Que faire pour restaurer une plus juste séparation des pouvoirs tout en réformant la justice ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Eric Schoettl publie « La Démocratie au péril des prétoires. De l'État de droit au gouvernement des juges » aux éditions Gallimard.
Jean-Eric Schoettl publie « La Démocratie au péril des prétoires. De l'État de droit au gouvernement des juges » aux éditions Gallimard.
©Ludovic MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Eric Schoettl publie « La Démocratie au péril des prétoires. De l'État de droit au gouvernement des juges » aux éditions Gallimard. Une fissure s'est ouverte, depuis une cinquantaine d'années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier anémie la seconde. Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique ? Que faire pour restaurer une juste séparation des pouvoirs ? Extrait 2/2. 

Jean-Eric Schoettl

Jean-Eric Schoettl

Jean-Éric Schoettl est ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel entre 1997 et 2007. Il a publié La Démocratie au péril des prétoires aux éditions Gallimard, en 2022.

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En matière de justice, le « rêve régalien » ici caressé consisterait particulièrement à ouvrir la magistrature aux expériences extérieures en recrutant, hors École nationale de la magistrature, des personnes expérimentées dans une proportion sensiblement supérieure à l’actuelle, et à favoriser la mobilité des magistrats dans la fonction publique de l’État et dans la société civile ; à permettre à un Conseil supérieur de la magistrature rénové et moins corporatiste dans sa composition, saisi par les chefs de juridiction ou par les justiciables au travers de filtres appropriés, de connaître des abus dans la manière de juger et notamment des atteintes manifestes au devoir d’impartialité, abus qui bénéficient aujourd’hui d’une immunité choquante au regard de l’article 15 de la Déclaration de 1789 (qui veut que la société ait « le droit de demander compte à tout agent public de son administration ») ; à rendre au garde des Sceaux, pourvu qu’elles soient écrites et versées au dossier du contradictoire, la possibilité de donner des instructions écrites au parquet dans les affaires individuelles. La frontière tracée depuis 2013 entre politique pénale générale (pour laquelle le ministre de la Justice peut adresser des instructions aux procureurs de la République par voie de circulaire) et affaires individuelles (dans lesquelles il ne peut plus intervenir) est, en effet, trop ténue pour ne pas être artificielle.

Le rôle du parquet est non de juger, mais de poursuivre, de requérir et d’administrer. Il défend l’intérêt de la collectivité et doit dès lors rester dans une ligne hiérarchique ministérielle. Son indépendance priverait l’exécutif de la capacité de conduire une politique pénale. À terme, ce n’est pas l’indépendance du parquet qu’il faut envisager, mais la séparation du parquet et du siège. Un parquet pourvu de garanties statutaires, certes, mais clairement placé sous l’autorité hiérarchique du garde des Sceaux et recevant ses instructions tant pour la conduite de la politique pénale générale que dans les affaires particulières.

L’inconvénient de cette séparation est le risque accru d’enfermer les juges du siège dans une tour d’ivoire, faute de se confronter aux réalités du parquet en cours de carrière. D’où l’importance d’aérer le siège en ouvrant son recrutement et en encourageant la mobilité. D’où la nécessité aussi de sanctionner les abus manifestes dans la manière de juger.

D’ici là, rien ne doit être fait qui rapproche trop le statut du parquet de celui des magistrats du siège au sein de la magistrature. C’est, au contraire, dans une plus grande participation des officiers de police judiciaire à l’action publique qu’il faut chercher une riposte aux formes contemporaines de délinquance.

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Extrait du livre de Jean-Eric Schoettl, « La Démocratie au péril des prétoires. De l'État de droit au gouvernement des juges », publié aux éditions Gallimard

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