Pourquoi le destin des batteries usées des véhicules électriques est au cœur de la bataille de la transition énergétique <!-- --> | Atlantico.fr
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Des employés du constructeur automobile allemand Volkswagen (VW) sur une chaîne de montage de véhicules électriques pour produire des modèles ID.3, le 25 février 2020.
Des employés du constructeur automobile allemand Volkswagen (VW) sur une chaîne de montage de véhicules électriques pour produire des modèles ID.3, le 25 février 2020.
©RONNY HARTMANN / AFP

Pollution

Les batteries usagées des véhicules électriques pourraient anéantir tous les efforts engagés pour révolutionner nos habitudes de transports. A moins de…

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Les ventes de voitures électriques explosent en Europe et en 2020 elles ont même doublé par rapport à l’année précédente. Mais une fois qu’elles sont sur la route, une question reste en suspens : que vont devenir les batteries et qu’allons nous faire des déchets. Quels dangers existent lors du stockage d’une batterie comme déchets ? Leur impact sur l’environnement pourrait-il remettre en question leur bénéfice sur la transition énergétique ? 

Jean-Pierre Corniou : Il est certain  que la montée en puissance du marché des véhicules électriques rapproche le moment où il faudra traiter en volume la question du recyclage de leurs batteries. Jusqu’alors la question ne s’était pas vraiment posée car les toutes premières voitures électriques contemporaines mises en en circulation, de façon alors confidentielles, ont à peine dix ans, et fonctionnent encore parfaitement. C’est dire que la problématique du traitement de ces batteries  est  pour les constructeurs un sujet de préoccupation moins brûlant que la vente de leurs voitures électriques. Mais ils sont d’ores et déjà engagés à la faire parce qu’ils y sont contraints par les textes applicables en Europe, et parce ce que la récupération des multiples matériaux contenus par une batterie est valorisée tout en contribuant à leur image de respect de l’environnement.

La fin de vie des batteries pour les véhicules électriques ne sont pas encore un problème collectif majeur. Certes l’industrie a du traiter les voitures accidentées et irrécupérables, à une échelle artisanale. Mais les gros volumes ne sont pas attendus avant des années. On observe que les batteries mises en œuvre dans les premières Nissan Leaf ou Tesla S conservent une niveau de performance satisfaisant dans la durée alors que les  constructeurs estimaient prudemment que le niveau de performance pouvait baisser de 2 à 3% par an. Les batteries actuelles sont conçues pour 1000 à 1500 cycles de recharge, soit entre 200 000 et 500 000 kilomètres, ce qui représente entre dix et quinze années d’usage normal. Il faut noter que les moteurs électriques sont encore plus robustes et peuvent fonctionner pendant plusieurs millions de kilomètres. L’industrie a donc le temps de se préparer à mettre en place des circuits de collectes et de traitement des batteries en fin de vie.

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D’ailleurs, il faut souligner que fin de vie comme réserve de puissance pour un véhicule électrique ne signifie pas mise au rebut. Les batteries conservent l’essentiel de leurs capacités de stockage et peuvent donc être affectés à des usages stationnaires qui n’impliquent pas les mêmes propriétés.

Aujourd’hui, où en sommes-nous sur la question du recyclage des batteries ? 

Sur le plan réglementaire, la situation est claire : les constructeurs de véhicules électriques ont l’obligation de recycler leurs batteries. C’est une obligation  fixée depuis plusieurs années par la directive européenne 2006/66/CE et l’article R543-130 du code de l’environnement en France.

Mais une batterie de véhicule électrique n’est pas un composant banal. Il faut comprendre que les batteries pour véhicule électrique s’éloignent complétement de l’expérience des batteries que la pratique des véhicules thermiques avait diffusé depuis des décennies dans le public. Les batteries  ne sont plus ce petit cube accessible sous le capot, d’un poids de 10 à 30 kg, délivrant les 12 volts indispensable au démarrage du moteur à explosion, comportant un électrolyte d’acide sulfurique et de plaques de plomb. Chacun a appris à manipuler simplement ces batteries pour les changer ou les recharger.

Les batteries d’un véhicule électrique sont bien différentes. Elles sont composées d’ensembles de cellules connectées dans un boitier métallique, le  module. Les ensembles de modules sont insérés dans le plancher du véhicule et donc inaccessibles  et invisibles. Leur forme est variable et s’adapte à la structure du véhicule.

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Les batteries de véhicules électriques délivrent la puissance nécessaire à l’avancement du véhicule et constituent un système technique complexe régulé par  un système électronique, le BMS, signifiant battery management system. Les batteries étant sensibles aux variations de température extérieure, il faut en effet monitorer leur température de fonctionnement et bien entendu le niveau de charge résiduel pour gérer l’autonomie.

Un véhicule électrique embarque de 100 à 600 kg de batteries, ce qui constitue un élément majeur de leur structure. La recyclage est une activité industrielle pointue opérée par des sociétés spécialisées qui vont valoriser tous les composants de la batterie. Plusieurs entreprises se sont développées sur ce marché technique comme la SNAM, qui a signé des partenariats avec la plupart des constructeurs, ou Euro Dieuze Industries, partenaire de Renault, ou Recupyl. Ces entreprises font l’objet d’aides à la recherche et au développement pour améliorer le taux de récupération des composants des batteries automobiles, jouant un rôle précurseur dans une filière qui va connaitre un développement important.

Est-il possible de faire entrer la vie des batteries dans l’économie circulaire ? Les industriels jouent-ils le jeu ? 

Les batteries sont constituées de matériaux recyclables. Leur démontage , puis le broyage, permet donc de valoriser leurs composants . Il faut noter que le lithium est un métal, comme l’aluminium, qui conserve ses propriétés sans altération au fil des usages. C’est une propriété essentielle car la totalité du lithium extrait des mines ou des salars, ces lacs salés  que l’on exploite pour en tirer du lithium, pourra être réutilisé à partir des batteries usagées sans extraction supplémentaire.

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Mais les batteries de véhicules électriques peuvent avoir une seconde carrière comme unité de stockage électrique pour des installations d’énergie  discontinue, comme les panneaux solaires. C’est également une industrie naissante, faute de volumes, mais qui va se développer.

Il faut souligner l’engagement de Renault de constituer à partir de 2024 sur le site industriel historique de Flins une entité entièrement dédiée à l’économie circulaire. L’objectif est de disposer d’une plateforme industrielle permettant de prolonger la vie des véhicules, notamment en les dotant d’une motorisation électrique ( Rétro fit). Ce projet qui a démarré en septembre 2021 est de nature à évoluer pour permettre la réutilisation de tous les composants du véhicule.

À terme, la prise en compte de la durée de vie des batteries et de leur recyclage est-elle rentable ? Comment arriver à rendre ce système vertueux pour l’environnement, le consommateur et l’industriel ? 

Le prix de revient des batteries est aujourd’hui le principal obstacle au développement massif du véhicule électrique avec les volumes envisagés dans la prochaine décennie, et plus encore au-delà si le bannissement du moteur thermique à partir de 2030 se révèle réalisable. La baisse  du coût est bien évidemment l’objectif partagé par tous les acteurs de la filière pour accélérer la bascule définitive du thermique vers l’électrique. On estime que ce résultat progressif sera le fruit de la mise en œuvre d’une série d’innovations  sur chacune des technologies indispensables à la production  des batteries, chimie, matériaux, électronique de pilotage,  logiciels. Les batteries représentent 40% du coût d’un véhicule électrique et déterminent son niveau de performance : puissance, autonomie, temps de recharge, poids, durée de vie. C’est donc pour les constructeurs et les fournisseurs de batteries un enjeu considérable qui justifie un niveau de recherches fondamentale très élevé. Les batteries ne sont donc pas un domaine stabilisé et il va connaitre des transformations importantes dans les prochaines années. On estime toutefois que la batterie ion-lithium mise en œuvre  dans les véhicules actuels représente une solution technologique globalement stable, condition indispensable pour rentabiliser le Gigafactories de batteries en construction et en projet. Les améliorations sont bien entendu possibles et à chaque nouveau modèle le niveau de performance s’accroit. Toutefois les technologies en rupture ne sont pas attendues avant la fin de la décennie. Il s’agit d’utiliser un électrolyte solide, plus léger et autorisant une puissance plus élevée et des gains en autonomie.

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Parmi les multiples paramètres de performance que visent les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles, la recherche d’un impact environnemental minimal est une aussi  une priorité. La voiture électrique  est en effet souvent considérée par l’opinion comme finalement peu vertueuse en raison  des  pollutions accompagnant le cycle de  fabrication des batteries. Cette réputation, non justifiée par les études techniques nombreuses qui démontrent qu’une voiture électrique tout au long de sa vie est moins polluante en CO2 que son équivalent thermique, entache son image de véhicule vert. Outre les travaux d’amélioration constante qui concernent la composition de la batterie, et notamment l’élimination des minerais comme le cobalt dont les conditions d’extraction au Congo ont fait l’objet de multiples critiques pour l’exploitation d’enfants,  la garantie que des solutions vertueuses sont mises en œuvre à chaque étape de production est un objectif d’image indispensable à l’essor commercial de véhicules électriques à batterie. D’autant plus qu’émerge, avec la filière voiture électrique à pile à combustible à hydrogène, une concurrence en matière d’innocuité environnementale même si la production d’hydrogène vert n’en est qu’à ses débuts et que la filière hydrogène est balbutiante par rapport au système de distribution électrique.

Comme toujours dans l’évolution industrielle dans le monde de l’énergie, les enjeux planétaires sont tels que la concurrence est très intense. Il n’y a pas de semaines ou les constructeurs  automobiles qui veulent retrouver leur leadership sur l’ensemble des composants du véhicule et les fabricants de batteries n’annoncent des découvertes spectaculaires sur les batteries. La passage à l’acte industriel prend plus de temps et de capitaux que les seules annonces, mais c’est un domaine très dynamique, concurrentiel ,qui rassure sur les capacités d’évolution du véhicule électrique.

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