Psychodrame national sur les retraites : l’arbre qui cache la forêt des problèmes français <!-- --> | Atlantico.fr
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Les défis à relever sont nombreux face aux crises qui touchent le pays.
Les défis à relever sont nombreux face aux crises qui touchent le pays.
©AFP

L'exception française

Parmi les principales préoccupations des Français figurent le pouvoir d’achat, la sécurité, les conséquences du dérèglement climatique et la santé, selon les sondages. Depuis des décennies, de nombreux dirigeants ou membres de l'opposition préconisent et appliquent des solutions inadaptées face aux attentes des Français.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Un psychodrame c’est la séquence contestation, manifestation, extrême violence, blocage économique, retrait ou pas et au final faire croire à une dictature nazie, à une résistance qui aurait tous les droits dont la violence. Cet enchainement est devenu itératif au moins depuis 1986 et plus récemment le mouvement des Gilets jaunes. Pour autant tenter de mettre le pays à genoux pour empêcher de rétablir tant soit peu l’équilibre financier des retraites par répartition nous détourne de ce qui est l’essentiel des besoins des Français. Pouvoir d’achat, sécurité, conséquences du dérèglement climatique, soins sont les préoccupations retenues par les Français dans les sondages quel que soit l’ordre de classement.

Aussitôt de manière pavlovienne certains peu à court de contrevérités affirment que dans la santé c’est une question de moyens en particulier financiers. Le fil est tiré, une pelote entière est disponible. Cela fait 40 ans que ce leitmotiv couvre la lente et inexorable détérioration du système de soins. Avec un faux diagnostic, les mêmes préconisent de fausses solutions: taxer les profits, les riches et tous ceux qui finalement sont au-dessus du salaire moyen. Or c’est déjà le cas, une pression fiscale énorme (au-delà des 45%) fait de notre pays l’habitué depuis des années du podium des prélèvements obligatoires, de la dette et du déficit budgétaire dans la zone euro. Pourquoi ces idées démenties par les faits persistent?

L’EXCEPTION FRANÇAISE C'EST DABORD DE REFUSER LA REALITE

Certes notre PIB par habitant a dégringolé, certes notre dette est abyssale au point d’inquiéter nos voisins dans l’UE mais la France reste un pays économiquement puissant de part son économie marchande et les Français (tous) vivent mieux et plus longtemps aujourd’hui qu’il y a 10, 20 ou 50 ans. Il s’agit de faits mesurables et vérifiables. Pour autant les médias de l’immédiat nous annoncent tous les jours qu’il y a plus de pauvres et plus de milliardaires (horresco referens), que la planète va s’arrêter de tourner, que l’air est plus pollué, que nous aurons 50° C cet été.  Si bien qu’il faudrait tout arrêter et se réfugier dans une caverne pour y mourir. Toutes ces affirmations sont simplement fausses. Simplement mensongères. Après la pandémie et en liaison avec elle l’épidémie de non sens frappe la population française dans une forte proportion. Plus grave, elle s’accompagne d’un misérabilisme performatif qui inhibe toute adaptation.

Alors que les Français continuent à travailler, le secteur public et les entreprises appartenant à l'État fournissent les bataillons de ceux qui veulent "mettre la France à genoux"

La Terre continue de tourner, les agriculteurs de produire de quoi nous nourrir, les entreprises de l’énergie de quoi nous chauffer ou nous rafraîchir et les Ukrainiens de se battre pour leur liberté et aussi la nôtre. La Covid-19 est une épidémie maîtrisée, de nouveaux médicaments innovants apparaissent chaque semaine, le vaccin remboursé a été un acte majeur de santé publique car il a sauvé des vies. L’intelligence artificielle devient utile dans de nombreux domaines sans que son estampille ne soit visible, la robotique est partout et l’espérance de vie progresse à nouveau en France (Figure N°1). Malgré cela certains décrivent un monde au bord de la catastrophe finale, substitut millénariste de la lutte finale marxiste des classes sociales. Ce discours de Cassandre rejoint le mouvement woke, c'est-à-dire appeler à la déconstruction des institutions fondamentales d’une société libre. Mais faire la tabula rasa est propice à l’instauration d’une dictature semblable à celles de l’axe Russie, Chine, Corée du Nord, Iran… Ce sont d’ailleurs les mêmes qui, égalitaristes en mots, bénéficiaient de régimes spéciaux de retraites. Les mêmes qui trouvent Poutine décideur et vaillant, les mêmes qui pourfendent le capitalisme qui leur procure leur niveau de vie y compris l'État providence.

Figure N°1 (a) et (b): Une extraordinaire aventure à gauche, l’espérance de vie dans l’ère moderne. L’économie de marché, le capitalisme, le progrès scientifique et l’innovation ont transformé l’humanité. À droite, en focus, la trajectoire récente de la France et la reprise de la croissance de l’espérance de vie en 2021 après la Covid-19.

Les Européens ne regardent plus la France comme un modèle depuis longtemps

Pourquoi? Parce que l’inflation, la production d’énergie, un système de soins qui assurent la prise en charge du risque grave et l’invasion Russe de l’Ukraine sont leurs véritables préoccupations. Parce que leurs retraites sont moins étatisées, plus équitables et plus dynamiques car liées à l’économie. En effet, la véritable réforme de la retraite par répartition est de la dépolitiser. La répartition est simplement un reversement de cotisations des actifs aux retraités. Seuls les politiques l’ont perverti en permettant que petit à petit au gré des droits octroyés mais non financés les cotisations (modèle bismarckien) ne suffisent plus aux dépenses. Régimes spéciaux, exemptions, passe droits, un millefeuille de caisses qui coûtent très cher à administrer et tout cela pour que la règle N°1 ne soit pas respectée, le système par répartition doit s'autofinancer à l'Euro près. Il y a longtemps que ce n’est plus le cas. C’est pourquoi en Europe il est équilibré partout ou presque par un pilier de capitalisation. Or cet équilibre des risques s’appelle un compromis sociétal et nous en sommes loin. Si loin qu’une agence le COR a diffusé des prévisions biasées sur l’équilibre financier en ne considérant qu’une hypothèse celle où les payeurs de taxe viendraient ad vitam abonder la répartition.


France : Quelle serait la situation des retraités s’ils avaient eu des fonds de pension depuis le début des années 1980 ?

Les retraites en France sont gérées presque entièrement en répartition. Le rendement de la répartition dépend de la croissance. De 1982 à aujourd’hui, le rendement réel de la répartition a alors été en moyenne de 1.8 % par an. Si les retraites en France avaient été gérées en capitalisation, l’épargne des Français aurait été placée dans des fonds de pension investis en actions et en obligations. De 1982 à aujourd’hui, le rendement réel (corrigé de l’inflation) d’un portefeuille d’actions a été de 11.4 % par an, celui d’un portefeuille d’obligations de 6.1 % par an. 1 euro de 2019 de cotisation au système de retraite en 1982 en France, correspond donc aujourd’hui à une richesse de retraite, toujours en euros de 2019, de :  1.93 euro en répartition ;  21.90 euros en capitalisation, en supposant un investissement moitié en obligations, moitié en actions. Le coût d’avoir eu, depuis 40 ans, seulement de la retraite par répartition en France est donc considérable.


Au lieu de cette focalisation sur la retraite par répartition il faut parler des questions essentielles

La défense du pays, comment et avec quels tanks, avions, canons et munitions et surtout pourquoi sommes-nous “à l’os” en matériel et munitions? La production tout court et d’abord la production énergétique, avec quelle technique, nucléaire, gaz, renouvelables et surtout qui est responsable de cette pénurie due à la disparition de notre souveraineté énergétique? Enfin les soins. L’État possède tous les leviers de ce système alors qu’il devrait n’être responsable que de l’écosystème qui lui permet de fonctionner. Pourtant ma voisine retraitée cherche toujours un médecin traitant depuis 3 ans et un de mes amis a attendu plusieurs mois pour se faire opérer d’un cancer. C’est maintenant partout en France que ces événements se produisent. Des questions qui fâchent et sur lesquelles les Français ne sont pas non plus innocents. Un adage anglais dit qu’on ne peut avoir son cake si on le mange, c'est-à-dire avoir le beurre et l’argent du beurre. Avoir le taxi médical remboursé et la cure thermale pour la 17ème année consécutive en même temps que le traitement d’un cancer dans les délais avec les meilleures chances de survie. Il faut choisir mais jamais les Français n’ont pu le faire. L’assureur est unique et le contrat n’existe pas. Les primes d’assurance sont très élevées et obligatoires tandis que les résultats sont très décevants. Finalement le pays s’est déchiré pour un avenir qui est assez lointain et progressif alors que le présent et le quotidien sont l’horizon des dysfonctionnements les plus impactants.

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