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Quand la Poste “veille sur nos vieux parents” business d’avenir, faillite morale ou pas ?
©REUTERS/Regis Duvignau

Fear Facteur

Il fut un temps où le facteur était plus qu'un simple employé, il était aussi une personne qui connaissait les gens derrière leur boîte aux lettres. Aujourd'hui, ce lien social revient sous une forme marchandisée proposée par La Poste. Et cela dit beaucoup de la façon dont nous percevons nos personnes âgées.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Une publicité de la Poste fait la promotion d’un nouveau service proposant de veiller régulièrement sur les personnes âgées  que leur famille ne leur visite plus.  Qu’est-ce que cette publicité vous inspire ? 

Il importe d’abord d’être juste. L’initiative de l’État afin que les personnes âgées ne soient pas abandonnées n’est pas critiquable. Au contraire. Il fait quelque chose. Il pourrait ne rien faire. Mieux vaut ça que rien. Il y a néanmoins quelque chose de désordonné dans cette idée. 

D’abord on peut s’étonner. Veiller sur la population, est-ce le rôle de la Poste ? Est-elle faite pour cela ? En outre, dans de nombreux villages on supprime les postes. Où va-t-on trouver le personnel pour veiller sur les personnes âgées si on supprime les services postaux ? Enfin, veiller sur les anciens n’est-ce pas aux citoyens de s’en charger ? On ne le fait pas parce que nous sommes devenus un monde individualiste et hédoniste qui ne veut pas entendre parler des personnes âgées. Demander à la Poste de veiller sur les personnes âgées n’est-ce pas permettre à cet individualisme hédoniste de continuer d’exister et de prospérer ? N’est-ce pas lui donner bonne conscience ? 

Les solutions proposées aujourd’hui aux personnes âgées sont de plus en plus marchandes ou technologiques. La personne âgée ne va-t-elle pas être de plus en plus abandonnée sur fond  d’une société maintenue en état de perfusion ? 

Il n’y a pas que les personnes âgées qui sont seules. La société entière est marquée par la solitude. Dns les années soixante dix du siècle dernier, un sociologue, David Rieman a écrit un ouvrage au titre significatif La foule solitaire.  La solitude du monde contemporain est sociale et humaine parce qu’elle est morale et spirituelle. On se sent seul parce que l’existence n’est plus habitée par un sens, une aventure personnelle, un souffle faisant dialoguer l’être humain avec l’existence.  Cela donne la solitude des personnes âgées qui arrivent à la fin de leur  ie sans plus trop savoir pourquoi elles ont vécu. Cela donne la solitude des sociétés contemporaines, la nôtre, qui vit, gorgée d’images, de sons, de communication tous azimuts sans plus trop savoir pourquoi elle vit. Solitude pathétique. Celles des personnes âgées renvoyant à la nôtre. La nôtre préparant celle des personnes âgées. 

Qu’est-ce qu’il faudrait faire aujourd’hui pour combattre la solitude grandissante des personnes âges ? 

Que l‘on rétablisse ce qui permet à une vie humaine d’exister en ayant le plaisir et la fierté de pouvoir exister. Des lieux de rencontre comme le café, la boulangerie, le café, les commerces de proximité, à l’opposé des grandes surfaces, tous ces lieux faisant des centres villes vivants alors que de plus en plus ceux-ci deviennent déserts. Une responsabilité citoyenne fraternelle consistant à s’occuper les uns des autres, à prendre soin les uns des autres. Cela demande peu de temps et cela est riche, fécond, heureux. Enfin, il y a les liens moraux et spirituels où on lit ensemble, on étudie ensemble, on chante ensemble, on médite ensemble, on prie ensemble, on loue ensemble, on se réjouit ensemble. 

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