Fonctionnaires ou salariés du privé, qui est le mieux loti ? Partie 3 : l’accès au logement<!-- --> | Atlantico.fr
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L’accès au logement n'est pas le même pour tous.
L’accès au logement n'est pas le même pour tous.
©Reuters

Série "Le match public-privé"

Logements secondaires aux frais de l'Etat, priorité sur le parc des bailleurs sociaux, prise en charge de certains frais... Alors que le gouvernement doit faire face à la pénurie de construction en France, les salariés du secteur public peuvent quant à eux bénéficier de nombreux avantages pour trouver un logement. Troisième partie de notre dossier consacré aux différences entre fonctionnaires et salariés du privé.

Sandrine Gorreri

Sandrine Gorreri

Sandrine Gorreri est directrice de la Rédaction du mensuel de la Fondation iFRAP, Société Civile.

Ses domaines de compétences sont la création d'entreprises et d'emploi, les retraites et les politiques du logement.

Sandrine Gorreri vient de signer avec Philippe François une étude pour la Fondation iFRAP : Logement, programme pour un quinquennat (mai 2012).

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Atlantico : L’Etat, par l’intermédiaire du préfet, dispose dans chaque département d’un droit de réservation sur 30 % du parc de chaque bailleur social, dont 5 % pour loger ses fonctionnaires, agents civils et militaires de l’Etat. Comment fonctionne ce dispositif et qui est concerné ?

Sandrine Gorreri : En échange de la garantie qu’il accorde sur les dépôts du livret A qui servent à financer le logement social, l’État, par l’intermédiaire du préfet, dispose dans chaque département d’un droit de réservation sur 30% du parc de chaque bailleur social, dont 5% pour loger ses fonctionnaires (agents civils et militaires de l’État). Un décret de février 2011 est venu préciser les choses : il indique que le contingent ne peut représenter plus de 30% du total des logements "dont au plus 5%" au bénéfice des fonctionnaires de l’État. En revanche, pour les opérations nouvelles, le taux de 5% est systématiquement appliqué.

Il y a différentes catégories de logements pour les agents publics : 

  • Le logement de fonction pour nécessité absolue de service (NAS) (normalement accordé en contrepartie de sujétions particulières liées à la fonction).
  • Le logement de fonction pour utilité de service (US) (qui devrait être profondément réformé selon les volontés Présidentielles) qui se voit accordé parce que le logement du fonctionnaire à proximité de son lieu de travail présente un "intérêt certain" sans être "absolument nécessaire à la fonction".
  • Le logement au sein du parc immobilier de l’Etat sous la forme de conventions d’occupationprécaire (COP) qui doit donner lieu à paiement de redevances domaniales au prix du marché (moyennant toutefois un abattement légal de 15% sur leurs redevances d’occupation).
  • Enfin, les logements de fonctionnaires au sein du parc HLM, sur le 5% de la réserve préfectorale.


Ce droit appliqué à l’ensemble du parc social d’un peu plus de 5 millions de logements devrait représenter un potentiel de 250.000 logements pour le contingent. Sauf que l’État connait mal son propre parc de logements réservés. Selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration, Paris fait figure d’exception puisque sur tous les départements français en 2010 c’est le seul où le droit de réservation de 5% est appliqué entièrement avec 7.885 logements au titre du 5%. Cette situation s’explique selon les rapporteurs par "les prix élevés des logements sur le marché privé et le souhait des fonctionnaires d’éviter des temps de déplacement pénalisants".

Dans les autres départements, le taux réel des réservations du 5% se situe aux environs de 1% à Nancy et Limoges et entre 3 et 4% pour Lyon et Marseille. Dans les départements de taille intermédiaire, le nombre de demandes est faible : en cause, un stock inadapté aux demandes (quartiers sensibles, logements très éloignés du lieu de travail), une absence de véritables tensions sur le marché local (des logements du parc privé, souvent mieux situés et parfois moins onéreux), une mauvaise gestion, …

Parmi les catégories de logement pour les agents publics, le logement de fonction pour nécessité absolue de service (NAS) et la convention d’occupation précaire avec astreinte. Quels sont les fonctionnaires qui peuvent y prétendre ? Quels sont pour ses bénéficiaires les avantages au niveau du coût du loyer et des charges ?

Il existe dans le public trois modes d’attribution pour les 137.520 logements de fonction.

Cliquez pour agrandir. (Sources Ifrap)

Si les réservataires réglementaires comme l’Etat et les collectivités territoriales peuvent attribuer des logements, il existe aussi des réservataires conventionnels pour les grandes entreprises publiques comme la RATP, la SNCF ou encore EDF. Quels sont les avantages pour les salariés en termes de coût du logement ? Sont-ils tous logés à la même enseigne ou constate-t-on des différences en fonction des entreprises ?

Autres avantages dont bénéficient les agents publics en logements de fonction : 

  • Prise en charge des dépenses d’eau, d’électricité et de chauffage jusqu’à 2.000 euros. En ce qui concerne les personnels enseignants, cette dépense se chiffre à 53 millions d’euros. Ces franchises doivent représenter autour de 200 millions d’euros rien que pour l’État. 
  • Abattement de 33%, qui représente un avantage fiscal d’autant plus considérable que la valeur du loyer des logements publics est sous-estimée. Les bénéficiaires de concessions pour utilité de service ont également droit à des abattements complémentaires de 5% pour obligation de loger dans les locaux désignés et jusqu’à 18% pour charges anormales supportées en raison de la situation personnelle. 
  • Indemnité de résidence, dont le montant est calculé en appliquant au traitement brut un taux variable, selon la zone territoriale dans laquelle est classée la commune où il exerce ses fonctions avec 3 zones. La Cour des comptes a évalué le coût de l’indemnité de résidence à 1 milliard d’euros par an pour les trois fonctions publiques. 817.667 agents publics bénéficient pour l’ensemble des agents. Soit en moyenne environ 500 euros par an par agent bénéficiaire.

Les réservataires conventionnels sont les grandes entreprises publiques (RATP, SNCF), et le 1% logement Ces filières ont vocation à loger les employés de chacune des catégories de financeurs

Il faut savoir que les bailleurs sociaux ont la haute main sur les procédures d’attribution : d’abord, ils ont l’information précise et complète sur les logements désignés. Car ce contingent n’est pas seulement un droit théorique, les logements qui en relèvent sont en principe identifié un par un. Ensuite, la procédure d’attribution conserve leur pouvoir de décision. Bien sûr, les bailleurs sociaux recherchent ces locataires aux revenus réguliers et qui améliorent la fréquentation du parc social. Les avantages pour les salariés sont identiques à ceux d’un locataire d’un bailleur social en fonction des revenus selon la catégorie de logement.

Plus globalement, que deviennent ces avantages lorsque les fonctionnaires ou les salariés partent à la retraite ?

Dans le rapport de l’IGA cité plus haut, il est fait mention d’un agent parti en retraite qui a conservé son logement de fonction sur Paris mais le rapport insiste qu’il "ne doit pas être pour autant évincé du logement qu’il a obtenu : ce serait socialement malvenu alors que la retraite coïncide avec une diminution des revenus" ce qui est vraiment discutable. Les rapporteurs reconnaissent en revanche que lorsque le logement sert alors de "résidence secondaire" ou que le logement est confié à un parent, "il n’est pas illogique que l’affectation de ce logement soit analysée à la lumière des demandes". Des enquêtes systématiques ne semblent pas encore être pratiquées. Un rapport de la Cour des comptes sur le parc de logements de l’AP-HP avait fait mention que de nombreux appartements étaient occupés par des personnes à la retraite ou ayant tout simplement quitté l’AP-HP.

Comment peut-on expliquer ces avantages ? Qu’est-ce qu’ils sont supposés compenser ?

Le contingent fonctionnaire a vocation à répondre à deux sortes de demandes : d’une part offrir un logement à ceux qui peuvent avoir des exigences spécifiques (nouvel arrivant dans le cadre d’une mutation, les policiers ou les surveillants de l’administration pénitentiaire dont le logement doit être près de leur lieu de travail mais hors des zones sensibles…), soit dans le cadre d’un traitement social (difficultés financières, décohabitations ou arrivée d’enfants). Longtemps le contingent fonctionnaire a été considéré comme une compensation d’une rémunération plus faible, argument qui aujourd’hui ne peut plus être défendu. Mais il peut y avoir aussi des effets d’aubaine comme n’hésite pas à le reconnaître la mission de l’IGA. C’est notamment le cas lorsque la demande est faible et que le service peine à trouver des candidats, mais on trouve des effets d’aubaine partout, même à Paris.

Finalement, entre les fonctionnaires et les salariés du privé, qui sont les mieux lotis au niveau des avantages en nature dans le domaine du logement ?

Rien ne justifie un service d’accompagnement des agents publics sur tout le territoire : les marchés du logement détendus trouvent facilement à proposer aux agents publics des logements du secteur privé bon marché et souvent mieux situés. La suppression du contingent fonctionnaire pourrait au mieux libérer des logements en direction des publics prioritaires, voire être rendus aux bailleurs sociaux. On arguera sans doute que le secteur privé possède, avec le 1% logement, une filière d’accès privilégiée des salariés vers du logement social. Mais pour les mêmes raisons il nous semble qu’il n’y a plus lieu de maintenir cette filière d’attribution et qu’il faudrait le remplacer par un système d’aides personnelles aux personnes les plus en difficultés. De surcroît pour les administrations il existe une possibilité d’installer les grands centres administratifs en province.

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