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Pourquoi les mauvais managers causent du tort bien au-delà de leur entreprise
©Reuters

Entrepreneur

Gérer une société est loin d'être une tâche triviale ; si l'optimisation de la production est une part importante du travail d'un chef d'entreprise, une bonne cohésion entre employés et employeur l'est tout autant.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Selon une étude du Nation Bureau of Economic Research, l'utilisation de technique de management influerait grandement l'essor d'une entreprise, en améliorant notamment sa productivité. Quelles peuvent être les conséquences sur l'économie d'un pays d'une mauvaise gestion managériale ? Avez-vous des exemples de pays qui le montrent ?

Xavier Camby : Je trouve très amusant qu'une étude soit nécessaire pour affirmer ce que l'anthropologie et le bon sens observent depuis toujours. Que le management soit essentiel, des milliers d'années de comportements humains en attestent. Malgré de très dangereuses et toxiques utopies, qui proposent d'éliminer les managers, aucune civilisation, aucune organisation sociale, aucune entreprise un peu pérennes n'ont su vivre sans avoir en leur sein des organisateurs du travail en commun, des modérateurs gérant les relations interpersonnelles, des animateurs créant de la motivation, des visionnaires donnant du sens. Bref, des managers. C'est avec le taylorisme et la rationalisation des tâches productives que le manager occidental s'est vu institué, malgré lui, unique et dernier responsable d'une performance toujours croissante. C'est idiot et au détriment de ses autres fonctions, plus essentielles. On a donc "oublié", pendant presqu'un siècle, de les former au management, c'est à dire à la gestion du travail des autres, se contentant de choisir un bon exécutant pour l'instituer manager. Mal à l'aise vis-vis de ses anciens collègues, se sentant parfois un imposteur, devenu hésitant ou indécis parce que soumis à une pression qu'il n'a pas appris à gérer, ce manager-ne-sachant-pas-manager risque de commettre de nombreuses maladresses et de démotiver sans retour son équipe, en plus d'être un facteur d'inutiles et destructeurs conflits (avec lui-même, avec sa hiérarchie ou avec ses collaborateurs, avec ses collègues...),

Cette pathétique inculture managériale s'est en fait développée partout dans les pays à économie de type occidental, pendant le siècle dernier. Et on peut voir dans les comportements nouveaux (étroitement dénommés Y ou Z) une vraie révolution contre toute hiérarchie illégitime et impérieuse, au bénéfice de comportements collaboratifs et contributifs.

La France est hélas, malgré une productivité importante, un des champions du monde du mismanagement, en entreprise comme dans les administrations. C'est à dire que les coûts cachés y explosent : sabotages variés, absentéisme ou présentéisme, conflits, stress, surmenages et accidents psychiques divers consomment en fait toute la valeur ajoutée (et même parfois plus) qu'on est censé y créer !

Concrètement, un salarié mal motivé ou démotivé, face à la pression continue d'un manager dépassé, faites d'injonctions, de chantages voire de menaces n'aura d'autres recours que de s'arrêter, avant que n'arrive le burn-out. La destruction de valeurs humaine, sanitaire, sociale, culturelle, économique... est telle qu'elle ne peut être compensée ! Pas même par un résultat financier positif... Ainsi, malgré une belle productivité, la France s'enfonce chaque jour davantage dans un marasme économique et social, faute de managers sachant manager !

Quelle est la part de culture et de formation professionnelle dans l'efficacité globale d'un manager d'un pays ? 

Restons un peu sur l'exemple de la France. Plusieurs facteurs concourent à cette pandémie de mismanagement. Le premier n'est pas le moins toxique : conditionné par 20 ans d'études (rationalisantes mais pas très irrationnelles en fait), il ne peut y exister de réussite qu'individuelle ! Après ce lavage de cerveau "scolaire" de 2 décades, fait de succès exclusivement solitaires, tous ignorent la travail collectif ou la décision consensuelle. Et face à une objection, même intelligente, tous pensent en choeur : tu as tort puisque j'ai raison ! Du chef d'équipe au Board des grandes compagnies cotées, je retrouve ce conditionnement excluant la décision collective authentique (malgré de nombreux simulacres). Beaucoup de pays (germanophones ou du nord de l'Europe, par exemple) fondent leurs prouesses économiques sur cette intelligence collaborative, en s'interdisant les puérils conflits d'égos.

Pays d'ingénieurs brillants mais peut-être un peu psycho-rigides, la France managériale souffre encore d'une pathétique croyance : la hiérarchie, le management et la décision seraient des sciences exactes. Toute causalité s'analyse et toute conséquence est prédictive ! Du grand chef au petit manager, beaucoup s'époumonent alors en injonctions rationnelles (à leurs yeux) et péremptoires (c'est à dire démotivantes). Quitte à avoir émotionnellement tort (c'est à dire créer des résistances ou des conflits) ils consomment toute leur belle énergie à vouloir imposer d'avoir leur pensée unique, faisant fi de toute éventuelle objection. C'est vain : les seules décisions vraiment motivantes sont partagées.

Une autre croyance destructive en France se fonde dans l'habitude de considérer la formation initiale, acquise avant 25 ans, comme définitive et suffisante, pour 40 ans d'exercices professionnels. Contrairement à l'immense majorité des pays développés, où la formation professionnelle est authentiquement continue, cette idée favorise l'imposture autant que l'émergence de réseaux d'anciens, ligues de soutien pour managers refusant d'évoluer...

Alors oui, une culture nationale ou ses excès peuvent engendrer une contre-culture managériale, très dommageable aux salariés qui la subissent. Mais très heureusement, le paradigme change à grande vitesse : ceux qui inventent vraiment l'avenir productif de la France se sont aussi formés ailleurs, y apprenant d'autres modes de pensées et d'autres façons de faire, plus humaines et plus fécondes !

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