L'épine nucléaire : quand les Verts s'assoient sur leurs beaux principes pour sauver leur maroquin<!-- --> | Atlantico.fr
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"Madame le ministre du Logement ne voit apparemment rien de choquant dans les propos de ses deux collègues, Valls et Montebourg."
"Madame le ministre du Logement ne voit apparemment rien de choquant dans les propos de ses deux collègues, Valls et Montebourg."
©Reuters

Opportunisme ?

Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a irrité les écologistes en affirmant que l’industrie nucléaire était "une filière d’avenir". La colère des Verts est pourtant toute relative, le parti essayant de maintenir une bonne entente avec le gouvernement.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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On a des principes, ou on n’en a pas. Les Verts ont des principes. C’est même sur cette base qu’ils sont apparus dans le ciel des idées, tels des Ovnis venus d’on ne sait quelle planète bleue, qu’ils se sont constitués en mouvements puis en parti et qu’ils ont fait entendre dans le concert politique une petite voix discordante qu’ont longtemps cantonnée dans la marginalité le faible nombre de leurs adhérents, leurs dissensions, leur sectarisme, le scrutin majoritaire et l’intransigeance de leur verte vertu, de leur vertitude.

Si attaché que l’on soit à ses principes, il n’est pas interdit d’être réaliste, il n’est pas scandaleux de passer en toute clarté des accords de compromis, donnant-donnant, avec ceux dont on se sent les plus proches. A la lumière de leurs pitoyables résultats aux différents scrutins présidentiels et dans la perspective des élections législatives de 2012, les dirigeants et les militants d’EELV avaient le choix entre courir une nouvelle fois à l’échec sous leur propre bannière ou obtenir de avec la force dominante de la gauche la garantie d’être enfin représentés dans les assemblées et au gouvernement. La suite est connue : l’engagement pris par le Parti socialiste de réduire progressivement la part du nucléaire dans la production française d’électricité justifiait moralement l’entrée des Verts dans la majorité nouvelle et leur assura en effet l’élection d’une quinzaine de députés et l’attribution de deux portefeuilles dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Rien n’indiquait jusqu’à ces derniers jours que l’accord conclu entre EELV et le Parti socialiste, puis avalisé du bout des lèvres par François Hollande serait respecté. Rien ne donnait non plus à penser qu’il ne le serait pas et viendrait s’ajouter à l’interminable liste des promesses qui n’engagent que ceux à qui on les fait.  Or, voici qu’un ministre, et non des moindres, clame sa foi intacte envers la filière nucléaire. Un deuxième ministre, également poids lourd du gouvernement, fait chorus avec le premier. L’ombre d’une crise politique se dessine. Il y a casus belli. Il ne semble pas possible, sur un sujet qui fait partie des enjeux non négociables de l’alliance PS-Verts, que Cécile Duflot ne réagisse pas et qu’elle ne mette pas en balance le désaveu immédiat et formel des déclarations provocatrices et tonitruantes d’Arnaud Montebourg et de Manuel Valls et son propre maintien dans le gouvernement. Chacun retient son souffle…

Avons-nous bien entendu ? Naguère encore si forte en gueule et si assurée d’elle-même, Madame le ministre du Logement ne voit apparemment rien de choquant dans les propos de ses deux collègues. D’une toute petite voix, elle se dit confiante dans les assurances données par le président de la République et dans la réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire d’ici 2025. Vraiment ? Bien avant 2025, le sort réservé à la centrale de Fessenheim, qui tourne toujours à plein régime serait un signe probant de la loyauté ou de la mauvaise volonté du partenaire socialiste et surtout du président de la République. Mme Duflot peut-elle ignorer qu’à l’horizon lointain de 2025 il y aura déjà trois ans, dans l’hypothèse la plus favorable, et huit au maximum que François Hollande aura cessé d’être le chef de l’Etat ? Mme Duflot n’aurait-elle pas entendu parler de la suggestion  faite par d’autres partis et entre autres par Jean-Luc Mélenchon d’un referendum sur cette question cruciale et aussi bien sur le traité qui soumet la gestion économique et financière de la France aux arbitrages d’un directoire européen ?

Mais non, Cécile Duflot n’entend plus rien que sous ses talons le crissement des graviers dans la cour de l’Elysée, ne voit plus rien, ne dit plus rien qui pourrait compromettre le maroquin qu’elle a reçu lors de la dernière distribution des prix. Comme elle a encaissé sans mot dire la reprise des forages pétroliers en Guyane et  le limogeage de Nicole Bricq, elle acceptera s’il le faut l’exploitation des gaz de schiste, elle cautionnera le réacteur Astrid, elle assumera le traité européen négocié par Nicolas Sarkozy et endossé par François Hollande, elle avalera son chapeau vert autant de fois qu’il le faudra tant qu’elle n’aura pas rendu ou qu’on ne lui aura pas enlevé son tablier…

De deux choses l’une : ou les dirigeants écologistes ne croient pas vraiment au danger nucléaire qu’ils dénoncent depuis le premier jour, et ce sont des imposteurs. Ou ils jugent ce danger réel  mais estiment qu’il y a plus urgent, par exemple être sénateur ou ministre, et ce sont des politiciens de la pire espèce. EELV, quoi qu’il en soit, va se déchirer  dans les mois et les années qui viennent. Les « purs », ceux qui ne siègent pas au gouvernement, ceux qui n’ont pas mis tous leurs œufs dans le panier socialiste, plaideront pour que périssent les portefeuilles pourvu que demeurent les principes. Les autres nous montreront une fois de plus que ce qui est commode avec les principes, c’est qu’on peut s’asseoir dessus. Que voulez-vous ? Ah, pour être écolo on n’enest pas moins homme, comme dit à peu près Tartuffe.

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