Poussée aux régionales : vote-t-on pour le RN à une élection locale comme on vote dans une présidentielle ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Laurent Jacobelli, tête de liste RN aux élections régionales dans le Grand Est.
Marine Le Pen et Laurent Jacobelli, tête de liste RN aux élections régionales dans le Grand Est.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Vraie ou fausse dynamique ?

Le Rassemblement national semble en progression à une semaine des élections régionales, mais il s'agit d'une trajectoire en trompe-l'œil : ses potentiels scores mesurés sont plus faibles que lors des régionales de 2015 dans plusieurs régions.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Quelle est la dynamique actuelle du RN en vue des prochaines élections ? Si le parti semble en progression, ses potentiels scores sont mesurés plus bas qu’en 2015 dans plusieurs régions. Comment expliquer cette trajectoire en trompe-l'œil ?

Bruno Cautrès : C’est effectivement ce que montre l’analyse des derniers sondages d’intention de vote dans les régions. Le quotidien Le Monde vient de publier une analyse détaillée sur cette question qui montre qu’en 2015 « le FN avait obtenu des scores supérieurs à 30 % dans six régions, ce n’est plus vrai que dans trois, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), en Occitanie et dans les Hauts-de-France. Le très bon score de 2015 avait eu lieu juste après les attentats de novembre, qui avaient incontestablement provoqué un surcroît de mobilisation et un coup de fouet au vote lepéniste » nous dit Le Monde. Sans entrer dans le détail des différents cas de figure (par exemple, dans le Grand-Est le FN avait obtenu 36,1 % des voix en 2015 alors que le RN serait aujourd’hui aux alentours de 25 % ; mais Florian Philippot, présente une liste donnée à 8 %. Laurent Jacobelli pourrait faire un score légèrement inférieur au second tour que le FN en 2015 mais conserve des chances de victoire), plusieurs phénomènes expliquent le paradoxe de ce « trompe-l’œil » et au premier rang l’abstention différentielle : l’électorat du RN est aujourd’hui très fidélisé, les électeurs de Marine Le Pen de la présidentielle voteront massivement pour les listes et candidats RN aux régionales et départementales ; mais la situation est plus incertaine dans les autres électorats où l’abstention pourrait être importante au premier tour, notamment à gauche.

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Si l’abstention est importante dans plusieurs électorats, mécaniquement cela avantage le RN dont l’électorat est mobilisé et loyal à ses candidats. Sans être en progression en nombre de voix, le RN peut ainsi maintenir ou stabiliser ses pourcentages de votes exprimés, d’où l’idée d’une « dynamique en trompe-l’œil ». Il faut néanmoins noter que les intentions de vote dans plusieurs régions laissent présager un RN plus haut qu’en 2015 en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Les scores prédits en Bretagne sont une donnée importante car ils montrent une progression dans une région jusqu’à présent peu favorable au RN. Enfin, la situation paradoxale de ce « trompe l’œil » pourrait néanmoins conduire le RN a gagné une ou plusieurs régions cette année, notamment PACA.

Il faut aussi noter que cette « dynamique en trompe-l’œil » peut être rapprochée de la situation du parti dans l’opinion. Si le RN se remet progressivement de l’échec de l’élection présidentielle de 2017 et du débat raté de l’entre-deux tours, sa reconquête de l’opinion (en termes de soutien aux idées du parti et de l’image de Marine Le Pen) est certaine mais ne lui permet pas encore de retrouver les niveaux de 2015-2017.  

De ce que l'on sait des précédents résultats, vote-on pour le RN à une élection locale comme on vote dans une présidentielle ?

Il faudrait distinguer entre les différentes élections locales : les régionales sont les élections locales les plus nationalisées. Le vote aux régionales, et pas seulement en faveur du RN, a une forte composante nationale comme le montrent cette année toutes les analyses des tendances de l’opinion publique : ce sont les sujets régaliens nationaux ou des sujets de politiques publiques nationales (sécurité, immigration mais aussi sortie de la crise Covid, chômage et pouvoir d’achat) qui sont mis en avant comme sujets de préoccupation des français. Néanmoins, l’élection présidentielle reste spécifique : même si « l’effet candidat » commence à prendre de l’importance aux élections régionales, du fait de la présence dans la compétition de personnalités politiques nationales (dont certaines comme Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand sont candidats potentiels à la présidentielle), il est majeur à l’élection présidentielle. Par ailleurs, le mode de scrutin n’est pas le même : aux régionales c’est un mode de scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne (et prime majoritaire) ; si les listes de candidats sont régionales et elles sont constituées d’autant de sections qu’il y a de départements dans la région. L’étiquette partisane permet aux électeurs de mieux se repérer dans les élections régionales alors qu’à l'élection présidentielle « l’effet candidat » joue à plein. L’image du candidat est donc un élément central de la présidentielle et cela vaut pour Marine Le Pen comme pour les autres candidats. Pour la présidentielle, deux dimensions d’image sont essentielles dans « l’effet candidat » : la dimension horizontale de proximité avec les Français (point fort de Marine Le Pen) et la dimension verticale de l’autorité présidentielle et du charisme présidentiel (en 2017 point faible de Marine Le Pen).

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Dans quelle mesure les résultats aux régionales seront un bon indicateur pour 2022 ?

Les régionales de 2021 auront avant tout un effet sur les stratégies des partis et des candidats en 2022 et nous diront des choses essentielles sur plusieurs points : qu’a donnée la stratégie d’alliance LR-LREM en PACA et ailleurs ? Où en est le match entre les socialistes et les écologistes ? le RN a-t-il gagné des régions et renforcé son image d’acteur central du jeu politique ? LREM confirme t-elle sa difficulté à exister dans les territoires ? où en est LFI ?

Les réponses apportées par les régionales 2021 à ces questions auront une série d’effets en chaîne sur les partis et candidats en 2022. En cela, oui les régionales vont permettre de décanter les choses en termes de candidatures et d’offre politique pour la présidentielle. Si les régionales précédentes ont montré que leurs résultats dessinaient clairement des lignes de forces que l’on allait retrouver à la présidentielle, il faut conserver à l’esprit deux éléments : l’abstention importante qui s’annonce aux régionales et la dynamique spécifique de l’élection présidentielle. Ces deux éléments peuvent faire varier l’importance de la corrélation entre élections régionales et élection présidentielle. 

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