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Quand les faits nous font changer d’avis… et quand c’est compliqué
©MAURO PIMENTEL / AFP

Fake news, fact checking et cie

Dans l'Enigme de la Raison, Hugo Mercier, chercheur en sciences cognitives à l’Institut Jean-Nicod, revient sur notre capacité à croire les fausses informations.

Hugo Mercier

Hugo Mercier

Hugo Mercier est chercheur CNRS à l'Institut Jean Nicod à Paris.

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Atlantico : Un article du New Yorker explique en citant votre ouvrage que "Les faits ne changent pas notre façon de penser". Vous défendez en fait la thèse inverse. Sur quoi repose le malentendu ? Quelles sont les principaux enseignements de vos travaux à ce propos ?   

 Hugo Mercier : Ainsi que de nombreux psychologues, nous avons noté que le raisonnement humain était biaisé vers le point de vue du raisonneur. En particulier, lorsque nous raisonnons, nous trouvons surtout des arguments soutenant notre opinion ou intuition initiale, qu’elle soit juste ou non, bien fondée ou non. Cependant, nous défendons également l’idée que les humains sont capables d’évaluer les arguments des autres plutôt objectivement, de telle façon que nous sommes à même de reconnaître de bons arguments même s’ils remettent nos opinions en cause. De très nombreuses études ont montré que lorsque l’on présente aux gens de bons arguments - par exemple des données venant de sources fiables -  les gens changent d’avis dans la direction de ces arguments.

 Dans votre dernier ouvrage, L'Enigme de la Raison, vous expliquez que la raison est un atout de l'évolution et qu'elle s'est développée grâce à la nécessité de la coopération de groupe. La raison ne servait donc pas, au départ, à raisonner, mais à survivre ? Qu'est-ce que cela change dans notre rapport à la résolution de problèmes logiques, aux faits établis ? 

 Tout ce qui est adaptif l’est parce qu’il aide les organismes ou leurs apparentés à se reproduire. La question est de savoir comment un organe, trait, ou mécanisme donné sert cette fonction très générale. Dans le cas du raisonnement, une position commune est qu’il aurait pour fonction de corriger les erreurs de nos intuitions, permettant aux raisonneurs solitaires de prendre de meilleures décisions et de parvenir à des croyances plus justes. Nous avons suggéré au contraire que le raisonnement est adaptatif car il facilite les échanges sociaux : il nous permet de convaincre par le biais de raisons, d’évaluer les raisons qui nous sont offertes, de justifier nos actions, et d’évaluer les justifications par lesquelles d’autres défendent leurs actes. Cela suggère que si nous voulons utiliser le raisonnement pour prendre de meilleures décisions ou parvenir à des croyances plus justes, nous y parviendrons mieux lors de discussions—de bonne foi, mais avec des gens qui sont en désaccord avec nous—qu’en raisonnant seuls.

Vous relevez aussi le fait que l'adhésion à un fait met à l'épreuve nos croyances. Quel rapport nos croyances entretiennent-elles avec la vérité des faits ? A partir de quel moment elles peuvent entrer en conflit avec elle ?  

L’immense majorité de nos croyances sont justes : nous savons tous quel est le nom du président, quelle voiture est la notre, ou se trouve notre appartement, quelle est la couleur de notre table à manger, etc. La plupart des croyances fausses n’ont que peu de conséquences pratiques. Par exemple, les gens qui croient que la terre est plate continuent d’utiliser des GPS et de prendre l’avion, alors même que rien de cela ne devrait être possible si la terre était plate. Le conflit entre croyance et réalité est ainsi évité - ce qui permet également à ces croyances de perdurer, car en cas de conflit entre croyances et réalité, la réalité a tendance à l’emporter… 

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