Pourquoi la suppression de la 1ère tranche de l'impôt sur le revenu reviendra à paupériser davantage les classes moyennes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le gouvernement envisage de supprimer la première des six tranches de l’impôt sur le revenu.
Le gouvernement envisage de supprimer la première des six tranches de l’impôt sur le revenu.
©Pixabay

Des gagnants... et des perdants

Manuel Valls a déclaré ce mercredi matin qu'il souhaitait supprimer la première tranche de l'impôt sur le revenu dans la loi de finances pour 2015, permettant de faire baisser la pression fiscale sur 6 millions de ménages selon Manuel Valls, 9 millions selon Christian Eckert secrétaire d'Etat au Budget. Les autres contribuables, en revanche, vont devoir combler le manque à gagner.

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

Voir la bio »

Atlantico : Le gouvernement envisage de supprimer la première des six tranches de l’impôt sur le revenu ce qui ferait baisser la pression fiscale sur 6 millions de ménages selon Manuel Valls, sur 9 millions selon Christian Eckert secrétaire d'Etat au Budget. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Que va-t-il se passer pour ceux qui vont continuer d'en payer ? Quelles conséquences aura sur le montant de leurs impôts la suppression de la 1ère tranche ?

François Tripet :Avec cette mesure, les deux premières tranches d’imposition, celles qui allaient jusqu’à maintenant de 0 à 6011 euros puis de 6011 à 11 991 euros, fusionnent désormais et le taux applicable sera donc nul. Auparavant, si la première était exemptée de l’impôt, la seconde se voyait appliquer un taux de 5.50 %. La conséquence, c’est l’effet de ressaut ou de seuil. C’est ce que les Anglais appellent « la falaise fiscale » : soit on est juste-en dessous et on ne monte pas soit on est concerné. Les contribuables qui faisaient partie de la troisième tranche, désormais la deuxième donc, devront toujours s’acquitter d’un taux à 14 %. Cette mesure du gouvernement va augmenter cet effet de ressaut et les contribuables qui gagnent un peu plus de 11 991 euros vont sans doute chercher des moyens de contourner cet effet de ressaut pour éviter d’être dans cette tranche imposable.

A un moment donné il va falloir que la classe moyenne, celle qui est juste au-dessus à partir de l’ancienne troisième tranche, paye l’addition. Ce sont les victimes expiatoires de cette mesure. On peut légitimement imaginer que les contribuables qui se trouvent dans les quatre tranches imposables vont payer plus d’impôts à partir de septembre 2015.  C’est ce que l’on a constaté les années précédentes lorsque des mesures similaires ont été prises. En fait, Manuel Valls doit satisfaire l’aile gauche du parti en donnant des gages et tente de faire retomber la pression fiscale car il sent que la révolte populaire n’est pas loin.  On est dans l’urgence. Cette mesure va calmer pas mal de monde pour un ou deux mois mais les problèmes vont continuer. 

Alors que les classes moyennes se disent étranglées par les impôts, une telle mesure leur serait-elle réellement favorable ?

A très court terme cette décision est favorable car il y a une baisse de l’étreinte fiscale. En fait, les 6 millions (ou 9 millions selon le ministre du Budget) de Français concernés par cette décision sont des gens capables de descendre dans la rue, ce sont des gens en voie de paupérisation. A moyen terme en revanche cette mesure fait qu’aggraver les déséquilibres entre ceux qui payent des impôts et ceux qui n’en payent pas ou peu. Le système fiscal français est devenu totalement déséquilibré, c’est une robe de mariée qui a été recousue pendant 30 ans et qui ne ressemble désormais plus à rien. Il y a presque deux ans je disais que la partie inférieure des classes moyennes prenait proportionnellement l’essentiel du coût fiscal. Aujourd’hui je dirais que par effets de domino successifs le phénomène de paupérisation ne s’arrête pas une tranche du barème particulière : il concerne de plus en plus les tranches centrales, la 3e et la 4e.

Selon les chiffres de Bercy, la mesure coûtera 3,3 milliards d’euros. Cette estimation vous semble-t-elle correcte ?

Non et le coût sera bien supérieur, on est généralement 20 à 40 % en dessous de la réalité. Personne n’a accès à la façon dont Bercy calcule leurs estimations et quand on regarde les comptes des Lois de finances rectificatives deux ans plus tard ou les rapports de la Cour des comptes on se rend compte qu’il y a des erreurs de calcul systématiques de la part de Bercy. Ce sont toujours des effets d’annonce et le gouvernement ne peut pas dire que cela va par exemple coûter 5,5 milliards d’euros. Cette mesure est coûteuse sur le plan budgétaire car elle concerne beaucoup de personnes. Le gouvernement va devoir trouver  des ressources supplémentaires ce qui va aggraver un peu plus ses marges de manœuvre.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !