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Quand le frère de Mohamed Merah invite les familles d'origine arabo-musulmane à regarder en face leurs responsabilités dans les dérives terroristes de certains de leurs enfants
©Reuters

Les yeux dans les yeux

Au centre de bien des radicalisations, la famille joue un rôle tout particulier dans le processus qui mène au djihad. Il est primordial d'agir sur cette cellule privée pour prévenir la création de davantage de terroristes.

Abdelghani Merah

Abdelghani Merah

Abdelghani Merah est le grand frère de Mohammed Merah. Engagé depuis dans la lutte contre la radicalisation, notamment avec l'association Entr'Autre, il a publié fin 2012 Mon frère, ce terroriste aux éditions Calmann-Lévy.

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Atlantico : Avec l'association Entr'Autre, vous combattez aujourd'hui la radicalisation chez les jeunes qui pourraient voir en Mohamed Merah un "héros". La société française, confrontée à une vague d'attentats terroristes, s'intéresse plus que jamais à ces phénomènes de rupture avec la société aux accents fondamentalistes. A quoi ressemble le monde quand on le regarde à travers les individus que vous rencontrez ? 

Abdelghani Merah : L'occident est pour eux l'ennemi public numéro un, autant que les valeurs républicaines, la liberté d'expression... Exactement ce que souhaite instaurer L'Etat islamique aujourd'hui dans le monde : la haine, la mort du mécréant, du juif, de l'apostat comme moi est une nécessité. Cela fait des années que ce mode de pensée prend de la place dans notre pays, et il est toujours le même à la différence qu'aujourd'hui, l'aveuglement, la barbarie sont plus forts.  

Le salafisme est un prêt à penser bien ficelé, et que l'on entend dans la bouche de tous ces jeunes radicalisés. Ce qui frappe avant tout, c'est la banalisation de la mort. Mon frère par exemple, avait reçu comme indication de voir des cadavres pour ne plus être impressionné par eux. 

Tous ces jeunes ne deviendront pas pour autant un "Mohamed Merah", car certains préfèrent se considérer comme djihadistes inertes. Olivier Corel dit "l'émir blanc", revendique cette position de djihadiste inerte, et déclare donc que la justice ne peut rien faire contre lui. Mais d'autres partent dans l'ombre et attendent le feu vert pour passer à l'action, que la folie leur demande de le faire ou qu'ils aient suffisamment envie de mourir.

Que dîtes-vous à ces jeunes ?

La première chose que je leur dis c'est que Mohamed Merah s'est fait voler son cerveau. Mohamed a certes agi au nom d'Al Qaida, mais il a avant tout été déstructuré par ses parents qui ne lui ont pas donné de repère. Le salafisme d'Abdelkader et Souad (son frère et sa sœur, tous deux inquiétés par la justice ndlr) a été le détonateur qui a poussé Mohamed à commettre ce qu'il a commis. 

L'exécutif a à plusieurs reprises affirmé que la France était en guerre. Si l'on suit cette logique, la population ne peut pas rester dans une zone grise, un entre-deux et doit choisir son camp. Que constatez-vous sur le terrain, que choisissent-ils ?

Bien sûr, ils choisissent leur camp qui est celui de l'Etat islamique, mais pas tous. Sur le terrain, L'Etat islamique a réussi à cela, à imposer une division de la société. 

Même si je ne suis pas politologue, je n'arrive pas à comprendre pas que l'on ait mis autant de temps à voir que nous étions en guerre car eux, ils sont en guerre depuis très longtemps contre nous. 

Quelles évolutions avez-vous pu observer sur les discours portés par ces jeunes depuis plusieurs années ? En quoi a-t-il pu changer ?

Oui, ce que je vois c'est que ces jeunes sont plus dans la retenue et dans la dissimulation qu'avant. Ils parlent moins ouvertement. Même lorsque j'ai commencé à parler, ce qu'ils considéraient être une "trahison", il y avait un petit échange. Aujourd'hui ce que je remarque, c'est qu'ils sont dans la réserve, ils ne portent plus forcément de barbe même s'ils n'en pensent pas moins : leur seul but est la mort, que le chrétien abdique, que vous et moi devenions musulmans. 

Pensez-vous qu'un fragment de la jeunesse s'enferme dans une position victimaire auto-entretenue ?

Il y en a oui, bien sûr. Certaines personnes en provenance du Maroc, de Tunisie ou d'Algérie ont tendance à se montrer comme des victimes. Et ce que je crains, c'est que la montée du Front national ne renforce ce sentiment, car la haine attire la haine.

Vous portez un soin particulier à sensibiliser les familles. Les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan ou encore de Bruxelles, ont montré que des fratries étaient souvent impliquées. Là encore, notez-vous une prise de conscience, des changements dans les familles que vous rencontrez ?

Dès qu'une personne devient salafiste, les autres membres de la famille le deviennent souvent aussi. Vous savez, certains parents se laissent piéger car ils voient que leurs gosses arrêtent leurs conneries et se mettent à prier. Ils se disent qu'ils se sont rangés et ils y voient une bonne évolution. Pour d'autres, ce sont les parents qui sont déjà radicaux, et qui transmettent leur haine à leur enfants. 

Par rapport à ma jeunesse, je constate aussi que les policiers avaient un rôle de tuteur il y a encore quelques années. Je leur répète aujourd'hui encore : gardez votre place dans les quartiers, nous avons besoin de vous car votre absence est une place vide laissée aux salafistes. 

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