Pourquoi la hausse des tarifs d’EDF est aussi une source cachée de revenus pour l’Etat<!-- --> | Atlantico.fr
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Mauvaise nouvelle pour les particuliers : les tarifs d'EDF vont augmenter de 5% au 1er août 2013.
Mauvaise nouvelle pour les particuliers : les tarifs d'EDF vont augmenter de 5% au 1er août 2013.
©Reuters

Pas perdu pour tout le monde...

Les tarifs d'EDF vont augmenter de 5% pour les particuliers au 1er août 2013... et probablement aussi 2014. Une hausse de la facture énergétique qui ne fait pas que des perdants.

Raphaël  Homayoun Boroumand et François Carlier

Raphaël Homayoun Boroumand et François Carlier

Raphaël Homayoun Boroumand est Docteur ès Sciences Économiques, Professeur associé à l’ESG Management School et expert du secteur de l’énergie. Il est également chargé d'enseignements à PARIS-DAUPHINE.

François Carlier est directeur adjoint de l'association UFC Que Choisir et directeur de la CLCV (Consommation Logement Cadre et Vie)

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Atlantico : La hausse de 5% des tarifs de l’électricité annoncée a été justifiée par EDF comme un moyen de réduire les coûts de la restructuration du parc nucléaire et de prolonger le soutien aux énergies renouvelables. Ces éléments sont-ils vraiment les seuls à devoir être pris en compte dans cette augmentation des prix ?

François Carlier : Il y a dans ces 5% un socle que personne ne conteste et qui est effectivement justifié, en grande partie, par le besoin d’investir pour la sécurisation du nucléaire, ce qui fait que le prix de l’électricité augmente effectivement un peu plus rapidement que l’inflation. Une fois cela pris en compte, on peut affirmer qu’une hausse comprise entre 2 et 3% serait finalement assez juste, mais deux autres phénomènes rentrent ici en compte.

Premièrement la dérive des coûts de gestion d’EDF qui a été pointée dans un rapport de la Cour des comptes. Dans la partie publique de ce texte (qui ne compte que les dépenses de personnel), on réalise que la rémunération moyenne chez EDF a augmenté de 8% en 2005, ce qui est en soi une bonne chose mais qui pose problème lorsque l’on demande par la suite une hausse de 5% des tarifs. Les coûts de sous-traitance sont quant à eux loin d’être négocié au plus-bas, et les tarifs préférentiels de l’électricité qui sont offerts aux divers agents EDF coûtent environ 300 millions d’euros à l’État chaque année.

Le second problème est qu’EDF se fait plus ou moins "tondre" par l’État. L’entreprise verse annuellement 2 milliards d’euros de dividendes (environ 60% de ses bénéfices) ce qui n’est pas rien quant au connait la santé des groupes du CAC 40 à l’heure actuelle. Sur ces 2 milliards 84% sont reversés à l’actionnaire principal qu’est l’État, ce qui est autant d’argent en moins à reverser pour les investissements qui sont donc financés en partie par les hausses de prix.

Ces deux phénomènes engagent directement l’État dans le sens où "c’est lui le patron dans cette affaire". Nous sommes ici dans une contradiction puisqu’un d’un côté l’État souhaite relancer le pouvoir d’achat mais de l’autre, certains (dont Bercy), ont pour objectif de faire rentrer un maximum de recettes. C’est là un problème que l’on retrouve avec toutes les entreprises publiques.

Raphaël Boroumand : En effet, l’ampleur de la hausse est excessive. C’est une mesure injuste qui dégrade encore un peu plus le pouvoir d’achat des consommateurs. Les consommateurs n’ont pas à subir systématiquement les surcoûts de l’électricien. Quelles incitations pour l’électricien à réduire ses coûts s’ils sont transférés aux consommateurs? Les faibles gains de productivité ne doivent pas entraîner des hausses de prix dont l’ampleur ne se justifie pas économiquement par la restructuration du parc de production ou les investissements dans les énergies renouvelables. Alors que le pouvoir d’achat est en berne, cette hausse aura pour effet d’augmenter les recettes de l’état actionnaire au détriment des ménages. Ces derniers espéraient que la libéralisation du secteur de l’énergie conduirait à une meilleure efficience économique et  une baisse tendancielle des prix. Ce n’est pas le cas.

Quelles conséquences ces 2 à 3% d’augmentation supplémentaire auront sur la facture des ménages ?

François Carlier : Cette hausse touchera principalement les ménages qui fonctionnent en tout-électrique, et dans ce cadre le gouvernement évoque une augmentation de 60 euros par ménages sur l’année. On peut plus raisonnablement tabler sur une augmentation de 75 à 100 euros en vérité, et à cela se rajoutera une nouvelle hausse de 5% prévu l’année prochaine. De plus M. Ayrault nous a annoncé qu’en 2015 une nouvelle hausse d’environ 5% serait à prendre en compte. Autrement dit, on est loin d’une hausse indolore.

Comment expliquer par ailleurs que la méthode de calcul de ces hausses de prix soit aussi dépendantes des informations d’EDF ?

François Carlier : C’est là tout le problème de la CRE (chargée de valider ces hausses, NDLR). Lorsqu’elle publie des communiqués de presse elle affirme qu’elle a établi avec précision ce que doivent être les coûts de l’année prochaine. Par contre, ces affirmations se font soudainement beaucoup plus prudentes lorsque l’on observe le rapport dans le détail. Tout d’un coup on vous dit qu’il ne s’agit pas d’un audit et que rien n’est absolument certifié, ce qui semble assez paradoxal. Pour être tout à fait honnête, l’expertise du niveau des coûts semble assez juste, mais il faut comprendre qu’ils évaluent aussi l’ensemble des coûts pour EDF en France. Sachant néanmoins qu’ils doivent aussi se prononcer sur les tarifs réglementés des particuliers, ils sont forcés de faire une « affectation des coûts » qui, pour diverses raisons très techniques, devient assez complexe à détailler. Pour établir ces clés d’affectation ils sont chargés d’établir ce que l’on appelle des « profils de pointe » (comprendre pointe de consommation, notamment en hiver, NDLR) qui sont déterminantes dans l’affectation des coûts. Or seul l’opérateur est capable de fournir ces fameux profils, ce qui fait que ceux qui souhaitent contrôler les comptes globaux d’EDF sont obligés de leur faire confiance sur cette partie. Cela explique que la méthode de calcul soit dépendante de ce qu’en dit EDF.

Raphaël Boroumard : La CRE et l’Etat-actionnaire sont tributaires des informations fournies par l’électricien. C’est un problème classique d’asymétrie d’information dans une relation dite « principal-agent ». En économie, on parle d’un rique de capture du régulateur.

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