PS4 et Xbox 720 : Microsoft et Sony creusent-ils leurs tombes en se lançant dans une course à la performance technologique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A l'occasion du Tokyo Game Show, les personnes s'intérrogent sur la possible annonce de la future Playstation 4.
A l'occasion du Tokyo Game Show, les personnes s'intérrogent sur la possible annonce de la future Playstation 4.
©Reuters

Erreur stratégique

La Playstation 4 et la Xbox 720 pourraient voir le jour en 2013. Mais l'arrivée de cette nouvelle génération révèle les limites des choix stratégiques effectués par les éditeurs, poids lourds de l'industrie depuis la fin des années 90.

Adrian Bessière

Adrian Bessière

Adrian Bessière a travaillé pour l'industrie vidéoludique au sein de nombreux projets, notamment sur le contrôle qualité et le support client.

Il garde un oeil critique sur les nouvelles tendances qui agitent le secteur.

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Alors que se tient en ce moment leTokyo Game Show, beaucoup s'interrogent sur l'annonce possible de la future Playstation 4 par Sony. Microsoft fait l'objet des mêmes spéculations au sujet de la Xbox 720, appelée à succéder à la Xbox 360. La technologie de la génération actuelle se fait vieillissante, les ventes de consoles et de jeux diminuent, tout le monde se prépare à la relève. Pourtant, l'arrivée de cette nouvelle génération révèle les limites des choix stratégiques effectués par les éditeurs, poids lourds de l'industrie depuis la fin des années 90.

Depuis les balbutiements de l'industrie, les coûts de développement d'un jeu vidéo n'ont cessé d'augmenter, l'exploitation des améliorations technologiques nécessitant des équipes toujours plus importantes et qualifiées. Pour faire face à cette réalité, les éditeurs qui tenaient les cordons de la bourse décidèrent de se concentrer sur les genres les plus populaires, donc les plus rentables, et de délaisser les marchés de niche .Le studio de développement Troika Games spécialisé dans le jeu de rôle dût, par exemple, mettre la clé sous la porte par désintérêt des gros éditeurs (tels que Electronic Arts, Ubisoft et Activision) bien que ses jeux soient profitables, comme l'explique son fondateur Tim Cain. Certains genres ont ainsi presque disparu des écrans tandis que d'autres ont vu leurs offres augmenter au-delà de la capacité du marché.

Le genre qui réalise les plus grosses ventes, les jeux de tir à la première personne (FPS), est largement dominé par la licence Call of Duty d'Activision dont chaque épisode établit un nouveau record de vente. Call of Duty : Modern Warfare 2 aurait coûté prés de 50 millions de dollars avec un budget marketing de 200 millions de dollars et aurait rapporté... 550 millions en 5 jours. Record battu par sa suite avec 775 millions...De tels résultats font évidemment l'envie de toute l'industrie et chaque éditeur tente de copier le succès du jour, avec toujours plus de moyens. Les seules améliorations apportées sont souvent cosmétiques car c'est le seul aspect que l'on peut se permettre de changer sans risquer de modifier la formule magique. Pour un résultat qui ne sautera pas forcément aux yeux de la plupart des joueurs...

Pour cette raison, la qualité du graphisme est souvent l'argument de vente numéro 1 pour une nouvelle console,  les premiers jeux qui lui sont destinés servent en général de vitrines technologiques. Si ces nouvelles consoles sont tant attendues, c'est d'abord pour leur puissance de calcul qui permettra d'améliorer l'aspect technique des jeux. Pour en tirer parti, il faudra des équipes plus nombreuses, plus qualifiées et travaillant plus longtemps. Bref, les coûts de développement vont exploser et les éditeurs vont restreindre plus encore leurs offres, comme l'avoue le pdg d'Ubisoft, Yves Guillemot.

Il est courant dans l'industrie de voir des studios fermer après un seul échec commercial. Il est fort probable que ce phénomène s’étende aux éditeurs eux-mêmes avec la prochaine génération de consoles car cette stratégie plus que précaire va clairement à l'encontre des tendances du marché.

Le public des joueurs s'est fortement élargi lors de la dernière décennie. La console la plus vendue de la génération actuelle est aussi la moins puissante et la moins chère, la Nintendo Wii. Les secteurs les plus porteurs des dernières années ont été le jeu social (FarmVille), le jeu sur smartphone dont Angry Bird est le porte drapeau et le Free-to-play, le point commun à ces trois tendances étant le faible coût pour le consommateur. Pour beaucoup de ces nouveaux joueurs, la qualité technique du graphisme n'est pas un argument de vente en soi et ne saurait en aucun cas justifier un prix de vente trop élevé.

Ce changement a en grande partie était rendu possible par le développement des ventes en ligne sur des plates-formes telles que Steam, Xbox Live ou PSN. Libérés des contraintes matérielles de l'édition, de multiples jeux à petit prix ont pu voir le jour et connaître le succès. Des jeux certes moins ambitieux, mais aussi plus amusants, innovants ou originaux.

Les succès récents des outils communautaires de financement comme Kickstarter ou Ulule peuvent ainsi être vus comme un symbole de l'ignorance des désirs d'une partie importante des joueurs. Dans ce modèle, des projets ayant échoué à trouver un financement chez un éditeur (ou décidant de s'en passer) demandent la participation directe des joueurs pour récolter les sommes nécessaires. La somme demandée pour le développement de Wasteland 2 était de 900 000 dollars. Prés de 3 millions de dollars seront finalement récoltés pour réaliser la suite d'un jeu paru en 1988 ! Tim Schafer, figure légendaire du Point & Click n'avait pas pu en réaliser un depuis prés de 12 ans par faute de moyens. Les 400 000 dollars demandés ont été récoltés en quelques jours, avec 3 millions de dollars de bonus.

Un tel engouement devrait inquiéter les éditeurs. Il dénote d'abord une grande frustration de la part de certains joueurs qui ont longtemps été privés de jeux qu'ils désiraient ardemment, frustration qui s'exerce à l'encontre des éditeurs. De plus c'est autant d'occasions manquées, ces projets aurait comporté une part de risque très faible pour un éditeur, qui aurait pu ainsi toucher une partie des bénéfices, enrichir son catalogue à moindre frais et, peut-être, s'assurer le contrôle de la licence pour des suites éventuelles.

En réponse à ce besoin de diversité et de baisse des prix, Sony, Microsoft et les éditeurs n'ont pas trouvé mieux que de lancer une génération de jeux peu variés et excessivement chers à produire. Cependant tout n'est pas perdu, les lignes bougent. Les éditeurs investissent de plus en plus les secteurs des jeux sur mobile et des Free-to-Play et commencent à s'intéresser aux productions indépendantes.

Il leur faudra parvenir à créer un écosystème viable, dans lequel de nombreux petits jeux de niches assureraient une certaine sécurité, diminuant ainsi les risques encourus sur les projets les plus importants tout en constituant un vivier de talents et une pépinière d'innovation dans laquelle l’éditeur pourrait piocher à l'envie. Pour Sony et Microsoft, la tache est plus complexe. Ils doivent assurer un gain visible de performances pour justifier l'achat tout en maintenant un prix relativement bas. Nintendo avait déjà choisi son camp avec la Wii et poursuit sur ce chemin avec la Wii U qui ne sera pas très puissante mais sera livrée avec une tablette comme contrôleur et qui fera sûrement la part-belle aux jeux simples et accessibles.

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