ni mise en cause de ses pratiques et avec la légitimité d’une activité qui existe depuis 400 ans et dont les pratiques sont éprouvées. Mais, aujourd’hui, pour faire face à l’ampleur des risques à réassurer, disposer de puissants acteurs paraît être, aujourd’hui, le nouveau paradigme, une réalité têtue, accentuée par la crise sanitaire.

Vers une tendance de fond incontournable ?

Cependant, face aux risques de perdre le contrôle des données, de manquer de surface financière et de rapidité pour couvrir les catastrophes, de voir une partie des primes et de la sécurité exportée, l’économie française se doit de disposer d’un secteur de réassurance solvable, animé par des acteurs pérennes qui animent le marché notamment en lui proposant des innovations technologiques.

Une solution consisterait en une concentration des métiers de l’assurance et ceux de la réassurance. Elle serait essentielle pour au moins deux raisons selon la note stratégique de l’Institut Choiseul, « Transitions démographiques - Transitions économique » : un « enjeu de souveraineté » car ce secteur doit être en mesure de remplir pleinement sa mission de soutien de l’activité économique lorsque celle-ci est ébranlée et, une « évidence industrielle » car l’intensité des capitaux engagés et la présence du secteur tout le long de la chaîne de valeur du risque doivent être accrues afin de diversifier les aléas stratégiques.

Cette préconisation confirme la tendance structurelle du secteur. Rapprochements (AIG - Validus, Sompo - Endurance) et positionnement de deux géants européens de la réassurance (Munich Re et Hannover Re) ont illustré, ces dernières années, ce mouvement, initié, en France, avec le projet Scor - Covea. Dans les prochains mois, les fusions devraient s’accélérer en raison des conséquences de la crise sanitaire et, dans les années à venir, pour notamment renforcer les fonds propres et lisser les risques sur un long horizon temporel. Nul doute que les chroniques économiques et financières n’ont pas terminé de couvrir le sujet.

Et si l’avenir de la réassurance était l’Etat ?

Cette question sonne comme une provocation. Pourtant, beaucoup de poncifs acquis comme vérités immanentes hier, sont désormais relativement obsolètes. L’heure est à l’engagement massif de l’État dans tous les domaines de la vie économique. La volonté, réaffirmée en maintes occasions, d’une « relance verte » et la nécessité d’investir massivement dans le secteur de la Santé et de la prévention, militent fortement en faveur du secteur.

Or, dans les risques de la personne, une protection sociale pléthorique a laissé, au fil du temps, un grand nombre de risques non couverts (prise en charge d’un enfant handicapé, rente éducation pour le décès d’un parent…). L’incompréhension du public est d’autant plus manifeste que les populations demandent une assurance / protection des parcours de vie.

Les besoins sont, avant tout, ceux d’une créativité dans les montages publics / privés, d’un accent porté sur la prévention et la mise à disposition de services numériques de coordination et de suivi des victimes. Ces nouveaux dispositifs peuvent être à l’origine d’une révolution du marché de la réassurance, une disruption organisée.

Les exigences sont celles d’une meilleure articulation entre l’Etat, « réassureur en dernier ressort » et le marché de la réassurance. En d’autres termes, comment augmenter les cotisations sociales alors que les besoins de couverture sont de plus en plus importants ? Comment utiliser les capacités de financement et d’ingénierie du secteur pour employer différemment les dépenses publiques de couverture des risques de la personne ?

L’Etat pourrait émettre des garanties de « co-réassurance » pour réduire le coût des primes dans les risques de la personne, par exemple afin de faciliter la diffusion d’une assurance dépendance ou pour d’autres risques. Cette stratégie est celle qui est déployée, partout dans le monde, avec des pools de réassurance qui couvrent des risques exceptionnels où la responsabilité de l’Etat est engagée (terrorisme), des risques d’antisélection élevés (catastrophes naturelles) ou parce que le montant des sinistres potentiels est inaccessible aux opérateurs privés seuls (nucléaire).

Le développement d’une expertise en ce domaine permettrait au marché français d’avoir une avance considérable et donc une capacité à développer des schémas de ce type, notamment en Europe.

Michel RUIMY, Economiste, Directeur du Think Tank SPAK

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