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Seize personnes suspectées d'avoir fait partie des agresseurs lors de l'attaque du RER D ont été placées en garde en vue.
Seize personnes suspectées d'avoir fait partie des agresseurs lors de l'attaque du RER D ont été placées en garde en vue.
©Reuters

Sanction

Seize personnes suspectées d'avoir fait partie des agresseurs lors de l'attaque du RER D ont été placées en garde en vue. Beaucoup sont des mineurs. Risquent-elles réellement une lourde sanction ?

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : Seize personnes suspectées d'être impliquées dans l'attaque du RER D ont été mises en garde à vue hier. Quels sont les risques encourus par ces personnes sur le plan judiciaire ?

Alexandre Giuglaris : Une vingtaine d’individus a agressé et dévalisé les passagers d’une rame du RER à Grigny, le 16 mars dernier. Grâce au travail de la police et l’aide de la vidéosurveillance, les suspects ont été arrêtés. Le Procureur de la République d’Évry a indiqué qu’ils étaient également soupçonnés d’avoir participé à deux autres attaques du même type, les 13 et 15 mars derniers.

Il a également déclaré que les chefs d’accusation retenus sont le vol avec violence en réunion dans les transports collectifs, qui peut être condamné en théorie jusqu’à 10 ans de prison et la participation à un groupement en vue de commettre une infraction. La responsabilité de chacun sera déterminée, mais ce qui est certain, c’est que les peines seront moins importantes car ce sont principalement des mineurs qui sont mis en cause. Les plus jeunes sont ainsi âgés de 13 ans.

Si cette affaire choque, légitimement, c’est parce que comme l’a bien résumé un policier, on a l’impression de vivre une "attaque de diligence des temps modernes". Après le TGV bloqué à Marseille le mois dernier, on voit revenir des termes qui évoquent le Far West pour parler de la France ! Ce n’est pas acceptable. La réponse pénale et les sanctions doivent être à la hauteur.

Et il ne faut pas oublier, comme dans l’affaire des familles de dealers expulsés à Boulogne-Billancourt, que les principales victimes de ces délinquants sont des personnes elles-mêmes issues de quartiers difficiles. Doit-on accepter avec fatalisme qu’elles aient moins le droit à la sécurité que les autres ?     

La prononciation des éventuelles sentences (prison, TIG...) diffère de la peine effective. Dans les faits, quelle sera l'ampleur de la punition ? 

Tout dépend de la peine qui sera prononcée bien sûr. Mais aujourd’hui, on sait que dans notre pays il y a un énorme problème d’inexécution des peines, notamment parce que l’on manque de places de prison. Le 1er janvier 2012, 87 000 peines de prison étaient inexécutées.

Il y a également une situation inacceptable avec l’exécution très partielle des peines prononcées. On a mis en place des crédits de réduction de peines automatique et supplémentaire qui peuvent réduire chaque année de détention de moitié. Ainsi, avec une demande de libération conditionnelle, un individu condamné à 18 mois prison peut ne rester en détention que 5 mois du fait des dispositifs existants. C’est pourtant contraire au principe d’individualisation dont on entend beaucoup parler.

Enfin, les courtes peines de prison sont, par principe, aménagées et le gouvernement envisage de les supprimer au profit d’une peine de probation. C’est une erreur car cela renforcerait la criminalité et l’impunité et cela gâcherait une idée qui pouvait être intéressante. 

La médiatisation de cette affaire peut-elle avoir un impact sur la sévérité des peines ?

Les effets de la médiatisation d’une affaire sont difficiles à évaluer. Ce qui est certain, c’est que lorsqu’une affaire est médiatisée et que les peines prononcées heurtent l’opinion publique, de nombreux débats surgissent.

Prenons un exemple marquant. Le procès des viols collectifs de Fontenay-sous-Bois avait été très médiatisé. Pourtant, les peines prononcées en première instance avaient été quasi unanimement considérées comme faibles. La porte-parole du gouvernement avait d’ailleurs exprimé son "émotion". Nous verrons donc ce que sera le verdict en appel. Mais si dans ce cas précis, la médiatisation et notamment les déclarations de Mme Taubira, ont peut-être encouragé le parquet à faire appel, il est de très nombreux cas semblables en France, où les victimes se retrouvent abandonnées sans possibilité de faire appel. Nous souhaitons faire changer cela en demandant un droit d’appel pour les victimes.   

En France,  les condamnations de moins de deux ans seraient, selon certains commentateurs, aménagées la plupart du temps, ce qui ferait que la mise en détention serait loin d'être automatique malgré la condamnation. Cette théorie est-elle vérifiée par les faits ?

Tout à fait. La loi pénitentiaire de 2009 a encouragé cela. Elle prévoit qu’une peine de prison en matière correctionnelle doit être prise en dernier recours si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Mais en plus de cela, il y a des juges d’application des peines qui peuvent, après le prononcé d’une peine de prison ferme, être chargés "d’aménager la peine en milieu ouvert". En clair, placer un condamné à deux ans de prison sous bracelet électronique par exemple. Il n’est pas choquant que des individus soient placés sous surveillance électronique. Mais que cela soit systématisé et que ces aménagements de peine ne soient pas publics est choquant d’un point de vue démocratique et de transparence. Devant les citoyens et publiquement, on condamne à de la prison ferme et derrière, en catimini, on aménage les peines sans que les citoyens soient prévenus. C’est ce décalage qui crée un véritable malaise aujourd’hui et explique la défiance des citoyens dans la justice.  

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