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Quantiques, biologiques, réalité augmentée : ce que les ordinateurs feront du monde de demain
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Rattraper le futur

Ça y est l'évolution de la technologie informatique humaine a dépassé ce que les limites physiques des matériaux traditionnellement utilisés dans le secteur peuvent supporter. Mais qu'elle soit quantique ou biologique, la prochaine génération d'ordinateurs transformera profondément nos vies.

Mathieu Despont

Mathieu Despont

Mathieu Despont habite à Boudry en Suisse. Il est ingénieur HES en télécommunication et développeur chez ecodev.  Il tient un blog:

http://martouf.ch/document/32-mathieu-despont.html

Voir la bio »

Atlantico : L’évolution de la technologie informatique est aujourd’hui limitée par les capacités physiques du silicium, avec lequel on construit les circuits des ordinateurs, dont les limites physiques ne permettent pas de nouvelles améliorations fondamentales. C’est pour cela que des scientifiques étudient la possibilité d’utiliser d’autres matériaux pour remplacer le silicium traditionnel. A quelles améliorations peut-on s’attendre à trouver sur les ordinateurs du futur ?

Mathieu Despont : Effectivement, la fameuse loi de Moore (conjectures empiriques traitant du rythme d’évolution du matériel informatique, ndlr) se heurte aux lois de la physique. On observe depuis quelques années que l'on ne multiplie plus la fréquence de cadence des ordinateurs, mais que l'on multiplie les cœurs. On invente des manières d'utiliser la puissance de calcul des processeurs des cartes graphiques. On utilise de plus en plus de la puissance de calcul dans des "data-center". Les données ne sont plus traitées localement, mais à distance. C'est le cas avec l'application de reconnaissance vocale Siri sur les iPhone.

Il existe donc encore une marge de progression avec les techniques actuelles des ordinateurs au silicium. Ces prochaines années je pense que l'on va vers encore plus de parallélisassions. On aura des habits informatiques avec plusieurs processeurs pour répartir les tâches.

Au-delà des améliorations de nos ordinateurs "traditionnels", de quels genres d'ordinateurs nous servirons-nous ?

Cela fait longtemps que l'on nous parle de l'ordinateur quantique. Les théoriciens se sont déjà bien amusés. Ils ont écrit des programmes, mais l'ordinateur en lui-même n'est qu'à l'état de prototype (dont Google et la NASA se sont offert un exemplaire en commun, ndlr). Ils en sont au point des ordinateurs des années 1950 : ce sont des grosses bêtes qui ne peuvent pas être transportées. Ils doivent être refroidis à des températures proches du zéro absolu et ne sont pas encore capables de faire des calculs beaucoup plus impressionnants que ce que l'on fait avec un ordinateur portable classique ! Malgré tout, des progrès ont été faits ces dernières années. Mais je ne vois pas comme possible que dans un avenir proche nous utilisions couramment ce genre d'ordinateurs. Peut-être qu'ils viendront dans des data-centers un jour ou l'autre mais la question du coût énergétique de refroidissement reste à mon avis un sérieux problème.

Un point dont on parle peu, c'est l'ordinateur biologique. Finalement, c'est que nous, humains, sommes : des ordinateurs biologiques. Il est possible de faire de la miniaturisation extrême avec des molécules comme je l’expliquais dans un article précédent, toute personne peut désormais :

« chercher des séquences ADN sur le net, elle les assemble dans un programme informatique, puis elle synthétise l’ADN comme elle imprimerait une feuille de papier. Ce genre de synthétiseur d’ADN s’achète sur eBay pour un prix abordable par un particulier.

Une fois l’ADN produite, on va l’introduire dans le noyau d’une bactérie que l’on a sous la main. La bactérie se reproduit, et voilà, un nouvel organisme est né de la base du programme composé sur l’ordinateur. En quelque sorte, c’est de l’informatique biologique : le logiciel de la cellule a été changé ! »

Quand on voit ce qu'il se fait ces dernières années en biologie de synthèse, je me dis que l'ordinateur biologique est donc certainement une piste très intéressante. En effet, les applications de la biologie de synthèse sont nombreuses : «  création d’usines bactériennes (…) capables de créer ce que des processus industriels n’arrivent pas à faire, comme avec l’exemple de la miraculine » (puissant édulcorant), des « médicaments qu’il ne faudra plus avaler (…) mais l’usine qui va générer, à intervalles réguliers, le médicament », « des panneaux solaires » mais surtout « des écrans biologiques ». Et c’est bien là que la fin de l’ère électronique prend tout son sens : « Pourquoi construire un écran avec du silicium, s’il suffit de programmer une bactérie et de la laisser se reproduire dans un milieu favorable ! ».

Cependant, aussi important que soit son rôle, la fin des ordinateurs électroniques ne se fera pas par le remplacement de l’écran mais par celui du calculateur. Or, nous savons aujourd’hui que puisqu’« un automate cellulaire correspond aux critères d’une machines de Turing, prouve qu’il est possible de faire des ordinateurs biologiques basés sur ce principe.»

Mais cette technologie est aussi très inquiétante puisque nous sommes faits des mêmes matériaux ! Il serait donc sage de ne pas utiliser les mêmes bases ADN que celles dont nous sommes composés.

Quelle place les ordinateurs « du futur » prendront-ils dans nos vies ? Quelles pourraient en être les conséquences ?

Avec l'arrivée des Smartphones, on amorce un grand virage dans l'informatique. Beaucoup de gens se baladent en permanence avec un ordinateur sur eux. Du coup, l'ordinateur n'est plus cantonné à un moment en particulier. Il est présent tout le temps devient aussi plus intrusif.

Si on peut le voir comme intrusif, on peut aussi le voir comme une aide permanente. De nombreuses nouvelles applications sont apparues avec les Smartphones grâce au fait qu'on les emporte partout. Le premier et meilleur exemple est la géolocalisation. Quand un ordinateur reste toujours au même endroit, la géolocalisation n'est pas très utile. Quand on a un ordinateur dans sa poche, la géolocalisation change tout le temps. On ne peut plus se perdre, on peut être au courant des services qui nous sont utiles dans la région. Mais certains ont une confiance aveugle en la technologie et deviennent "bêtes", nous connaissons tous des histoires rocambolesques de gens qui se sont fait avoir parce qu'ils ont suivi aveuglément leur GPS.

Hormis la géolocalisation, il y a mille petites applications inaperçues mais très utiles. Comment couper un gâteau en 7 parts ? Ce n'est pas facile. Il existe des applications qui permettent de superposer à la réalité un cercle coupé en nombre de tranches voulues. Il y a une application pour voir le nom des montagnes que l'on film. Une application pour reconnaitre la musique d'ambiance.

Il existe ainsi, de plus en plus d'applications qui n'ont aucun sens, ou très peu, sur un ordinateur de bureau, mais qui sont très utile sur Smartphone. On entre ici dans le monde de la réalité augmentée. L'informatique se glisse dans le monde réel. L'informatique n'est plus une lucarne dans un lieu et un moment donnés, mais elle fournit et enregistre des informations en en permanence sur notre réalitéUn tel ordinateur connait tout de nous partout. Il sera de plus en plus capable d'anticiper nos comportements. Comme l’informatique biologique, c'est merveilleux et inquiétant !


Une étape majeure est en train de se dessiner avec l'arrivée des Google glasses. Plus besoin de sortir son Smartphone de sa poche pour regarder son écran. C'est au travers de lunettes que l'on porte en permanence que l'on voit des informations se superposer à la réalité.

Que cela va-t-il changer en termes de civilisation, d'approche de l'interface homme/machine ?

Avec la réalité augmentée, il est possible de personnaliser son monde. D'ajouter des informations différentes pour chacun au-dessus de la réalité. Du coup, on peut imaginer que l'on utilise des "skins" comme on personnalise son fond d'écran. On peut imaginer que certains colorient systématiquement le ciel en bleu, que d'autres se baladent dans l'univers de leur film préféré (par exemple : l'univers d'Harry Potter où tous les passants seraient habillés en sorciers).

Quand on voit les accessoires avec lesquels on peut se déguiser dans les "Google hangout", on se dit qu'il y a de l'avenir de ce côté-là.

Ces changements vont-ils modifier radicalement notre rapport aux choses et nos usages ?

Déjà, le téléphone mobile a totalement changé notre rapport au temps. La notion de rendez-vous existe de moins en moins. Quand on essaie de convenir d'un rendez-vous pour aller boire un verre avec des jeunes ce n'est pas possible..... "On s'appelle..." et avec les réseaux sociaux dans la poche, on est en permanence avec toute sa tribu. On peut communiquer en permanence avec qui on veut.

Ainsi, si l'on considère que les lunettes de réalité augmentée seront toujours devant nos yeux, on va pouvoir être en connexion permanente avec notre tribu et même en mode visuel ! Comment pourra-t-on gérer tout ça ? Il faudra bien se déconnecter de temps en temps ? Faire une seule tâche à la fois ? Peut-on être un petit peu partout en même temps ? La réponse à ces questions, quelles qu’elles soient impliquent donc inévitablement une modification importante de nos usages et de notre rapport aux choses.

Les ordinateurs vont-ils devenir de plus en plus en présents dans notre quotidien au risque de créer de nouvelles dépendances ?

Un collègue me disait cet-après midi que ses filles ont passé toutes leurs vacances à traquer les wifi ! Voilà la conséquence. Des Smartphones que l'on balade partout. On en devient dépendant, on est de plus en plus connecté. On devient dépendant de ce lien réseau. La question qui se pose alors est la suivant : est-il encore possible de vivre « hors du réseau » ?

Le fossé entre les « digital literate », c’est-à-dire ceux qui sont « numériquement alphabétisés » qui maîtrisent parfaitement les technologies modernes de communication, et les autres ne risque-t-il pas de se creuser ?

Oui, il pourrait bien se creuser. Ceci m’évoque le roman de Vernor Vinge "Rainbows End" qui se déroule dans un avenir proche où tout le monde porte des lentilles pour regarder une réalité augmentée. Tout le monde, non, pas les vieux qui ne savent pas utiliser ces outils. On les mets dans des écoles spéciales pour apprendre ces nouvelles techniques. On voit ici un fossé entre jeunes et vieux.

Mais je pense qu'il va surtout y avoir un fossé entre les riches et les pauvres. A la vitesse à laquelle il faut renouveler le matériel, seuls les riches pourront bénéficier de cette nouvelle réalité augmentée. Où de celle en HD, alors que les pauvres regarderons la réalité pixelisée ! L'égalité des chances risque d’en prendre un coup.

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