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Le Liban peut-il profiter de la crise syrienne pour s’émanciper ?
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Pile je gagne, face...

La "révolution" syrienne et sa répression condamnée par une grande partie de la communauté internationale pourrait bénéficier au pays limitrophe, longtemps sous le joug de son voisin. Mais le Liban se retrouve pris en otage de ses contradictions internes.

Jean-Marie Quéméner

Jean-Marie Quéméner

Jean-Marie Quéméner est Rédacteur en chef pour Canal +

Il est l'auteur de « Dr Bachar, Mr Assad » (Encre d’Orient, 2011)

 

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Il fait déjà lourd en cette fin avril 2006. Un convoi quitte Beyrouth dans des vapeurs diesel qui semblent n’appartenir qu’aux camions militaires, direction Chtaura, la frontière et plus loin Damas. Les soldats syriens viennent de quitter le Liban après trente ans de présence et plus de quinze à régner en maîtres sur le petit pays voisin.

Premier échec pour Bachar el-Assad qui a pris en charge ce dossier, à la mort de son frère, Bassel, devenant de facto héritier d’Hafez el Assad. Le credo de ce dernier à l’époque : "Syrie, Liban : deux pays, un seul peuple"

D’abord déstabilisés, les partis pro-syriens du Liban (Hezbollah en tête) reprennent peu à peu du poil de la bête. Le ralliement des chrétiens du général Aoun leur permettent très vite de sortir officiellement du carcan confessionnel. Les chiites ne sont plus seuls à soutenir les Assad.

Les errements et les luttes intestines du mouvement du 14 mars (celui-là même qui fit plier les Syriens) permettent même aux amis de Damas de s’installer de nouveau au Grand Sérail (le siège de la présidence du Conseil, l’équivalent de notre Premier ministre).

La révolution syrienne change-t-elle la donne ?

Pas vraiment. Le Hezbollah tient à l’Iran qui soutient la Syrie qui ne lâche pas le « parti de dieu »… Tout le monde se tient par la barbichette, les armes, le renseignement, l’énergie et l’argent…

Le Liban se retrouve ainsi pris en otage de ses contradictions internes et de ses allégeances à géopolitique variable.

En interne doit subsister le mythe de l’équilibre confessionnel. Mais il est rompu depuis longtemps. Les chiites d’abord, les sunnites après et les chrétiens loin derrière. Le "miracle libanais" repose d’abord et avant tout sur des faux semblants et très notamment celui d’une démocratie confessionnelle devenue de facto une myriade de fiefs plus ou moins grands, puissants ou à peine capables de nuire, et donc d’une lutte de baronnies. Le ciment de cette construction politique aléatoire tient en un argument de cour de récréation : "retenez moi ou je fais un malheur". Le spectre d’un retour à la guerre civile, usé comme l’épouvantail du pays d’Oz, sert à tout et à rien mais s’avère efficace. Ici, on joue à se faire peur en effrayant des pays occidentaux pris dans le piège à loup libanais depuis trop longtemps. La France, les Etats-Unis, la Russie, l’Iran, la Syrie… Chacun sa marionnette. Mais pas un seul marionnettiste…

Parce que la survie des Libanais - et du Liban - tient à leur capacité à se rendre indispensables à un règlement régional, et à faire croire à tout à chacun qu’il détient la solution, la chute d’Assad n’effraie réellement personne.

Le Hezbollah peut compter sur l’Iran pour redoubler d’efforts. Son imbrication avec les services syriens tiendra bon, quel que soit le maître de la place des Omeyyades. Les réseaux de trafiquants existent par ailleurs depuis l’époque biblique, peu de chance qu’ils disparaissent avec la dynastie des Assad.

Le front anti-syrien en tirerait une légitime fierté et quelques leçons de démocratie qui viendront se briser sur le mur libanais comme en 2005 puis en 2008.

Le Liban enfin, pays de services, notamment bancaires, a su profiter de l’embargo occidental sur la Syrie… Il profitera tout aussi bien et sans le moindre scrupule – d’un retour de Damas sur la scène économique internationale.

Les Libanais, à leur façon, aideront à reconstruction d’une Syrie qu’ils aiment détester. La survie encore : un Liban fort n’aurait plus l’excuse de sa faiblesse pour expliquer ses dysfonctionnements.

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