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Projet de loi confortant le respect des principes de la République : l'occasion d’un nouvel élan pour la liberté de conscience
Projet de loi confortant le respect des principes de la République : l'occasion d’un nouvel élan pour la liberté de conscience
©Thomas SAMSON / AFP

Loi de 1905

Alors que la Commission des Lois du Sénat a examiné le projet de loi les 17 et 18 mars derniers, en vue de l’examen en séance qui s’ouvrira le 30 mars, des voix s’élèvent parmi les représentants des cultes pour faire entendre leurs préoccupations légitimes. La réponse du ministre de l’Intérieur, appelant à une union sacrée contre le terrorisme, n’est pas de nature à apaiser les inquiétudes exprimées. Des solutions existent pourtant pour concilier les intérêts et enjeux en présence.

Matthieu Ragot

Matthieu Ragot

Matthieu Ragot est Avocat à la cour. 

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Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est lesté, depuis son origine, par une dualité qui nuit à la clarté des débats. Ce même texte se propose en effet, en son Titre I, de garantir le respect des principes républicains et, en son Titre II, de réformer le droit des cultes, régi par la loi du 9 décembre 1905.

Cette dualité place les cultes dans une position délicate : dès lors que ce texte ambitieux a pour objet de répondre à la nécessité impérieuse de lutter contre les phénomènes séparatistes, il ne devrait susciter, à en croire le Gouvernement et le législateur, qu’une adhésion unanime et docile. Dans ce contexte, toute voix dissonante serait suspectée de ne pas être pleinement mobilisée dans ce front républicain. Les réserves et objections émises par les cultes seraient d’autant moins audibles que les contraintes juridiques et administratives supplémentaires auxquelles le projet de loi les assujettirait sont présentées comme modestes. En d’autres termes, les cultes seraient priés, au nom de la poursuite d’un objectif louable et pressant, d’endurer en silence les nouvelles règles qui leur sont imposées.

Les cultes ont pourtant des raisons légitimes d’être inquiets, pour au moins deux raisons.

D’abord, si la loi de 1905 a déjà été modifiée par le passé, elle ne l’avait pas encore été dans cette ampleur. Or, tandis que la loi de 1905 a donné lieu à l’un des plus longs débats parlementaires de l’histoire française, le Titre II de l’actuel projet de loi a été discuté en séance devant l’Assemblée Nationale en moins de… deux jours. Un rééquilibrage du débat s’impose donc devant le Sénat, afin que tous les aspects du texte bénéficient d’un même niveau d’attention et de vigilance.

Ensuite, en liant la lutte contre le séparatisme politico-religieux et la réforme du droit des cultes, l’Etat diffuse un message ambigu : les cultes se trouvent amalgamés malgré eux à des phénomènes politiques et sociaux anti-républicains, auxquels ils sont étrangers. En effet, dans leur écrasante majorité les cultes n’aspirent qu’à exercer sereinement leurs activités dans le respect des principes républicains, au rang desquels figurent la laïcité et la liberté de conscience. Malgré cela, le nouveau cadre juridique et institutionnel prévu par le projet de loi alourdira incontestablement l’organisation et le fonctionnement des cultes. Quant aux mouvements séparatistes, ils n’hésiteront pas à s’affranchir de ces nouvelles contraintes, ce qui permet d’émettre de sérieux doutes quant à leur effectivité au regard de l’objectif poursuivi.

Le projet de loi peut-il être rééquilibré, sans nuire à la lutte contre le séparatisme ? Nous le pensons, car des convergences sont identifiables. Afin de contrebalancer les nouvelles contraintes imposées aux cultes, le législateur devrait s’attacher à réaffirmer la liberté de conscience et l’autonomie organisationnelle des cultes.

Concrètement, puisque l’objectif du texte – encore récemment rappelé par le ministre de l’Intérieur – est d’inciter les cultes à rejoindre le régime associatif spécial prévu par la loi de 1905, il devrait en élargir la définition et l’objet. Ainsi, toutes les activités qui contribuent directement ou indirectement à l’exercice du culte – tel que par exemple l’enseignement religieux – devraient pouvoir être exercées sous ce régime.

De même, en réaffirmant expressément que la République ne définit aucun culte, ni aucune modalité de ce culte, le projet de loi insufflerait un nouvel élan au principe de laïcité et permettrait d’embrasser toute la richesse actuelle du fait spirituel en France.

Enfin, et dans cette même perspective, en préférant la notion générale de « personnel religieux » à celle – plus connotée et inadaptée à certaines religions – de « ministre du culte », le projet de loi renforcerait la neutralité de l’Etat à l’égard des cultes.

Ces quelques mesures contribueraient à rendre le droit des cultes véritablement inclusif, dans le respect de liberté de conscience. Tous les cultes – les religions abrahamiques traditionnelles comme les mouvements religieux très minoritaires (bouddhistes, hindouistes, mouvements émergents, etc.) – seraient ainsi incités à rejoindre le régime associatif de la loi de 1905, conformément au souhait du législateur.

Outre ces quelques mesures, le rééquilibrage du projet de loi passerait également par la création de nouvelles garanties procédurales en contrepartie des pouvoirs élargis qui seront conférés à l’Etat en matière de contrôle administratif et de police des cultes. Ces garanties apparaissent indispensables pour permettre aux associations religieuses de se prémunir efficacement contre tout risque de décisions arbitraires. La loi disposant tant pour le présent que pour le futur, il est impératif de veiller à ce que les cadres juridiques actuels ne puissent pas, à l’avenir, être détournés en armes au service de politiques qui viseraient à porter atteinte à la liberté de croyance.   

Matthieu Ragot

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