Pourquoi la retraite chapeau de Philippe Varin n'était pas aussi scandaleuse qu'elle en avait l'air : explications techniques<!-- --> | Atlantico.fr
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Philippe Varin a annoncé renoncer à sa retraite chapeau de 21 millions d'euros
Philippe Varin a annoncé renoncer à sa retraite chapeau de 21 millions d'euros
©REUTERS/Benoit Tessier

Tu veux ou tu veux pas ?

En moins d'une journée, le futur ex-patron de Peugeot aura renoncé à une retraite chapeau dont le montant a choqué l'opinion. Au-delà des fantasmes, voici le mode d'emploi de ce dispositif méconnu, loin d'être réservé aux grands patrons.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : En renonçant à sa retraite chapeau, Philippe Varin a-t-il refusé un chèque de 21 millions d'euros de son futur ex-employeur ? Comment aurait été calculé puis provisionné ce montant au niveau du constructeur automobile ?

Philippe Crevel : Si Philippe Varin avait accepté sa retraite chapeau, PSA n’aurait pas dû signer un chèque de 21 millions d’euros. En effet, ce montant constitue la provision nécessaire pour acquitter la rente durant toute la retraite de l’ancien PDG de PSA. Cette provision est calculée à partir des engagements pris, un pourcentage du salaire ou un montant de pension total en intégrant les régimes de base et complémentaire et en prenant en compte l’espérance de vie du futur retraité ainsi que des considérations économiques comme l’inflation. Par ailleurs, l’entreprise est amenée à payer des taxes sur les primes nécessaires à la constitution de cette provision. En effet, si les cotisations sont déductibles du résultat imposable de l’entreprise et si elles ne sont pas soumises aux charges sociales patronales ni à la CSG et à la CRDS, une contribution sociale spécifique s’applique soit sur les cotisations (primes) ou sur les rentes. En cas d’option “primes", le taux de la contribution est de 24 % sur les  primes versées à l’assureur. En cas d’option rente, la taux est de 32 % dès le 1er euro sur les rentes versées aux bénéficiaires. Il a été, par ailleurs, créé une taxe additionnelle de 30 % à la charge de l’employeur pour les rentes dépassant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale dont le montant est au 1er janvier 2013 de 37 032 euros ce qui aurait été le cas pour l’ancien dirigeant de PSA. Le bénéfice des droits sont soumis à une condition de présence dans l’entreprise au moment du départ en retraite. Les droits ne sont donc pas portables et individualisés.

PSA a versé a priori à une compagnie d’assurance en charge de l’article 39 de son dirigeant des primes permettant de constituer la provision technique de cette retraite chapeau qui avait été prévu contractuellement. Pour obtenir sa retraite chapeau, Philippe Varin aurait du rester cadre chez PSA jusqu’à la date de liquidation de ses droits à la retraite. Il a préféré renoncer peut être pour rebondir dans une autre entreprise moins visible…

>> LIRE AUSSI : Grands patrons : pourquoi le scandale n'est pas tant dans le montant de leurs rémunérations que dans l'opacité de leur fixation (et le libéralisme n'y est pour rien)

Comment fonctionne le dispositif des retraites chapeau aussi appelées article 39 ? Comment cette somme sera-t-elle versée à M. Varin (et pendant combien de temps)

La retraite chapeau est une source à fantasmes infinie d’autant plus que pour des cas atypiques, les montants cités peuvent apparaître surréalistes.

La retraite chapeau couvre plusieurs réalités. Il s’agit d’une retraite à prestations définies, c'est-à-dire que le futur retraité connaît le montant qu’il touchera au moment de la cessation d’activité. Elle est régie par l’article 39 du code général des impôts et par l’article L.137-11 du code de la sécurité sociale. L’article 39 prend la forme d’un contrat collectif d’assurance-vie. Les cotisations sont financées par l’employeur. Leur montant et leur périodicité dépendent de la nature de l’engagement souscrit par l’entreprise auprès de la compagnie d’assurance. L’entreprise perd définitivement la propriété des cotisations investies ce qui permet de bénéficier de l’exonération fiscale. Elle est donc amener à provisionner les montants nécessaires pour verser la pension.

L’article 39 comprend deux sous catégories, un régime additionnel offrant un revenu de remplacement égal à un pourcentage du salaire de fin de carrière et un régime différentiel garantissant un complément de revenu déterminé de telle façon que son montant additionné à celui des pensions atteigne un niveau prédéterminé du salaire de fin de carrière. C’est ce régime qui constitue réellement la retraite chapeau.

Initialement, elle a été créée notamment pour répondre aux besoins des hauts fonctionnaires qui pantouflaient dans des grandes entreprises. En effet, dans la fonction publique, la retraite d’un fonctionnaire est égale à 75 % de son dernier traitement. La retraite chapeau reprenait un peu cette philosophie. Par ailleurs, la retraite chapeau vise à améliorer la pension de salariés ou de dirigeants d’entreprise dont le taux de remplacement, ratio entre la pension et les derniers salaires d’activité est faible, autour de 20 à 30 %. Compte tenu du plafonnement du régime de base, 50 % du plafond de la Sécurité sociale et du plafonnement technique des régimes complémentaires, la retraite maximale des régimes obligatoires tourne autour de 100 000 euros par an.

Si Philippe Varin avait accepté son supplément de retraite, il aurait touché une rente d’environ 600 000 euros à comparer à son dernier salaire connu qui était de 1,3 million d’euros. Il l’aurait touché jusqu’à sa mort.  Sur cette somme, il aurait dû acquitter des impôts. En effet, la rente d’un article 39 est soumise à des prélèvements sociaux à hauteur de 8,4 %. Un prélèvement supplémentaire a été institué qui obéit aux règles suivantes :

- pour les rentes versées au titre des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2011, le taux de la contribution à la charge des bénéficiaires de rentes est de 0% pour la fraction de la rente inférieure à 407 euros, de 7% sur la fraction de la rente comprise entre 407 et 611 euros et de 14% sur la fraction de la rente supérieure à 611 euros

- pour les retraites liquidées avant le 1er janvier 2011, ce barème de taux s’applique également. Toutefois les seuils de 407 et 611 euros précités sont respectivement maintenus à 500 et 1000 euros.

La contribution est déductible du revenu imposable à l’impôt sur le revenu, mais seulement dans la limite de la fraction acquittée au titre des 1000 premiers euros de rentes mensuelles. Par ailleurs, la rente est soumise après abattement de 10 % soumis à l’impôt sur le revenu et le cas échéant à la taxe sur les hauts de revenus. Le taux peut atteindre 71%. Entre les prélèvements en amont du versement et ceux versés par le bénéficiaire, le gagnant de l’opération aurait été l’Etat. Le renoncement de Philippe Varin fait deux perdants.

Quel est le profil-type des bénéficiaires de retraites chapeau en France ? En quoi ne doivent-ils pas être confondus avec les bénéficiaires de parachute doré ?

Contrairement à une idée reçue, les bénéficiaires des retraites chapeaux ou plutôt des régimes de retraites à prestations définies ne sont pas tous et de loin des millionnaires ou des nantis. De nombreux articles 39 ont été mis en place pour des dirigeants de PME très mal couverts par leurs régimes de retraites obligatoires. Par ailleurs, certaines entreprises ont prévu de couvrir certains de leurs cadres supérieurs afin d’améliorer leur taux de remplacement et de les fidéliser. En effet, la retraite à prestations définies n’est versée que si le bénéficiaire est dans l’entreprise au moment de sa cessation d’activité. Enfin, certaines entreprises, en particulier dans le secteur pétrolier, dispose de régimes supplémentaires à prestations définies couvrant l’ensemble de leurs salariés, ouvriers, employés et cadres.

Du fait du caractère aléatoire du versement de ce type de pension, les statistiques sont peu fiables en la matière mais il est admis que plus de 10 000 sociétés et environ 200 000 salariés sont couverts par ce type de système de retraite. Le montant moyen de la pension versée est de 3875 euros selon un rapport élaboré par Bercy d’octobre 2010.

Les retraites chapeaux ne doivent pas être confondues avec les parachutes dorés qui constituent des indemnités accordées à un salarié ou à un dirigeant en cas de rupture de son contrat de travail. Un parachute doré fait l’objet d’un accord conventionnel au moment de la signature du contrat de travail entre l’intéressé et l’entreprise. Depuis le 1er septembre 2012, les indemnités de rupture sont soumises à CSG et cotisations sociales si elles excédent dix fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Propos recueillis par Pierre Havez

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