Pourquoi les investissements étrangers ne résoudront pas le problème de l'emploi en France<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande recevait ce lundi les investisseurs étrangers.
François Hollande recevait ce lundi les investisseurs étrangers.
©REUTERS/Remy de la Mauviniere/Pool

Emploioutai

François Hollande est parti ce lundi à la conquête des investisseurs étrangers. Si certains secteurs abondent de projets, ce n'est pas pour autant que l'emploi est dopé.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : François Hollande recevait ce lundi les investisseurs étrangers, pour doper l'attractivité de la France. Une étude de l'Agence Française pour les investissements internationaux (AFII)  montre que le nombre de projets d'investissements étrangers a peu d'impact sur l'emploi. On note même que le nombre moyen d’emplois créés ou maintenus par projet en 2012 était de 37, un niveau bien inférieur aux cinq années précédentes. Comment l'expliquer ?

Gilles Saint-Paul : Ces chiffres n’ont aucune signification macroéconomique. Les emplois soi-disant créés ou préservés par ces investissements étrangers ne représentent en tout état de cause que quelques millièmes de l’emploi total. Et ce type d’étude ignore les flux en sens inverse tels que fermetures de sites, cessions de participation, etc. Enfin, elle ne nous dit rien sur ce qui se serait passé en l’absence du projet d’investissement : par exemple, un projet français équivalent pourrait s’y être substitué. Ces données sont très volatiles d’une année sur l’autre et on ne peut pas en tirer beaucoup de conclusions.

En ce qui concerne la taille par projet (en termes d’emploi), elle diminue certes, mais en revanche le nombre de projets est nettement supérieur à sa valeur au début des années 2000, ceci compensant cela. On assiste sans doute à une modularisation accrue de l’organisation de la production qui permet d’accroître la division internationale du travail. D’où la réduction de la taille des projets et l’augmentation de son nombre. C’est une observation intéressante en elle-même mais elle ne nous dit pas grand-chose sur la contribution des investissements étrangers à l’emploi total, qui est en tout état de cause une question mal posée. Cependant, ces données restent intéressantes dans la mesure où elles constituent un thermomètre de l’attractivité du « site France ». Ainsi, la baisse considérable des investissements étrangers, en valeur, en 2013, comparée à 2012 est relativement alarmante. Mais ce n’est pas la première fois que des fluctuations de cette ampleur, dans un sens ou dans l’autre, sont observées – à cause de cette volatilité, il est trop tôt pour conclure.

On note notamment une part croissante des projets d'investissements étrangers dans le secteur des logiciels et prestations informatiques, domaine pour lequel le nombre d'emplois par projet est de 20 contre 35 en moyenne dans les services. La progression des projets relevant de la fonction tertiaire expliquerait-elle la baisse du nombre d'emplois associés aux décisions d'investissements étrangers ?

Les unités de production dans le secteur du logiciel sont de petite taille, de par la nature de ce secteur. Il n’est donc pas étonnant que cette observation s’applique également aux projets d’investissements étrangers. En ce qui concerne leur part croissante, elle est sans doute due à la hausse du coût du travail en France, qui favorise paradoxalement les projets les plus « high-tech », donc les plus intensifs en travail qualifié, qui est comparativement peu coûteux au regard de la valeur ajoutée générée par de tels emplois.

Les critères d’efficacité et les exigences de rentabilité de certains investisseurs étrangers ne seraient-ils pas au contraire facteur de suppressions d'emplois ?

Il n’y a aucune raison de le penser. Les investisseurs étrangers, lorsqu’ils opèrent sur notre sol, sont soumis aux mêmes réglementations de l’emploi que leurs homologues français. Et ceux-ci n’ont pas de raison d’être plus philanthropes et moins exigeants que les étrangers. On peut d’ailleurs comparer Peugeot, qui n’a pas délocalisé, à Renault, autre entreprise française qui l’a fait et qui n’est de ce fait pas exposée aux mêmes difficultés. Si les entreprises font face aux mêmes règles du jeu, elles se comporteront de la même manière, qu’elles soient françaises ou étrangères. Et si les règles de la mondialisation rendent impossible le fait de préserver des emplois peu qualifiés trop coûteux en France, cela s’applique à toutes les entreprises présentes sur le sol français quel que soit leur propriétaire (On peut évidemment, au niveau politique, avoir un débat sur les avantages et les inconvénients de la participation de la France à l’UE, l’OMC, etc., mais c’est une tout autre question.)

On remarque des secteurs dynamiques en termes de projets, comme le domaine du transport et des équipements mécaniques. Pourquoi la création d'emplois dans ces secteurs ne suit-elle pas ?

Chaque industrie a une technique de production, ou plutôt un menu de techniques de production possibles. Certaines industries ont accès à des techniques intensives en capital, en robots, etc., et qui utilisent peu de travail, notamment non qualifié, par projet. Cela résulte en partie d’un choix, lui-même affecté par le niveau du coût du travail. Le même supermarché, par exemple, pourrait employer des caissières en Inde alors qu’il les remplacerait pas des scanners en Europe. Quoi qu’il en soit, il n’est pas étonnant que les investissements directs dans ces secteurs soient peu intensifs en emploi.

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