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Les candidats à l'élection présidentielle auront-ils la capacité d'agir réellement sur le pouvoir d’achat des Français au regard du contexte international ?
Les candidats à l'élection présidentielle auront-ils la capacité d'agir réellement sur le pouvoir d’achat des Français au regard du contexte international ?
©SAMEER AL-DOUMY / AFP

Mauvais cru

Alors que la campagne présidentielle est bouleversée par la guerre en Ukraine, les candidats vont-ils être en mesure d'agir réellement sur le pouvoir d’achat hexagonal ?.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Quelques réflexions désabusées sur la « campagne » et sur 2022 dans le monde

En vrac, en brut et en méchant :

1/ Poutine est « un boucher », dit Biden après 2000 morts civils en Ukraine. C’est assez évident, tout son CV en atteste, depuis les premiers jours de son alliance avec la mafia de St-Petersbourg jusqu’au plutonium retrouvé dans le yaourt de ses opposants. Oui mais alors : quel adjectif ou quelle désignation professionnelle utiliser pour nos chers alliés les princes d’Arabie, après les dizaines de milliers de morts civils au Yemen ? « Bouchers Halal » ? J’attends le moment où le très courageux Bruno Lemaire va saisir les yachts de nos clients amis les tueurs de masse enturbannés. Un indice pour le fisc : allez faire un petit tour du côté d’Antibes. N’oubliez pas Paris. Et je n’aime pas cafter mais perquisitionnez chez xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx.

2/ Des indices, il en faut beaucoup à notre administration de fins limiers. Des centaines d’énarques à l’IGAS, à la DARES, dans les ARS et dans les dizaines d’organismes en charge du « contrôle » des 800 milliards (par an) de dépenses sociales, et bien entendu c’est un journaliste qui balance ce que tout le monde sait (à condition d’avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre) après 30 minutes de visite dans n’importe quel Ehpad, chez Orpéa ou ailleurs. Question 1 : à quoi peut bien servir Dominique Méda et ses collègues, à part organiser des symposiums sur le rôle des femmes dans l’œuvre de Karl Marx ? Question 2 : ne pourrait-on pas faire semblant un jour d’avoir de vrais parlementaires pour auditer et évaluer l’Etat Providence, ce Léviathan devenu vieux et fou, comme dans les pays démocratiques ? Et au passage ne pourrait-on pas inclure dans le périmètre de leur contrôle une autre institution peuplée de vieillards qui ont perdu la boule, la BCE ?  

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3/ On nous dit tous les jours que le pouvoir d’achat est plus important pour les Français que l’immigration et la sécurité. J’ai des doutes, mais admettons. Sauf que les mêmes qui nous rabâchent cela ont fait en sorte que l’on ne puisse plus vraiment agir sur le pouvoir d’achat hexagonal : depuis que la politique monétaire est satellisée à Francfort (« sanctuarisée » à Francfort, disait JC Trichet), plus de 80% de la politique économique ne sont plus de notre ressort, et si vous ajoutez diverses choses, comme la sénilité de notre Etat Providence, et Macron qui crame la caisse, les marges de manœuvre sont quasi-nulles, une petite baisse d’impôts par ici, une petite subvention par là, dormez tranquilles pendant que les choses sérieuses se décident (sans vous). Depuis quand un politicien français a-t-il fait bouger une courbe de marché, chose que parvient à faire un stagiaire de la BCE ? Par contre, les questions d’immigration et de sécurité appartiennent (encore ? pour combien de temps ?) au champ de notre volonté consciente et nationale, ou à peu près. Dégager les gauchistes de l’Ofpra par exemple pourrait se faire assez rapidement, à condition de le vouloir, sans autorisation préalable de Christine Lagarde. Et après tout, rien ne nous empêche de signifier à la junte algérienne qu’elle n’est plus autorisée à déverser le trop plein de ses prisons sur nos villes et nos banlieues. Il est vrai que menacer de se passer du gaz algérien au moment où l’on cherche à faire croire que l’on pourrait se passer du gaz russe constituerait une manœuvre hardie. L’Europe manquait déjà de lumières, elle va bientôt manquer d’électricité ?

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4/ Pauvre Ukraine, si loin de Dieu, si proche de la Russie. Mais ce n’est pas une raison de mettre toute la géopolitique en mode wokistan de l’extrême. Comme le dit Elon Musk dans un tweet récent : si ça continue, il parait que Netflix va sortir une nouvelle série, ce sera l’histoire d’amour entre un combattant black ukrainien et un soldat russe transgenre. Pour être constructif et pas polémique du tout, je vois trois amorces d’évolutions positives dans tout ce bazar.

Primo, la réhabilitation des nouvelles huiles américaines. Que n’a-t-on pas dit à propos du gaz et du pétrole de schiste… et maintenant, que ferait-on sans eux ? On va nommer ça GNL, et ça passera même à Libération. On parlera un peu moins des 700 milliards d’euros que l’Allemagne a balancé sur 20 ans dans les énergies renouvelables avec le succès éclatant que l’on voit. On parlera aussi un peu moins des « cascades de faillites inéluctables » que Jancovici & cie prophétisaient pour les acteurs US du secteur, au prétexte qu’ils n’étaient pas « rentables » (les compagnies aériennes, Deutsche Bank et les majors du cinéma n’ont plus ne gagnent pas d’argent officiellement depuis fort longtemps… sauf qu’il faut voir comment tous ces gens se payent avant de publier leurs comptes… le moindre ouvrier de base dans l’Ouest du Texas touche 200 000 dollars pour 6 mois de boulot, et le proprio du terrain bien plus, et le banquier idem, donc tout ce beau monde a intérêt à forer et à pomper, de même que les producteurs hollywoodiens ont intérêt à sortir des films mêmes « peu rentables », peut-être parce qu’ils ne vivent pas dans des T2 comme une approche à la Jancovici le suggérerait).

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Deusio, la réhabilitation de la Pologne, pays massacré par notre presse de caniveau. On veut les faire passer pour des xénophobes, ils accueillent 4 millions d’étrangers. On veut les faire passer pour des suppôts de l’OTAN, eh bien… que dire, à part que le concept macronien de « défense européenne » (avec les Allemands à l’achat sur les F35…) apparait de moins en moins rattaché au monde réel ? Les deux dernières fois que les polonais ont cru aux belles promesses françaises, ils ont été violés de tous les côtés, allez savoir pourquoi ils hésitent un peu à tout miser sur notre glorieuse armée de retour du Mali.  

Exemple de racisme anti-polaks avec Les échos Week-End, l’hebdo néo-branchouille du cadre sup’ qui garde ses valeurs de gôche avec une montre à 20 000 euros, octobre 2019, titre : « L’euro-schizophrénie des polonais », sous-titre : « totalitarisme soft » (sic) ; je cite :

« Varsovie a largement profité de son adhésion à l’UE, et pourtant le pouvoir multiplie les atteintes à ses valeurs fondamentales. La société se trouve écartelée entre une croissance sous stéroïdes et des débats de société rétrogrades ». Tout respire le mensonge orwellien digne de l’agence Tass dans cette phrase :

a/ Il n’y a pas de mal à « profiter » d’une adhésion, la France devrait d’ailleurs y songer, un jour,

b/ Le pouvoir ? Vous voulez dire : le pouvoir élu et réélu, à la régulière et à une nette majorité ?

c/ Les atteintes : on parle de possibles interventions dans des nominations de juges (ceci est impossible à Paris, voyons !!), d’attaques contre le lobby LGBT (sans précisions, et sans victimes), du refus d’accueillir des syriens en masse vu le contexte avec l’Ukraine depuis 2014 (c’est leur droit le plus strict), et de cette volonté sordide d’aider les familles pauvres et nombreuses (une politique dénuée de fondements dans un pays à la natalité en berne et où un million de travailleurs sont partis au Royaume-Uni…), ah les valeurs fondamentales de l’Europe sont vraiment menacées par les Polonais en 2019, alors qu’au même moment en Espagne des manifestants pacifiques prennent dans un silence assourdissant pour 10 ans de prison avec des droits communs, 

d/ Une croissance (très linéaire depuis 30 ans…) sous stéroïdes ? Leurs finances publiques sont bien mieux tenues que les nôtres !! Et a fortiori depuis que cet article a été publié,

e/ Des débats de société rétrogrades ? que j’aimerais entendre un jour à nouveau à Paris, où on ne débat plus, même de choses « rétrogrades ». Derrière tout ce fatras et cette novlangue on sent toute la haine du journaleux parisien pour un pays catho et fier de l’être. A noter que cette pensée franc-maçonne nous a déjà coûté très cher et n’est pas sans lien avec les bombardements à Lvov ce week-end : une bonne partie des conflits en Europe centrale et orientale ont pour origine 1919 et la décision funeste des élites de la IIIe République de disloquer l’Autriche-Hongrie trop proche du Vatican à leur goût (relire par exemple les œuvres de François Fejto).       

Avec la Russie, et demain avec la Turquie ou l’Arabie, j’espère qu’on parlera moins du « totalitarisme soft » de la Pologne et plus du totalitarisme hard qui se porte très bien sur cette planète (et que nous subventionnons gaiement quand nous ne l’armons pas carrément).

Tertio, nous pourrions demander suite à cette crise géopolitique qui a secoué nos banques que ces dernières fassent ce que leurs homologues américaines ont fait massivement en 2009, se recapitaliser. Car à chaque crise c’est pareil, on redécouvre leur vulnérabilité, la taille démentielle de leurs bilans et de leurs hors-bilans, leur dépendance aux guichets de la FED et de la BCE pour l’accès à la liquidité en dollars. Ce n’est pas « normal » et très sein que la taille des bilans de la Société Générale et de la Wells Fargo soit comparable, pour un différentiel de capitalisation de l’ordre de 1 à 9 qui n’a rien de conjoncturel. Les Américains ont fait le job d’injecter du capital, job fort impopulaire (chez eux ce sont les banquiers commerciaux et centraux qui étaient jugés responsables de la crise de 2008, alors que chez nous on a réussi à faire croire que c’était le « capitalisme » comme concept, ou les Grecs, ou les économistes libéraux). Nous n’avons recapitalisé que trop peu et trop tard, puis c’est la BCE qui a pris le contrôle des 128 grands établissements du continent et qui les a infantilisé au maximum au point qu’aujourd’hui ce ne sont plus que des antennes locales de distribution de crédits et des relais de la bonne parole francfortoise (je te tiens par la barbichette, le premier qui rouspète il est mort). Mais bien entendu cette recapitalisation n’est pour l’heure qu’un doux rêve, l’actionnaire des banques eurolandaises va encore se faire balloter comme un vulgaire actionnaire de compagnie de fracking US (en pire), pendant que les directions générales bien à l’abri derrière les ponts levis de la BCE se distribueront de jolis salaires et de jolies primes en se félicitant de leurs efforts séculaires sur les ratios de core tier 1.   

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