Pourquoi Manuel Valls ne se simplifie pas la tâche en séparant économie et finances au sein du gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel Sapin et Arnaud Montebourg.
Michel Sapin et Arnaud Montebourg.
©Reuters

Y a-t-il 2 pilotes dans l’avion ?

Le nouveau gouvernement de Manuel Valls a opté pour une séparation de l'Economie, incarnée par Arnaud Montebourg, et des Finances, pilotées par Michel Sapin. Deux personnalités bien distinctes qui marquent aussi la rupture entre la volonté d'une politique protectionniste pour l'un, et davantage bruxelloise pour l'autre.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : Quel est le bilan historique de cette séparation ?

Jean marc Daniel :En général, il y a une séparation entre le bloc budget et gestion directe de l'Etat, et le bloc économie et plutôt industrie. Le ministre de l'économie et de l'industrie est moins puissant que ses prédécesseurs car le ministre de plein exercice qui a les deux est en général une forte personnalité au gouvernement. Or là, le choix a été fait car Arnaud Montebourg n'est pas "Bruxelles compatible". Le ministre du budget a une fonction particulière qui est celle d'être en relation avec Bruxelles. Le fait que Monsieur Montebourg ait construit essentiellement sa carrière dans une dénonciation systématique de tout ce que représente la politique européenne justifie ce choix.

Montebourg et Sapin, quelle compatibilité ?

Pour reprendre ma grille de lecture, on retrouve cette publicité à tous les sens du terme en France, entre un discours protectionniste, anti-libéral, relativement anti-européen et qui s'incarne dans un discours très précis. Cela s'exprime par une volonté d'avoir un euro beaucoup moins fort et de demander à la BCE de modifier sa politique monétaire. Et puis, nous avons un discours européen bruxellois qui repose sur l'acceptation des règles du traité de Maastricht, d'Amsterdam et cette fonction va être réservée à Michel Sapin. Les partenaires ne seront pas dupes, il faudra un moment pour que la France adopte une position claire, en exprimant ce qu'elle pense vraiment.

La compatibilité n'est pas possible, Montebourg incarne une ligne politique qui plaît à une certaine forme d'électorat proche du parti socialiste et de l'extrême gauche mais en même temps à une certaine forme d'électorat qui en ce moment est train de basculer vers la composante souverainiste de la droite. C'est vraiment une stratégie de politique intérieure, alors que Michel Sapin incarne l'image  extérieure. Or ce genre d'habilité va finir par fatiguer les partenaires. Le choix d'Arnaud Montebourg relève de la politique politicienne, et c'est nuisible à long terme.

Cette séparation ne peut-elle pas entraîner des asymétries d'information, étant donné qu'il n' y a plus de ministre architecte ?  

Il ne va pas y avoir une asymétrie, les deux hommes sont suffisamment habiles à titre personnel, ce sont deux fortes personnalités et deux véritables poids lourd. Ils vont essayer de faire en sorte que chacun ait son territoire pour éviter l'affrontement brutal et destructeur. Le véritable enjeu est qu'à partir du moment où il n'y a plus de coordonnateur, ce sera forcément Manuel Valls et toute la stratégie et l'attention seront déplacées vers Manuel Valls. Comment va-t-il gérer cet attelage qui part dans deux sens contradictoires ?

Valls va être obligé de jouer à l'équilibriste, et plus particulièrement de cautionner la stratégie européenne à 50 milliards d'euros, l'organiser et faire en sorte que Michel Sapin puisse garder l'autorité et imposer cette démarche. D'un autre côté, il va être forcé de donner une satisfaction à Arnaud Montebourg sur la nouvelle entreprise lumière. Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels Manuel Valls va devoir trancher, notamment en donnant certaines limites Montebourg.

Quel est l'intérêt de ce montage ?

L'intérêt est de donner satisfaction à deux mouvements que l'on pense incompatibles, c'est-à-dire nos engagements bruxellois et les attentes de la partie marginale de la population qui peut faire perdre ou gagner les élections. Les partenaires et la population attendent un choc de clarification, on ne peut pas à la fois avoir matraqué en disant que la fiscalité est nécessaire et en même temps dire que le déficit budgétaire n'est pas terminé avec une promesse de réduction des impôts. Il faut définir une ligne, une cohérence et là encore le rôle de Manuel Valls face à ces deux personnalités qui incarnent deux lignes différentes, va être de montrer à la population que malgré ces différences, il existe, in fine, un discours et une trajectoire cohérente.     

Il va falloir que la ligne européenne l'emporte et que finalement Arnaud Montebourg soit présent pour donner à la ligne protectionniste l'impression qu'elle est écoutée et mais en même temps qu'elle n'est plus dans l'air du temps.

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