Pyromanes de la démocratie : et la BCE pensait que l’austérité n’avait pas d’effets négatifs sur l’opinion publique...<!-- --> | Atlantico.fr
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Les effets macro-économiques sont fortement responsables de la défiance à l'égard de Bruxelles.
Les effets macro-économiques sont fortement responsables de la défiance à l'égard de Bruxelles.
©Pixabay

C'est pas ma faute !

Une étude publiée par la BCE soutient que les politiques d'austérité menées n'ont pas eu d'impact sur l'opinion publique. Une analyse qui omet les effets macro-économiques fortement responsables du chômage de masse et de la défiance à l'égard de Bruxelles.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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  • Selon une étude de la BCE : l’austérité n’a pas d’impact sur l’opinion publique… Si l’on ne tient pas compte des effets de l’austérité sur l’économie.
  • Les politiques d’austérité ont bien "coûté" 7.7% de PIB à la zone euro, pour l’année 2013.
  • Et ce alors que les objectifs d’assainissement des comptes publics ont également échoué, à l'instar de la dette abyssale de la Grèce.
  • Les partis anti-européens ont prospéré sur l’inefficacité de cette doctrine économique austéritaire.
  • Or la consolidation budgétaire ne peut être efficace que si elle est soutenue par un plan de relance monétaire. Selon les exemples du Canada et de la Suède. C’est ce que la zone euro n’a pas voulu voir.

Est-ce que l’austérité fiscale affecte l’opinion publique ? C’est à cette intéressante question que deux économistes de la Banque centrale européenne ont tenté de répondre à travers un document de recherche publié par l’institution  monétaire en ce début avril 2015. La BCE, en qualité de membre de la fameuse "Troïka", rôle qu’elle partage avec le FMI et la Commission européenne, se penche ainsi sur les effets produits par l’actuelle doctrine européenne, qui consiste à inciter les pays de l’Union à abaisser leur niveau de dépenses publiques et, le plus souvent, à augmenter leurs impôts. En clair, la mise en place de politiques d’austérité ayant pour objectif de réduire les déficits publics et les endettements excessifs.

L’austérité est-elle neutre sur les opinions publiques ?

"Dans ce document, nous recherchons l’impact de l’austérité fiscale sur trois niveaux de l’opinion publique (satisfaction et confiance globale, attitude envers les autorités nationales, et attitude envers les institutions européennes). En se basant sur un panel de 26 pays européens, nous trouvons que, dans l’ensemble, les épisodes de consolidation fiscale tendent à produire un faible impact, inconsistant, sur les différentes mesures de l’opinion publique, une fois que des instruments de "contrôle macro" sont inclus.".

A première vue, les résultats de l’étude semblent bien indiquer que l’austérité ne produit pas d’effets sur les opinions publiques. Mais bien entendu, le résultat n’est pas "exactement" celui-ci. Parce que la mention relative aux éléments de "contrôle macro" permettent tout simplement aux économistes d’extirper les conséquences économiques de l’austérité. Le chômage, la croissance, l’inflation sont ainsi neutralisés pour obtenir un résultat "pur", "neutre". Ce qui revient à changer la question de départ ; de "Est-ce que l’austérité fiscale affecte l’opinion publique" l’interrogation devient "Est-ce que l’austérité fiscale affecterait l’opinion publique si elle n’avait pas d’effets économiques" ? Ce qui relève de l’absurde, car cela revient à se demander si les populations refusent l’austérité pour elle-même ou pour ses conséquences. Ce qui est précisé de cette façon :

"Etant donné que nous incluons des éléments de contrôle macro, nous ne mesurons pas les effets de l’austérité fiscale sur le cycle économique (une question à laquelle ce papier contribue peu), mais plutôt ses effets résiduels, allant au-delà de cette question".

Et évidemment, dans un monde ou l’austérité fiscale ne produit pas d’effets, le résultat est  "Notre principal résultat est que les mesures d’austérité fiscale sont insignifiantes pour l’opinion publique lorsque nous incluons les éléments de contrôle macroéconomique.". En conclusion, tout va bien.

Reste à se poser une question subsidiaire, et si on intégrait les effets macroéconomiques de l’austérité pour mesurer son effet sur les opinions publiques européennes ? Une question qui peut se diviser en deux parties, d’une part, les effets macroéconomiques de l’austérité, et d’autre part ; les opinions publiques.

Les effets économiques de l’austérité fiscale

Dans une étude récente menée par trois économistes ; Sebastian Gechert, Andrew Hugues Hallett et Ansgar Rannenberg, publiée en février 2015 ; les résultats économiques de la consolidation ficale européenne ne sont pas bien brillants :

"Les auteurs estiment que la consolidation fiscale de la zone euro, qui a principalement pris place au travers de coupes de transferts sociaux, a réduit le PIB de 4.3%, et ce, relativement à un scénario sans consolidation en 2011, pour atteindre 7.7% en 2013". Plus clairement, l’austérité fiscale représente une perte de PIB de 7.7% au titre de l’année 2013 au sein de la zone euro.

L’effet récessif de l’austérité est donc avéré, mais un autre point relève encore l’attention. Car l’objectif affiché des politiques d’austérité est bien le redressement des comptes publics. Il convient alors de mesurer l’efficacité de cette politique par rapport à son but réel. Et là encore, le résultat n’est pas satisfaisant:

"En raison des importantes baisses de PIB causées par la consolidation fiscale, l’amélioration de l’équilibre des budgets concernés est marginale en comparaison des pertes de PIB causés par la consolidation."

Ainsi, la politique d’austérité ne permet d’améliorer que "marginalement" la situation budgétaire en raison de son caractère fortement récessif. Pour une perte de PIB de 7.7%, le budget est "amélioré" de 0.2% de PIB en 2013. C’est-à-dire un rapport "coût-bénéfice"  plus que douteux.

Les effets sur l’opinion publique

Le PIB européen se trouve être largement "endommagé" par les politiques d’austérité, permettant l’installation d’un chômage de masse au sein de la zone euro. Un taux de chômage qui frappe en priorité les pays les plus concernés par les politiques d’austérité. Un choc économique qui a pour effet de modifier en profondeur les paysages électoraux des pays concernés.

26% de chômage en Grèce à lier avec la victoire électorale du parti anti-austérité Syriza en janvier dernier, avec un score de 36.3%. 23% de chômage en Espagne à mettre en rapport avec les sondages favorables à l’ "autre" parti anti-austérité ; Podemos. Malgré une baisse de popularité au cours des deux derniers mois, le parti affiche encore un niveau compris entre 23 et 24% d’intentions de vote. En Italie, le parti du mouvement 5 étoiles atteint encore 18 à 19% des suffrages selon les derniers sondages, et ce, malgré le retrait de son ancien leader, Beppe Grillo. En France, la hausse continue du taux de chômage, qui atteint 10.4% à la fin 2014, n’est pas sans lien avec la progression du Front National, qui aura atteint plus de 25% des votes aux dernières élections départementales.

De plus, en effet miroir, les pays du nord de l’Europe se trouvent également confrontés à une situation de défiance européenne. L’inefficacité des politiques menées dans le sud de l’Europe produit une tension avec les pays du nord, ceux-ci ayant notamment l’impression de payer pour les autres. La Finlande, les Pays bas, le Danemark et même l’Allemagne sont concernés. Et les élections européennes de 2014 ont vu l’arrivée des partis anti européens au sein du Parlement : UKIP, Front National etc..

Les politiques d’austérité se sont ainsi révélées aussi néfastes qu’inefficaces sur le plan économique, entrainant baisse du PIB et hausse du chômage, et ce, sans effet positif réel sur les comptes publics des pays concernés. La conséquence directe de cet échec doctrinal européen aura été la progression des partis anti-européens, ceux-ci étant le plus souvent des représentants des deux extrêmes des échiquiers politiques locaux. Cependant, il est toujours possible de faire l’autruche en trouvant des moyens de se dédouaner de ses responsabilités, notamment en indiquant que l’austérité est sans effet sur les opinions publiques. Cela permet de prétendre que le problème de fond n’est pas l’austérité, mais ses conséquences.

Pourtant, la question que pose la Banque centrale européenne a bien un intérêt. Parce que la consolidation fiscale qui a été mise en place au sein de la zone euro au cours des dernières années a eu des effets économiques dramatiques précisément parce que la BCE n’a rien fait pour aider. Car les expériences "heureuses" de consolidation budgétaire, dont les exemples connus du Canada et de la Suède, n’ont pu voir le jour que parce qu’elles avaient été largement soutenues par leurs Banques centrales respectives. A une austérité fiscale, les banques centrales locales répondaient par une expansion monétaire massive. Pour redonner d’une main ce que prenait la première. Pour enfin obtenir des résultats : retour de la croissance, baisse du chômage et assainissement des comptes publics. 

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