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Pourquoi les riches s’en sortent bien en période de pandémie
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Journal d'un confiné (dans ma maison de campagne)

Toutes les classes sociales ne sont pas égales face aux pandémies, qu'il s'agisse du risque de tomber malade... ou de tirer profit financièrement de la crise.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Pour quelles raisons les crises, notamment sanitaires, avantagent-elles les personnes aisées ?

Michel Ruimy : En effet. Alors que le covid 19 se diffuse, les pays prennent pleinement conscience de l’importance de sa dangerosité notamment en confinant les personnes, en incitant celles qui le peuvent à faire du télétravail, en rappelant des mesures d’hygiène… Mais, l’ensemble des pays concernés ont un dénominateur commun : une situation inégalitaire face à cette pandémie. Les citoyens les plus fortunés sont, en effet, mieux placés que les individus les plus précaires pour faire face à ce grave problème de santé.

Des études ont montré que les pandémies touchent, de manière disproportionnée, les communautés les plus pauvres et certaines suggèrent même qu’il est erroné de penser que les malades et les personnes âgées sont les plus à risques. Il conviendrait plutôt de considérer les taux de mortalité selon les classes : les « quartiers pauvres » enregistrent plus de décès que les « quartiers aisés ».

Nous vivons ainsi dans un « village planétaire » capitaliste où les individus les plus aisés sont davantage favorisés que ceux qui sont « en bas de l'échelle ». Les personnes qui luttent contre la pauvreté sont souvent celles qui travaillent dans le secteur des services et/ou vivent dans des logements exigus. De même, le temps libre dont dispose une personne joue également un rôle non négligeable dans l’aggravation des inégalités en matière de santé. Par exemple, les personnes qui occupent plusieurs emplois pour vivre décemment ont moins de temps pour se rendre au supermarché et faire leurs provisions, même si elles en ont les moyens financiers.

Un changement systémique doit avoir lieu pour que la prévention des crises sanitaires devienne plus équitable. Cette pandémie aura permis, entre autres choses, de montrer que les politiques actuelles accordent une attention trop importante aux maladies comportant des aspects sécuritaires importants au détriment d’objectifs de santé « de base » en faveur des personnes les plus démunies.

Présidents, ministres, hommes d’affaires, vedettes du sport ... les personnalités célèbres et aisées ne semblent pourtant pas être prémunies contre le covid-19. Si le virus n’épargne personne, sommes-nous, pour autant, égaux face à la maladie ?

Non. Alors que l’ensemble des pays occidentaux a connu au cours des 50 dernières années une très nette amélioration de l’état de santé de sa population (allongement de l’espérance de vie, recul de certaines maladies…), tous les individus n’en profitent pas. Quels que soient les maladies, les populations…, on observe de grandes différences entre groupes sociaux. La plus marquante est sans doute celle devant la mort. L’âge du décès est, en effet, lié, à la fois, au revenu, au diplôme et à la catégorie socioprofessionnelle.

Mais, au-delà de ces différences en termes de mortalité, les inégalités de santé se manifestent par le fait que la probabilité de développer certaines maladies est inégalement répartie. Les individus vivant en dessous du seuil de pauvreté sont plus nombreux à déclarer certaines pathologies (appareil digestif, troubles mentaux et du comportement...) ou des problèmes dentaires. De plus, les inégalités face à la santé apparaissent de manière précoce : les enfants des familles pauvres sont, comme leurs parents, en moins bonne santé. La probabilité de développer des pathologies diminue, pour la plupart d’entre elles, au fur et à mesure que les individus montent dans la hiérarchie sociale.

La nature des tâches, l’exposition à des nuisances ou à des pollutions, les positions et les mouvements nécessaires à l’activité, notamment dans les professions les plus physiques, contribuent aussi pour beaucoup à ces problèmes de santé. Les conditions de travail plus pénibles valent aux ouvriers de subir une « double peine » : non seulement leur espérance de vie est moins élevée que celle des cadres, mais ils passent plus de temps qu’eux à souffrir d’incapacités et de handicaps. En outre, les situations précaires, en particulier le passage par des périodes de chômage, ont des conséquences sur la santé, qui rendent plus difficile encore le retour à l’emploi. Par exemple, les risques de dépression sont accrus par une longue période de chômage ou des périodes de chômage récurrentes. De manière plus générale, on a observé, en Europe, que l’augmentation du taux de chômage s’accompagnait d’une détérioration de la santé publique.

L’état de santé est également le fruit du mode de vie de l’individu et du groupe auquel il appartient. Les ouvriers fument, en moyenne, plus souvent que les cadres, les hommes plus que les femmes, les chômeurs plus que les actifs. Les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté consultent moins souvent, plus particulièrement pour les consultations de médecins spécialistes. Elles sont, par ailleurs, moins nombreuses à recourir à des pratiques de dépistage et de prévention qui permettent de détecter certains cancers.

On voit donc que la santé est l’une des dimensions de la vie pour lesquelles il existe encore aujourd’hui de fortes inégalités sociales dont certaines, comme l’obésité, ont tendance à s’accroître. Si ces inégalités de santé sont des conséquences des inégalités économiques et sociales, elles contribuent, en retour, à accroître les difficultés des plus défavorisés. Les inégalités de santé sont ainsi, à la fois, produites par et productrices des inégalités économiques et sociales.

Si la crise sanitaire du civid-19 devait se prolonger, qui pourrait économiquement en tirer avantage ?

La question concerne plusieurs aspects dont notamment la dimension économique, la dimension sanitaire et leurs interactions.

Les systèmes de santé européens reposent, au plan macroéconomique, sur une prise en charge financière, essentiellement publique, du risque maladie. C’est pourquoi, la progression des dépenses de santé par rapport à la richesse nationale doit être maîtrisée compte tenu de ses effets « pervers » tant sur l’économie que sur la santé des populations.

Toutefois, dès lors que cette hausse incontrôlée implique une augmentation des prélèvements obligatoires (déjà trop élevés en France), ceci aurait pour effet de freiner la croissance économique. Il en résulterait une hausse du chômage et de l’exclusion qui se traduirait, pour les populations concernées, par une détérioration de leur état de santé qui ne serait pas compensée par une éventuelle amélioration issue de la hausse des dépenses. Ceci va à l’encontre de l’objectif principal des politiques de santé.

Devant une crise sanitaire qui se prolongerait partout dans le monde, la situation ne devrait pas changer de manière générale. Les personnes les plus aisées financièrement ou ayant des amis fortunés devraient s’en sortir du fait de leur notoriété, des influences qu’ils peuvent avoir sur la Société etc… La situation à éviter serait de voir les hôpitaux rechercher justement ces clients au motif qu’ils doivent répondre à une double exigence : soigner tout en recherchant la rentabilité économique.

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