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Pourquoi personne n’a vu venir les Gilets jaunes
©NICOLAS TUCAT / AFP

Bonnes feuilles

François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia publient "Dans la tête des Gilets jaunes" (VA Press). Cet ouvrage apporte un éclairage sur le mouvement des Gilets jaunes et analyse la crise d’identité qui oppose la France dite périphérique aux élites politiques ou médiatiques. Ce livre offre le premier éclairage sur la façon dont les réseaux sociaux donnent un visage et des armes symboliques à ceux qui étaient auparavant invisibles. Extrait 1/2.

Xavier Desmaison

Xavier Desmaison

Xavier Desmaison est CEO d’Antidox, groupe de conseil en stratégie de communication. Il est maître de conférences à Sciences Po où il enseigne les stratégies de communication d’influence et e-influence. 

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François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Peu de gens se vanteraient d’avoir prédit Mai 68 ou la chute de l’URSS, personne ne peut prétendre sérieusement avoir anticipé le mouvement des Gilets jaunes1. Les meilleurs prophètes ont vaguement annoncé qu’il y allait y avoir des mouvements sociaux ou que le macronisme se dirigeait vers une zone de turbulence après l’affaire Benalla. Le plus olympien (E. Macron) s’est heurté à l’événement le plus trivial : une protestation du peuple. Manu des sous ! Jupiter, délivre-nous des taxes. L’idée stupéfiante que les gens qui n’arrivent plus à vivre puissent avoir envie de se faire entendre s’est imposée comme le prouve la marche, en marchant. Ou, en l’occurrence, en bloquant. 

Des revendications sociales et fiscales deviennent politiques – demande de démocratie directe, Référendum d’Initiative Citoyenne, destitution du président –. L’affrontement est symbolique : ceux d’en bas, les méprisés et les inaudibles contre ceux d’en haut, élus et médias inclus. De la demande de protection (une juste répartition des prélèvements), on passe à celle de représentation (le peuple veut exercer directement son pouvoir législatif, de destitution, peut-être constituant)... Et, dans les têtes, ce qui est en jeu, c’est le pouvoir tout court, pouvoir symbolique et pouvoir souverain. 

La vitesse de propagation du mouvement parti de presque rien (une pétition en ligne, un type qui met un gilet sous son pare-brise, une vidéo amateur, mais reprise 5 millions de fois, une dame qui se défoule sur YouTube…) fut spectaculaire. Le recul du pouvoir après rodomontades, impressionnant. On passa, en un quart d’heure le 10 décembre, de « nous vous écoutons, mais nous ne changerons pas de cap » à des concessions d’un coût d’environ 10 milliards d’euros, en attendant une grande consultation nationale. Ce fut une sorte de figure de patinage inverse du « tournant de la rigueur » de Mitterand en 1983. Plus les quasi-excuses de Jupiter rappelant comme Barbara « mon seul souci, c’est vous » dans sa quête du fameux lien perdu. En face, tout a changé en quelques semaines : de quelques centimes à la pompe au référendum d’initiative citoyenne (RIC), le cheminement intellectuel est remarquable. Tsunami est un délicat euphémisme pour décrire cela. Et d’ailleurs à tsunami, tsunami et demi. En 2017 l’élection de Macron carbonisait les partis classiques et bouleversait le système de représentation politique. En 2018 les manifestants en gilets jaunes carbonisent le macronisme et instaurent un mode inédit de protestation lié à la démocratie directe. Sans parler de ce qui se produira lorsqu’il faudra lancer la machine à redistribuer ou entamer la grande consultation promise. 

Deux types d’explications principales sont proposées aux événements de novembre et décembre 2018 : 

− C’est le symptôme d’une rupture sociologique, culturelle, idéologique entre deux fractions de la population qui ne vivent plus ni dans le même monde matériel ni dans le même monde mental,

− Le mouvement des Gilets jaunes est largement déterminé par l’usage des réseaux sociaux (Facebook en particulier), mode de socialité normale de certaines populations, mais aussi redoutable instrument des contagions sociales : c’est là, non dans les médias classiques paniqués, que s’est exercée la vraie influence qui a tout déclenché. 

Extrait du livre "Dans la tête des Gilets jaunes" de François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia, publié aux éditions VA Press. 

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