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Pourquoi le gouvernement français tient entre ses mains la réussite de l’opération de sauvetage de la démocratie initiée par Mario Draghi
©Reuters

Semper Fidelis

Une fois n'est pas coutume, Mario Draghi, le président de la BCE, a renoncé à la traditionnelle unanimité européenne pour prendre une décision capitale pour l'avenir économique et politique de l'Europe. Celle de recourir à un "quantitative easing" massif pour créer de la monnaie, et, par là, susciter investissement et relance. Une stratégie que doit appuyer la France, car, au-delà de l'économie, la démocratie est en jeu.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

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Sur le Continent, l’opinion publique, distraite par la dramatisation, médiatique, du tournant politique grec, ignore la mise en place d’une opération de création monétaire, d’une ampleur sans précédent, ayant pour objet de tenter de renverser la tendance déflationniste menaçant l’Europe.

M. Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne (BCE), après une longue négociation, rendue délicate par les Allemands, opposés à toute mesure se rapprochant d’une concession à des pays dépourvus d’une discipline budgétaire adéquate, s’est contenté, pour la première fois, d’un accord majoritaire du Conseil des Gouverneurs de la Banque Centrale Européenne. En renonçant à l’unanimité habituelle, le Président Draghi savait qu’il mettait en jeu son prestige et sa position, aussi s’est-il doté de moyens, exceptionnels, pour assurer la réussite de son projet.

Sur une période s’étendant jusqu’en Juin 2016, la BCE achètera, mensuellement, 60 milliards d’euros d’obligations souveraines et de sociétés privées solvables, pour atteindre, au final, 1,1 trillions d’euros. Dénommée, dans le jargon financier anglo-saxon, Quantitative Easing (QE), cette opération de création monétaire, par son montant, dépasse celle conduite par le Fed, la Banque Centrale Américaine, au pire moment de la crise financière de 2008.

M. Draghi attend d’un chiffre aussi élevé qu’il provoque, chez les investisseurs, un choc de confiance tel qu’il les incitera à reprendre le chemin de l’investissement productif. Dans un climat de croissance faible ou quasi-inexistante, la confiance demeure le principal ingrédient, dont la mise en pratique exige un terreau fertile. Il appartiendra donc aux 19 Gouvernements de la zone euro d’offrir aux nouvelles liquidités un environnement économique, fiscal, réglementaire et politique de nature à satisfaire les critères de performance de leurs détenteurs, quitte à en négocier certains des termes. Une attitude négative des décideurs politiques n’aurait d’autre effet que d’orienter les liquidités vers les investissements à risque, au rendement élevé, et par voie de conséquence d’enrichir les spéculateurs. Le QE aurait alors échoué.

L’initiative de M. Draghi, en programmant, ce qui est rarissime, un effort unifié à l’échelle de l’Europe, lui offre une dernière chance d’éviter l’installation d’une situation déflationniste. Déflation dont les conséquences politiques et sociales ouvriraient la porte du pouvoir, dans d’autres pays que la Grèce, aux partis populistes aux aguets. Constat soulignant la responsabilité de notre pays dans l’issue de l’opération en cours puisque, avec près de 20% du PIB de la zone, nous en sommes la seconde puissance économique. Le refus de l’Allemagne, d’accepter un programme, considéré par la plupart des participants à la monnaie unique, comme indispensable, offre à notre diplomatie une opportunité, inattendue, celle de prouver à l’Europe et au Monde que quand un péril sérieux se présente on peut compter sur la France. Oublié le débat, déjà compromis, sur 12 dimanches travaillés, l’allongement du trajet des autocars, le libre accès au notariat, 60 milliards de nouvelles liquidités vont frapper à la porte en Mars, à nous de l’ouvrir et de rétablir, dans la foulée, notre crédibilité politique et économique.

La France se retrouverait au premier rang des Etats ayant le courage de s’imposer, dans l’intérêt général, les sacrifices autorisant la mise en œuvre, en urgence, des réformes structurelles indispensables. Courage apparaissant pour ce qu’il est, un geste de solidarité consolidant l’euro et son économie. Un tel comportement obligerait les Allemands à faire bonne figure et à apparaitre en suiveurs de la France, lui offrant ainsi une compensation politique à la mesure du sacrifice consenti. Un dénouement des évènements, conforme à ce modèle, ferait de M. Draghi le défenseur le plus efficace de la démocratie en Europe. Europe, dans laquelle, il partage, déjà, avec Mme Merkel, la première place. Sa vraie réussite serait d’avoir fait comprendre qu’un échec du QE aurait pour effet collatéral, en augmentant le chômage et en diminuant le pouvoir d’achat, de faciliter l’installation de gouvernements dont le caractère démocratique serait contestable. Rien ne doit donc être négligé pour en assurer le succès.

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