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L'économie européenne s'enfonce : les effets des politiques de refinancement de la BCE sont-ils déjà estompés ?
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Production manufacturière en berne

Après une éclaircie sur les prévisions de croissance liée aux interventions de la Banque centrale européenne, la récession pourrait faire son retour dans la zone euro en 2012, et la croissance rester atone en 2013. Une situation qui ne croit pas surprendre : les interventions audacieuses de la BCE n'avaient pour but que de gagner du temps. Aux Etats de prendre le relais.

Denis Ferrand

Denis Ferrand

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Denis FERRAND est Directeur Général de Rexecode où il est notamment en charge de l’analyse de la conjoncture de la France et des prévisions macroéconomiques globales. Il est également vice-Président de la Société d’Economie Politique. Il est membre du Conseil National de l’Industrie et du Conseil d’Orientation pour l’Emploi au titre de personnalité qualifiée. Chroniqueur pour Les Echos, il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et pour le Master APE de l’université Paris-Panthéon Assas.

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Les interventions massives mises en œuvre par la Banque Centrale Européenne à la fin de l’année dernière puis en février avaient contribué à l’amélioration du climat des affaires comme au redressement des marchés boursiers intervenus durant la première partie de l’année. Cette éclaircie avait même conduit le FMI a réviser, modestement, à la hausse de deux dixièmes de point son anticipation de croissance du PIB en zone euro pour 2012 (et de trois dixièmes dans le cas de la France) dans ses prévisions délivrées en avril par rapport à celles de janvier.

Las, cette éclaircie s’est dissipée à mesure que les inquiétudes sur la situation des finances publiques des pays du sud de l’Europe se sont à nouveau amplifiées. Le thème du retour en récession de la zone euro fait à nouveau surface, la Commission européenne pronostiquant désormais une contraction du PIB de la zone euro de 0,3 % en 2012 puis une croissance de seulement 1 % en 2013.

Les ballotements entre pessimisme outrancier et optimisme exagéré n’aident pas à l’analyse du moment conjoncturel et des trajectoires économiques en cours. Ce que l’on peut retenir est qu’au même titre que les craintes d’une rechute de l’ensemble de la zone euro restent à ce jour encore exagérées, les attentes suscitées par les interventions audacieuses de la BCE étaient sans doute un peu trop fortes. Celles-ci n’étaient aucunement le sésame de la sortie de crise. Elles n’avaient d’autre objectif que de permettre d’acheter du temps au temps, celui qui permettra aux Etats de se mettre sur les rails de la consolidation budgétaire en limitant la hausse de leurs charges d’intérêt, d’une part, et de baisser le coût de l’accès à la ressource financière pour les établissements de crédit, d’autre part.

Ce second objectif a été atteint et c’est une hypothèque forte qui a été levée pour les évolutions de la conjoncture européenne. La baisse des taux sur les obligations des entreprises du secteur financier en témoigne. Il a été atteint à un point tel que les établissements de crédit interrogés en avril dernier ont signalé que pas plus l’évolution de la position de liquidité de leur établissement que le coût de l’accès au financement n’étaient désormais un motif de durcissement des conditions d’accès au crédit pour les emprunteurs contrairement à l’observation effectuée en janvier 2012. En revanche, ce que souligne cette même enquête, c’est que la demande de crédit a fléchi en début d’année. Que celle-ci soit en provenance des ménages, en vue de l’acquisition de leur logement, ou des entreprises, notamment dans l’objectif du financement de l’investissement. En résumé, le risque de crédit crunch, d’un rationnement du crédit, s’est affaibli. Le risque clé désormais redevient celui de la révision des anticipations par les acteurs privés.

De ce point de vue, quelques éléments sont à rappeler. Il est probable que la progression du revenu des ménages en Europe en général sera désormais plus faible que celle de la croissance (contrairement a ce qui a été observé tout au long des années 2000 en France). Ce n’est en conséquence pas dans la dépense des ménages que devra être recherché le premier soutien à une croissance affaiblie pas plus qu’elle ne pourra l’être dans la dépense d’administrations publiques impécunieuses. En revanche, la situation financière des entreprises européennes a été plutôt consolidée au cours des trois dernières années, leur taux d’autofinancement reste ainsi plutôt élevé, en tout état de cause plutôt au-dessus de sa moyenne de longue période, ce qui peut leur autoriser quelques marges de manœuvre en matière de financement de l’investissement.

Ces marges de manœuvre seront saisies pour peu que le paysage conjoncturel ne s’obscurcisse pas plus qu’il ne l’est déjà. Si les nuages sont clairement identifiés en Europe et plus encore localisés dans sa partie sud, les éclaircies paraissent dissimulées. Elles sont à rappeler. L’euro a repris un mouvement de dépréciation plutôt favorable à la compétitivité européenne. L’activité mondiale paraît certes rechercher un second souffle après son rebond du début d’année, en particulier dans les zones émergentes, mais le redressement américain paraît prendre corps alors que l’économie japonaise sort lentement de l’ornière.

Par ailleurs, si l’activité fléchit sensiblement en Chine, la réactivité du pilotage macroéconomique est forte ; les baisses des taux des réserves obligatoires des banques en témoignant. Les baisses de taux directeurs observés également dans nombre d’économies émergentes montrent que des marges de manœuvre demeurent pour la politique monétaire dans ces pays. Enfin, toutes les économies européennes ne sont pas logées à la même enseigne et si les affres subis par les économies grecque et espagnole les vouent à la récession, l’activité allemande, encore portée en premier lieu par ses performances à l’exportation, reste insolemment tirée à la hausse.

Au total, la partie vide du verre de la conjoncture est bien identifiée. La partie pleine l’est un peu moins peut-être parce qu’elle porte la trace d’apports éloignés (croissance américaine, japonaise, économies émergentes). Cette situation nous rappelle qu’avant d’être une affaire de relance, la recherche de la croissance passe d’abord par la construction d’une capacité à tirer partie des gisements de croissance qui existent quand bien même ils seraient éloignés.

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