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Quand la bataille des crèches de Noël révèle les deux chemins sur lesquels se fourvoient les tenants de la laïcité fermée
©Reuters

Choisis ton poison

Alors que le débat actuel sur les crèches de Noël dans les mairies ravive les questions autour de la laïcité, cette dernière revêt la plupart du temps deux visages bien distincts, mais tout aussi néfastes à un débat serein sur la place de la religion en France.

Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel).

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

 

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Atlantico : Dans quelle mesure certains défenseurs de la laïcité aujourd'hui en France incarnent-ils une laïcité dite "peureuse", ne souhaitant pas évoquer notamment les crèches de Noël dans les mairies pour ne pas attiser les tensions dans la société ?

Philippe d'Iribarne : On croyait résolue la question de la laïcité, dans une sorte d’armistice tellement durable qu’il pouvait être considéré comme une vraie paix, entre l’Eglise catholique et la République. Mais la présence de l’islamisme militant, avec son projet d’emprise sur la société française, remet la question à l’ordre du jour. On peut comprendre que la crainte de voir ressurgir les tensions qui ont marqué notre société au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat incite à éviter tout ce qui peut conduire à une remise en cause d’un statu quo laborieusement acquis.

Parallèlement à cela, n'y a-t-il pas également en France un autre visage de la laïcité, beaucoup plus radical et souhaitant supprimer de l'espace public toute trace de l'héritage judéo-chrétien de la France ?

Oui, il y a effectivement des courants attachés à une forme de religion laïque qui entendent profiter des tensions actuelles pour reprendre le combat contre l’ennemi de toujours. Mais on trouve aussi une tout autre attitude à l’égard de la laïcité, inspirée par le rejet de l’héritage chrétien, chez les islamo-gauchistes qui se proposent, en mettant en avant une laïcité "ouverte", de noyer les traces chrétiennes dans le flot des traces musulmanes. Pendant ce temps, les adeptes laïcards d’une laïcité dure peuvent être rejoints par des courants qui sont prêts à sacrifier les traces de l’héritage chrétien au nom de leur souci de lutter contre l’emprise islamique. Ainsi, quand il s’est agi d’interdire le port du voile islamique à l’école, c’est l’ensemble des signes religieux qui a été mis en cause. Si l’on adopte cette perspective, les symboles chrétiens, comme les crèches, deviennent une victime collatérale de la lutte contre l’emprise de l’islamisme.

En quoi ces deux formes de laïcité ne permettent-elles pas d'appréhender avec justesse et précision la question de la place de la religion dans notre société française ?

L’erreur est de vouloir aborder sous le registre de la laïcité -nécessairement neutre par rapport à la diversité des religions- des questions qui sont en fait spécifiques à l’islam. La décision du Conseil d’Etat confirmant la fermeture administrative de la mosquée d’Ecquevilly s’est située sur un bien meilleur terrain, celui de la condamnation des appels à la discrimination et à la haine. L’ordonnance du Conseil du 6 décembre note que, dans les prêches prononcés dans cette mosquée, les juifs et les chrétiens sont "dénoncés comme falsifiant les textes sacrés et appelés à se convertir sur un ton menaçant". Quand l’imam impliqué s’est défendu en faisant remarquer que certains des propos qui lui étaient reprochés n’étaient que la reprise de versets du Coran, l’ordonnance a répliqué que le fait que ces mots soient extraits du Coran "n’en diminue pas la violence". Est également entrée en jeu, dans la décision administrative de fermeture de la mosquée, son influence sur la vie locale, entre les femmes ne sortant plus de chez elles, et les tensions à l’école entre les enfants musulmans pratiquants et les autres.

Il s’agit de tenir compte, comme le note Nathalie Kosciusko-Morizet, du fait que "si le terrorisme prospère, il le fait sur un système de pensée de rupture, basé sur l’exclusion ou l’excommunication de l’autre, c'est-à-dire une ségrégation identitaire et communautaire qui prédispose au basculement dans la violence" (Le Monde, 10 décembre 2016). Sans se borner aux réactions face aux prêches porteurs de haine, toute une action est à mener pour lutter contre une forme de contrôle mafieux, au nom de la religion, de certains territoires. Certes, une petite part de cette lutte peut être menée au nom de la laïcité (songeons à la tenue des mères accompagnant les sorties scolaires, et peut-être aux tenues islamiques à l’université), mais c’est loin d’être l’essentiel.

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