Pourquoi la guerre que l'Australie mène contre les requins n'améliore pas la sécurité des baigneurs <!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration.
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Les dents de la mer

Plusieurs rapports pointent du doigt les lacunes des filets, dangereux pour les requins et peu sécurisants pour l'homme, mis en place dans plusieurs Etats australiens.

Sept. C'est le nombre de personnes décédées du fait d'une attaque de requins au large des côtes d'Australie occidentale, ces trois dernières années. Une situation qui pousse le gouvernement du plus grand État d'Australie à agir. L'association Surf Life Service Western Australia (@SLSWA), a d'abord implanté sur 320 requins un système qui tweete automatiquement lorsque ces derniers s'approchent à moins d'un kilomètre des côtes et des baigneurs. Trois espèces, "qui menacent directement les humains" – le requin blanc, le requin tigre et le requin bouledogue –, sont concernées.

L'installation de grands hameçons appâtés suspendus à une bouée d'un kilomètre au large des plages est également prévue pour ce mois de janvier. Les pêcheurs commerciaux auront désormais le droit de tuer les requins de plus de trois mètres encore en vie après avoir été accroché par ces hameçons. Cette mesure n'est pas propre à l'Australie occidentale, le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud ayant également mis en place des filets anti-requins, à l'image de ce qui se fait en Afrique du Sud, pour les empêcher de pénétrer dans les zones de baignade. L'objectif avoué plus ou moins explicitement est surtout de réduire la population de requins "potentiellement dangereux".

Les filets installés par ces Etats tuent quasiment à coup sûr les requins qui se prennent dedans. Ne pouvant plus se déplacer pour respirer, les animaux finissent en effet par périr. Cependant nombreux sont ceux qui remettent en cause l'efficacité et l'intérêt de cette méthode de lutte contre le prédateur aquatique.

Les chiffres semblent, à première vue, donner raison aux Etats qui luttent contre les requins. Le Queensland a installé ses hameçons en 1962 et n'a, depuis, recensé qu'une seule attaque mortelle. D'excellents résultats pour un système coûteux, les lignes d'hameçons coûtant plus de 590 000 euros par an à la Nouvelle-Galles du Sud et 1,2 million d'euros au Queensland. Les opposants aux filets soulignent toutefois que ces bons résultats ne sont que le fruit de deux causalités simples : les hameçons tuent des milliers de requins alors que les attaques sont, d'une manière générale, extrêmement rares.

Il apparaît également que les filets ne permettent pas réellement d'empêcher les attaques. En cause, la manière dont ils sont installés. Les filets s'arrêtent en effet à quatre mètres de la surface afin de permettre aux bateaux de passer. Les requins peuvent donc nager au-dessus ou en-dessous. Un autre problème concerne les appâts déposés sur les hameçons. Une étude menée dans le Queensland affirme que les dauphins volent cet appât dans une moyenne de 90 secondes après sa mise à l'eau, laissant ainsi les hameçons sans rien pour attirer les requins à eux.

Les lacunes des filets soulignent donc l'un des principaux arguments de leurs opposants : la faiblesse du nombre des attaques ne serait due qu'à la faible propension des requins à attaquer l'homme. Un principe difficile à défendre face aux attaques récemment enregistrées : la mort d'un surfeur, en novembre dernier, et les blessures d'une plongeuse, en octobre. "Il est difficile de déterminer si les filets empêchent effectivement les attaques , mais ils fournissent un sentiment de sécurité pour les utilisateurs de la plage", estime un rapport préparé pour la ville de Dunedin (Nouvelle-Zélande), qui a abandonné son programme d'installation de filets en 2011.

Le gouvernement australien s'inquiète désormais des effets négatifs de ces installations anti-requins. Un récent rapport sur la protection de la population du grand requin blanc met l'accent sur la nécessité "d'équilibrer les perceptions de sécurité publique" avec la nécessité de ne pas "accroître les risques pour les espèces". Selon lui, "l'éducation publique et la démystification du requin blanc restent une priorité". Une noble intention atténuée par le manque de connaissances des scientifiques à propos des requins et de ce qui les pousse à attaquer. Difficile donc de défendre un animal tueur d'hommes et d'empêcher les gouvernements de chercher à l'exterminer, ou du moins à fortement réduire sa population.

Des études sont menées, notamment pas les équipes de l'université KwaZulu-Natal d'Afrique du Sud, afin de comprendre les comportements des requins et ainsi prévoir les moments où ils sont le plus susceptibles d'attaquer. Le but de ces coûteuses recherches - on parle de 2,6 millions d'euros par an - est d'informer au mieux les baigneurs des risques qu'ils encourent et d'éviter de nouveaux drames. Le travail des Sud-Africains aurait, apparemment, permis de réduire les risques, les plages surveillées n'enregistrant qu'une seule attaque mortelle entre 1990 et 1998, contre 5 sur les plages non surveillées. La Réunion mène également le programme "Cap Requin", en association avec l'Afrique du Sud (encore). D'une durée de six mois, celui-ci étudie l'effet de l'installation de drop lines, plus respectueuses de la biodiversité que les filets. Un bon compromis entre protection des hommes et volonté de ne pas mettre en danger certaines races de requins.

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